5.2.3. Relations des protestants avec les catholiques

En dépit de l’opposition des missionnaires, depuis les années 1950, le protestantisme réussit à se frayer son chemin en sorte que les Églises catholiques et protestantes suite au phénomène d’immigration et du développement des villages en cités indigènes se côtoient. Parfois, les protestants excluent les personnes qui ne sont pas de leur confession religieuse dans leurs institutions 1483 . Dans le cas contraire, ils s’efforceront d’obtenir des conversions comme une condition d’être admis dans leurs institutions.

Les relations entre les catholiques et les protestants ont été fluctuantes selon les période. Durant la période coloniale (1929-1960), les protestants se montrèrent hostiles aux catholiques et ne désiraient aucun contact avec eux. La raison profonde de cette agressivité se situait au niveau de la politique du moment à savoir la collaboration indirecte des missionnaires catholiques belges avec l’Administration civile pour les réprimer.

Par ailleurs, les protestants étaient défavorisés par le régime colonial à cause de leur origine anglaise et américaine. En outre, leur vie puritaine les marginalisait dans la société. Ce phénomène s’accentua quand ils ne voulaient pas se conformer à la réglementation coloniale. Ainsi, ils ne pouvaient pas recevoir les subsides de l’Etat parce qu’ils ne voulaient pas suivre le programme officiel des écoles 1484 . C’est la raison pour laquelle leur niveau intellectuel restait bas.

Après l’indépendance (1960-1976), un dialogue fut amorcé. Les contacts et les relations entre les autorités religieuses furent plus nombreux. Toutefois, au sein de la population locale et des catéchistes pour la plupart peu instruits, le dialogue et la collaboration sociale restaient difficiles. Jusque dans les années 1980, il régnait une grande méfiance entre les protestants et les catholiques 1485 .

Cette attitude provient de plusieurs facteurs. D’une part, les protestants ont peur d’être absorbés par les catholiques du point de vue numérique et doctrinal. D’autre part, ils se divisent de plus en plus en créant de petites communautés séparées. Par ailleurs, pour régler leurs différends, ils recourent à l’Évêque catholique comme ce fut le cas, en 1987, quand les pasteurs Kalwahi et Kamala, pour une question de pouvoir et de la gestion économique, scindèrent l’Église de Hulbert en Communauté Baptiste au Kivu (C.B.K.) et en Communauté Evangélique Baptiste en Afrique.

À cause de ces querelles, l’État dut fermer leur Église. Pour échapper aux menaces Kalwahi se réfugia à l’évêché. Il a fallu l’intervention de Mgr Emmanuel Kataliko pour que cette Eglise puisse encore être ouverte aux chrétiens. Non seulement ce fait donna plus de crédit à l’Église catholique mais aussi il nourrit la crainte d’être engloutie par le catholicisme.

Lors de ces querelles, plusieurs protestants se reconvertirent à l’Église catholique. Une autre crainte provient du fait que leurs conversions ne sont pas sincères. Ils intègrent facilement les marginaux catholiques ou du moins les catholiques qui vivent dans une situation irrégulière. À ce phénomène de conversions intéressées s’ajoutent celui des « conversions fanatiques » à cause de son appartenance familiale, sociale et professionnel.

Conscients de ces faiblesses, les protestants cherchent à détruire la doctrine et les pratiques catholiques. Ils dénigrent l’Église catholique dans sa tête comme dans ses membres en qualifiant le Saint Siège de « Babylone la grande ». Bien plus, s’ils ne font pas l’apologie de leur religion en revendiquant une certaine supériorité morale, ils créent chez certains chrétiens catholiques un relativisme religieux qui va jusqu’à affirmer que toutes les religions se valent.

Les catholiques perdent parfois leur conviction religieuse, vivotent et restent désemparés si de telles affirmations provenaient des catéchistes convertis au protestantisme 1486 . Enfin, ils s’attaquent aux œuvres sociales de l’Église catholique. En 1987, ils pillèrent le moteur de l’hôpital de Musienene comme bien avant, dans les années 1970, ils achetaient les microphones volés dans les églises catholiques 1487 .

Depuis les années 1980, les relations des catholiques et des protestants ont changé. La situation de la guerre ou de zone opérationnelle militaire a unifié catholiques et protestants. Ces derniers recourent à l’évêque pour avoir l’attitude à adopter. Cette attitude se consolide dans les évènements importants du diocèse : les décès des membres du clergé diocésain, les ordinations sacerdotales ainsi que les vœux de religion.

Les écoles sont devenues des lieux où la jeunesse protestante et catholique s’apprécient et confrontent leurs attitudes religieuses. En réalité, la dénomination « protestante » est devenue désuète : les membres de ces confessions religieuses s’identifient dans leurs appartenances aux communautés chrétiennes adventistes, évangéliques ou baptistes. Dans la vie concrète et familiale, ces différences se réduisent à l’attention à l’autre dans ses pratiques alimentaires, son style de prière, et ses observances religieuses.

Notes
1483.

En 1980, trois religieuses des Petites Soeurs de la Présentation qui travaillaient comme infirmière à Katwa firent chasser de l’hôpital par refus de collaboration avec les catholiques.

1484.

Charles MBOGHA, La pratique et les perspectives d’évangélisation du diocèse de Butembo-Beni. Bruxelles, Lumen vitae, Institut International de Catéchèse et de Pastorale, 1975, p. 205.

1485.

Emmanuel Kataliko, Rapport quinquennal de 1977 à 1981, p. 23-24.

1486.

Complaintes des catéchistes dans les conseils paroissiaux à Mbao (1986-1991).

1487.

Ces témoignages proviennent de notre vécu dans le diocèse et de notre expérience pastorale (1986-1991) dans la paroisse de Mbao, non loin de Beni.