5.6.3. Apport du christianisme à la religion traditionnel

Le christianisme en contact avec les croyances nande a été en quelque sorte un élément purificateur qui aboutit à une rupture d’avec certains aspects dans la vision de Dieu-Nyamuhanga, dans son rôle social de protecteur de la jeunesse masculine et féminine (Lusenge et Mbolu). Les enfants continuent d’ailleurs à recevoir ces noms quand leur naissance a tardé ou n’était plus espérée. Les participants à la session préparatoire de jubilé de l’an 2000 ont demandé de ne pas utiliser ces noms dans la pastorale. Par ailleurs, les attributs Mutwangwangwa, maître des éboulements, et Kihara, le justicier, qui peuvent trouver des liens avec la Bible (Ex, 15, 1-2) furent rejetés à cause des méfaits que représentent ces réalités, et à cause de leur rapport avec les esprits mauvais. Il en est ainsi de Matumo, Maître des combats, suite à sa relation avec la mort. Mais, l’attribut Ndioka, désignait le maître des eaux et qui a des traits avec des récits bibliques ne fut totalement rejeté 1649 . Le Ndioka a un rôle ambigu : il pourvoit à la fertilité du sol tout en étant réputé comme une divinité qui massacre les enfants. Il est habituellement employé dans les plaisanteries et les jurons pour souhaiter du malheur à quelqu’un. Quant au mouton de Dieu (ekiyibungya) 1650 , immolé le jour du grand sacrifice annuel, ne fut pas admis à cause de l’unique sacrifice rédempteur du Christ, commémoré lors de la messe 1651 .

Malgré ces ruptures, il y a eu continuité dans la discontinuité tout au long de la christianisation du diocèse de Butembo-Beni. La croyance en Dieu-Nyamuhanga a été enrichie par la vision chrétienne de Dieu, un et trine. Mis à part l’apport de l’angélologie et de la démonologie, des récits du péché originel, des patriarches et des prophètes, la plus grande nouveauté dans la culture nande fut l’incarnation du Fils de Dieu.

Ce mystère est accompagné d’autres réalités qui lui sont corollaires, la Trinité, la maternité divine et l’Immaculée conception, la rédemption à travers la passion, la mort, la résurrection, l’Ascension du Christ, et la Pentecôte. Dans la même perspective, la confession de foi (credo) prolonge ce mystère du Christ dans la nouvelle vision de la grande famille comme Eglise avec ses divers aspects dont la vie consacrée et sacerdotale. Le rôle sacerdotal, qui appartenait à la seule famille royale, est devenu l’apanage de toute personne qui a la vocation.

Bien plus, le mystère du Christ et de l’Eglise a introduit des éléments nouveaux dans la vie culturelle du peuple, le livre sacré, la Bible, la tradition apostolique (mapokeo ya wamitume), les sacrements, la messe, le ciel, le purgatoire, l’enfer, le croyant (mwamini) et le paën (mpagani/omupanyifu en swahili et en kinande), le dernier jugement, la messe des suffrages, la résurrection des morts, le retour glorieux du Christ, et la nouvelle création. L’adhésion au christianisme est bien devenue l’adoption d’une religion nouvelle.

Cependant dans ce processus de christianisation, de rupture et d’enrichissement 1652 , vers la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le christianisme a été d’abord perçu comme une religion blasphématoire. Son fréquent usage du nom de Dieu-Nyamuhanga, l’indicible et l’ineffable, a scandalisé la population locale. Nous l’avons dit, Dieu-Nyamuhanga ne pouvait être évoqué que lors du sacrifice pour être prié, loué, et adoré. En dehors de cet instant, évoquer ou jurer par ce nom étaient des blasphêmes graves qui attiraient la malédiction sur le village. Il fallait le quitter et l’installer à l’endroit où le chef de l’ethnie indiquerait. Le coupable devrait expier sa faute par l’offrande de deux moutons et de deux coqs ayant dans chaque espèce la couleur blanche et noire pour le sacrifice de réparation du nom de Dieu. Avec l’introduction du christianisme, ces péchés se réparent en privé dans un confessionnal sombre en présence du prêtre.

Par ailleurs, la rencontre de la culture nande avec le christianisme depuis la fin du XIXe et au début du XXe siècle a fait apparaître un nouveau péché contre le Dieu-Nyamuhanga. L’adhésion au christianisme a été considérée comme une “apostasie”, selon la terminologie chrétienne. Pour sa réintégration dans la société, le coupable se présentait devant le chef religieux et le conseil des anciens. Il offrait deux moutons et deux coqs de couleur blanche et noire dans chaque espèce animale.

