5.4.3. L’Église et la communion des saints

Selon les catéchistes, les responsables des communautés chrétiennes et des mouvements d’action catholique, une des grandes révolutions que le christianisme a opérées dans la tradition nande fut la présentation de l’Église comme « famille de Dieu 1570  ». Malgré les aspects théologiques difficiles à comprendre : « corps du Christ, l’Église une, sainte, catholique », les chrétiens ont reçu dans leur catéchisme une vision positive de l’Église qui est présentée comme l’unique Église, vraie, (Eklezia moja na ya kweli), et apostolique.

Pour les chrétiens, cette Église catholique perpétue l’œuvre des apôtres, selon l’ordre de Jésus-Christ. Pour eux, la semaine de l’unité (17-25 janvier) est une durée pour prier pour le rassemblement d’un seul peuple sous un seul chef, le pape. Dans la même perspective, la doctrine chrétienne fonde l’Église sur des élémens-cléfs : la tradition (mapokeo ya wazee : héritage des anciens/apôtres), et sur la bible et a comme signes distinctifs (eviminyikalo), l’unité, la sainteté, la catholicité, et l’apostolicité (moja, takatifu, katoliki, na ya mitume/nguma, mbuyirire, katoliki, ndumwa).

La mission des chrétiens d’être au service de l’Église fut assimilée par les premiers chrétiens au rôle que chacun peut jouer dans la famille réunie autour de l’ancêtres-fondateur, Jésus-Christ, et les représentants (smimamizi en swahili et omwimaniri) du clan, le pape (papa) et les évêques (askofu) identifiés aux « gouverneurs de l’Église », dans le catéchisme.

Par ailleurs, la théologie missionnaire développa une ecclésiologie chistocentrique en expliquant que Jésus-Christ a fondé l’Eglise pour qu’elle puisse poursuivre son oeuvre de « respecter (erisikya) Dieu, et de conduire les hommes au ciel. Il a ensuite promis à cette Eglise qu’il resterait toujours avec elle jusqu’à la fin du monde, et que la force de satan ne peut la vaincre ». Cette Eglise, comme le signale saint Paul, est le Corps de Jésus-Christ (Mwili wa Kristu, omuviri wa Kristu) qui en est la tête. Les chrétiens en sont les membres (kitsuko) et ont cette « obligation d’aider l’Eglise dans sa tâche de louer (eriramya) Dieu, de sauver les hommes, et de les conduire au ciel ».

En Eglise, se vit la communion de tous les saints (omuhindano w’avavuyire), comprise comme une rencontre ou encore une réunion de tous les saints (shirika kubwa la waamini). La communion des saints est l’unité des enfants de l’Église, des chrétiens vivants sur terre, les âmes du purgatoire (emitima yom’ovwereryo, roho za toharani), et les saints du ciel.

Cette doctrine entraîne de nouvelles conceptions religieuses avec l’Église triomphante (eklesia inayoshinda), constituée des saints du ciel, l’Église terrestre (eklesia inayopigana) traduit littéralement par « l’Église en lutte », les âmes du purgatoire, roho za matohara, (eklesia inayoteswa), c’est-à-dire l’Église souffrante. La communion se réalise dans le sacrifice de la messe (sadaka ya misa), dans la prière des uns pour les autres, et dans la messe des suffrages pour les morts.

L’enseignement porte naturellement l’esprit nande vers le sort des défunts et le culte des ancêtres. Les chrétiens nande l’ont récupéré dans leur enseignement moral à tel point qu’il est devenu le critère du jugement d’un comportement : le paradis pour les vertueux, les atrocités de l’enfer pour les méchants et les impies 1571 .

Ensuite, la doctrine sur l’Église fut accompagnée par les enseignements sur les saints dont la Vierge Marie, comprise comme Nyavingi dans la vision chrétienne. Celle-ci fut présentée comme la mère de toute la famille des saints, la Mère de Dieu (Nyinya wa Nyamuhanga), et « notre Mère du ciel » (koyo wetu w’eluvula), Mère du Rédempteur (Mama wa mwokozi). Elle fut associée au sacrifice et à la souffrance du Christ (aliteswa pamoja na Yezu na kusharikia sadaka yake). Par ailleurs, la Vierge Marie est désignée comme « corédemptrice », mot traduit par « elle a aidé au travail de notre salut », (alisaidia ukombozi wetu).

Enfin, la théologie missionnaire confesse la « mort de l’homme et les fins dernières (Jn,14,1-3) ». Dans cette eschatologie, le catéchisme enseigne que tous les hommes passeront par la mort parce qu’ils sont des « héritiers du péché du commencementd’Adam et d’Eve (Rm, 5, 12 ; 1 Cor, 15,22) ». À la mort d’une personne, Dieu juge l’homme sur ses actes dans un jugement particulier (ovuhamuli vw’olya mundu) qui a pour issue soit le ciel (eluvula), soit le purgatoire (evwereryo), soit l’enfer (emuliro : au feu éternel).

Selon cet enseignement missionnaire, le ciel est destiné à ceux qui ne gardent pas les tares et les stigmates du péché, pendant que le purgatoire est réservé à ceux qui sont morts avec la grâce de sainteté mais qui ont encore les cicatrices du péché. Enfin, l’enfer est destiné à ceux qui ont refusé l’amitié de Dieu et qui meurent avec un péché mortel sans aucun remord et désir de renoncer à ce péché.

Les saints voient Dieu et vivent avec lui éternellement dans une joie sans fin tandis que ceux qui sont au purgatoire restent dans les ténèbres. Les impies ne voient pas Dieu ; ils vivent dans une extrême souffrance sans fin avec Satan (sitani), désignée parfois comme Lucifer (lusifero). Au dernier jour du monde (omuhindo w’ekihugho), compris comme une clôture et la fin de ce monde visible, Dieu reviendra dans la gloire au milieu des anges. Il ressuscitera les morts (avaku) et rassemblera tout le monde pour le jugement (maamzi ma kuu ya dunia/erihamula).

Ceux qui ont aimé Dieu en écoutant et en suivant sa parole recevront la vie éternelle et entreront dans son Royaume dans la joie du ciel, tandis que ceux qui ont refusé son amitié en commettant le mal seront jetés dans le feu éternel de satan. Ce royaume de Dieu sera définitivement établi (erisinga) le jour de la fin (ekiro ky’omuhindo) où Jésus reviendra dans la grande gloire. Ce jour sera aussi celui d’une nouvelle création.

Notes
1570.

Notes personnelles sur les sessions jubilaires de l’an 2000. Témoignage d’un carrefour dans la paroisse de Kitatumba, le 14 septembre 1999.

1571.

Selon notre expérience personnelle, les enfants, pour montrer leur indignation contre un mal ou une injustice subis, sont vite portés à déclarer que le malfaiteur “mérite ou ira dans le feu de Satan”.