Après des actes d’iconoclasme envers ses médailles et son chapelet, le chef procédait au rite du «rejet de la religion chrétienne». Il lui administrait un vomitif qui donne le nom au rite erisaly’ekisomo (faire vomir la religion) et offrait un sacrifice d’expiation pour éviter une mort brutale au coupable et des calamités à la communauté. Le repas de réconciliation scellait cette réintégration au sein de la communauté 1653 .

Progressivement les sacrements furent considérés comme des initiations à la vie chrétienne prologeant les rites qui célébraient le cycle vital de la personne. L’imposition du nom au baptême évoque celui que les Nande reçoivent à la naissance comme aussi lors de l’initiation. La gifle reçue lors de la confirmation fut assimilée aux souffrances morales et physiques qu’affrontaient les jeunes lors de l’initiation masculine.

Les sacrements sont une nouveauté dans la vie religieuse des Nande. Certes des confusions peuvent subsister autour de la confession qui peut être assimilée à une rencontre personnelle avec le devin comme les rites de l’onction des malades à ceux des guérisseurs. En tout, les chrétiens comprennent qu’il y a une “recherche de la vie” ou du retour à la vie de grâce (erisuvakw’esyongeve).

La morale chrétienne est un autre aspect de la transformation socioculturelle. Bien que l’éthique nande semble proche de la morale chrétienne qui se dégage des dix commandements de Dieu, des différences sont à établir. Les Nande prônaient le respect de tout homme et l’amour universel. L’expression «oyoghutasi y’omundu», c’est-à-dire littéralement que «l’inconnu est la personne» bienveillante qu’on ignore ou encore ce n’est pas toujours la personne la plus proche qui comprend la difficulté de son voisin, mais parfois un passant 1654 . Le message vise à les mettre en garde contre des compagnonnages aux effets négatifs. On peut certes compter sur ses frères et ses familiers. Mais ceux-ci peuvent, parfois, décevoir la personne qui espérait d’eux un secours. Il arrive souvent que l’inconnu reste plus sensible au besoin de l’autre. Cette expression proche du bon samaritain de l’évangile (Lc, 15, 11-32) est toujours suivie d’une autre: «Personne ne connaît celui qui l’enterrera» (Sihali owasi owakesyamuta). Ainsi, faudra-t-il porter une attitude particulière à toute personne.

Néanmoins, les anciens dans la sagesse populaire recommandent une prudente relation avec un ennemi déclaré, c’est-à-dire celui qui, délibérément, veut porter atteinte à la vie de l’autre. Ce conseil va de l’autodéfense à la violence comme le dévoile ces sentences : «enzighu isiyakylya ! Yimavitoka kumbe isiyakumera ! Kutse iwahola nayo kutse iyakusala ! ». Ces sentences peuvent se traduire comme suit : « Ne permettez pas à vos ennemis de vous avaler ; s’ils y arrivent, éviter qu’ils puissent vous digérer ; ou vous mourez avec eux ou ils vous crachent 1655 ».

Dans tous les cas, en vue de réconcilier les personnes, la coutume condamne les opposants et les exhorte à prendre un repas ensemble (erilira haghuma) en signe de fraternité à renouer et à renouveler constamment. Les Nande trouvent qu’il est impensable qu’une personne s’érige contre une autre sans un manquement ou une erreur de sa part. Même le fou ne peut agir ainsi, continuent les sages.

Outre ces cas extrêmes, l’éthique nande trouve son fondement dans le culte et la vénération des ancêtres, héros, qui ont mené une vie vertueuse dans la communauté. Le culte des ancêtres, en effet, est la garantie et la sauvegarde de la liberté et du droit, de la cohésion et de la survie de la communauté, ainsi que ses bonnes mœurs qui se résument dans l'unique vocable : la prospérité (ovutunganane).

Malgré la négation du culte des morts, les agents de la christianisation découvrirent que les Nande avaient un sens profond du péché qui découle de la conscience morale à partir d'un acte posé 1656 . Ainsi, toute transgression volontaire ou involontaire engendre des remords, une crainte d'avoir déplu à Dieu et aux ancêtres, et sème la peur d'être sanctionné.

Cette conception du péché se trouve enracinée dans le cœur des Nande ainsi que des autres ethnies africaines. Les Pères synodaux ont reconnu cette dimension en tout homme :

‘«Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donné lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son cœur : 'Fais ceci, évite cela'. Car c'est une loi inscrite par Dieu au cœur de l'homme; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait attendre 1657 ».’

La conscience dicte à l'homme la conception du mal (ekivi) qui engendre chez les Nande la conscience du péché (erilolo). Le péché est compris comme une brisure d'harmonie de l'homme avec lui-même et son semblable, avec la coutume, la nature et avec Dieu. De cette vision éthique découlent les différentes sortes de péchés dans la culture nande 1658  : le “péché contre Dieu” (eritengula omutatenulwa), et le “contre les personnes et les choses sacrées” (amalolo oko vatsumulwa) correspondent, en quelque sorte, aux manquements aux cinq premiers commandements de Dieu.

Cependant, le « péché contre le village et la vie communautaire » (amalolow’eka) est un amalgame des commandements de Dieu. Ce péché inclut les conflits familiaux, la maltraitance de l’orphelin, de la veuve, de l’handicapé ou de la personne humainement et socialement fragilisée. Il comporte aussi la vie sexuelle désordonnée, la négligence des totems qui sont le symbole du clan et de son ancêtre fondateur. Il concerne la profanation des objets du culte et la ‘poule des ancêtres’ destinée au sacrifice, et enfin la destruction de la véranda qui est la case communautaire des sages et des adultes du village.

Par ailleurs, le « péché contre le pays », (amalol’okokihugho), comprennent la région dans son ensemble, le roi, les endroits sacrés comme les bosquets ou les temples (ovuhima) des sacrifices pour la région. Le coupable est qualifié de nyakavule. Ce péché n’a d’autre contenu que la terre appartient à Dieu et que les propriétaires terriens sont des intendants de Dieu. Il implique entre autres, le fait de refuser de payer le tribut annuel, de ne pas vouloir quitter le toit paternel quand un jeune couple vient de se marier (eritendikwik’amahigha), de calomnier ses chefs ou ses parents, de s’isoler de sa famille par égoïsme, et de ne pas contribuer au développement de la communauté à cause de la paresse. Ces péchés provoquent les épidémies, la sécheresse, la famine, et les inondations. La réparation de ces péchés exige un rite d’expiation et de sacrifices, réalités inadmissibles par le christianisme.

La culture nande reconnaît enfin « le péché contre la personne » qui consiste à l’autodestruction de soi. Ces péchés correspondent à peu près aux sept péchés capitaux : la rancune (ekinigha), l’avarice (ovuhemu), la jalousie (eritsuro), la paresse (ovughata), la colère (ovuhitane), la haine (ovuhighu), et l’alcoolisme (etamiro). Cette catégorie des péchés englobe aussi la transgression des interdits (amatsiro) alimentaires et sexuels (amatsikimane n’amakwinikwini). Enfin, il existe le « péché du sorcier » qui porte atteinte volontairement atteinte à la vie de l’autre et à ses biens et culmine dans la désagrégation sociale.

Ces références aux péchés n’ont d’autre finalité que de régulariser et harmoniser la vie de la personne avec elle-même, avec celles des autres dans la communauté, avec la nature et avec Dieu. La conformité à ces exigences est signe de sagesse de vie selon la tradition ancestrale dont la récompense ne peut être que le séjour auprès des ancêtres 1659 . Cette vision va à l’encontre du Père Lieven Bergmans qui affirme que :

‘«Ni l'espérance d'une récompense après sa mort, ni la crainte d'une punition dans l'au-delà n'ont une influence quelconque sur sa conduite morale. Si le Munande animiste tient, dans sa conduite habituelle, plus ou moins compte d'une éventuelle intervention de Dieu ou des esprits, il reste positivement établi que d'une part, seule la crainte de l'opinion de son entourage est le véritable frein qui puisse l'empêcher de faire des actions jugées mauvaises, et que d'autre part, une certaine honnêteté innée est le seul mobile qui le pousse à accomplir une bonne action 1660  ».’

Les croyances nande, ainsi que d'autres croyances africaines, ont cette conviction que celui qui se conforme aux valeurs traditionnelles prospère ici sur terre, et celui qui se révolte en subit des conséquences et des sanctions négatives, non seulement dans ce monde mais aussi dans le monde à venir 1661 . Cette éthique a une dimension verticale dans sa relation avec Dieu et les ancêtres, et horizontale, dans sa relation avec la communauté. La vie sociale, pour son harmonie, fixe des objectifs, des prescriptions et des défenses qui déterminent la ligne de conduite dans la vie ordinaire du peuple.

Le christianisme a rejeté les croyances qu’il jugeait incompatibles avec sa vision religieuse des calamités et cataclysmes naturels. Il a condamné les sanctions négatives comme l’exil, la relégation et le fait de brûler une personne vivante. Après ce ‘travail de purification’, il a orienté l’espérance de la croyance traditionnelle au séjour des morts vers le paradis et les saints du ciel auprès de Dieu.

Néanmoins, la culture a connu une régression dans sa vie morale à cause du pardon des offenses qui est devenu une affaire individuelle du coupable avec le prêtre bien que sa faute ait une portée sociale. Les Nande ne conçoivent pas une réhabilitation sociale sans une thérapie préalable. La réparation des péchés (erilusy'amalolo) s'opère par un rite sacrificiel d'expiation et de purification (erilolya) qui comporte cinq étapes. Le coupable avoue d'abord sa faute (eriysing'oluvanza) ; ensuite les sages du village consulte Dieu qui pardonne par le biais du chef (erivuly'akasyakulu ou eriy'akasyakulu). Ces étapes sont suivies de la réparation du dommage, fixée par le conseil des sages, par une poule ou une chèvre selon la gravité de l'erreur (embanulo). Il s'ensuit alors le rite sacrificiel aux Ancêtres (ovuhere), puis la fête de la réconciliation dans un repas communautaire (erisuv'omovughuma) 1662 .

La pratique chrétienne, bien qu'elle sauvegarde la dignité du coupable, semble négliger le déséquilibre que sèment le péché et le coupable dans l’ordre ascendant avec Dieu et les Ancêtres, et dans l’ordre horizontal avec soi-même, les autres et même na nature. Bien plus l’aspect thérapeutique semble absent au niveau communautaire car les Nande croient que le péché a un caractère contagieux (ekihondo). Ainsi, la réconciliation semble partielle.

Enfin, du point de vue spirituel, la culture nande fut transformée par les diverses prières qui accentuent la “vie en Dieu” quand elles soulignent la foi, l’espérance et la charité. Bien plus, elles englobent toute la vie chrétienne si on se réfère aux rares prières des messes pour les diverses circonstances et les intentions diverses.

Ces prières sont regroupées sous quatre rubriques : celles de l’action de grâce et de la vie de l’Église. Elles s’adressent à la hiérarchie ecclésiastique et à ceux qui exercent des ministères dans l’Église. Elles incorporent les vocations religieuses et sacerdotales, les laïcs, l’unité des chrétiens, l’évangélisation des peuples, les chrétiens persécutés et la réconciliation. Ces intentions diverses se portent ensuite sur la vie du monde et concernent les questions de justice et de paix, de guerre et de troubles graves, du pays et ses dirigeants, ainsi que celles qui se tournent vers la vie humaine, le travail, le début de l’année, les semailles et les récoltes.

Par ailleurs, les prières chrétiennes pour les intentions particulières touchent les diverses souffrances dans le monde. Ces prières semblent le plus répondre à la sensibilité africaine. La détresse dans le monde, la demande de la pluie et du beau temps, les prières au temps des calamités, le séisme, la famine, les tempêtes sont autant d’aspects qui affectent la vie humaine. Sous cette même rubrique, les chrétiens peuvent embrasser les réfugiés et exilés, ceux qui sont en captivité ou en prison, ceux qui souffrent de diverses maladies et infirmités, et ceux qui s’attendent à la mort 1663 .

Les Nande auraient-ils découvert dans ces prières les aspects qui rejoignent leur conception du péché contre Dieu, contre les personnes sacrées, contre le village et la vie commune et contre soi-même ? Sans nul doute, ces prières constituent les grandes intentions chrétiennes dans les communautés ecclésiales vivantes. Elles ont supplanté les différents rites traditionnels liés à la vie humaine, économiique (agraire) et sociale.

Néanmoins, il est douteux que les chrétiens connaissent l’existence de ces intentions de messe 1664 . Les raisons pour lesquelles les missionnaires n’ont pas promu ces intentions de prière résident dans le fait qu’ils ne voulaient pas créer l’image du prêtre qui serait assimilé au créateur du beau temps ou de la pluie lors des rites agraires, et au devin qui intervient dans toutes les circonstances de la vie. Le clergé autochtone a inconsciemment hérité cette attitude qui évitait de concentrer trois rôles culturels en l’unique personne du prêtre, bien qu’il soit toujours perçu comme le médiateur entre Dieu et les hommes 1665 .

Enfin, les dévotions, et les fêtes liturgiques ont introduit un nouveau rythme saisonnier dans la vie des Nande. Les grandes fêtes liturgiques de Noël, du nouvel an, de Pâques, et de l’Assomption, sont devenues des références pour la datation des naissances et d’importants évènements de la vie. Dans la même orientation, le dimanche est devenu non seulement le jour du Seigneur mais aussi le jour de la rencontre des personnes en familles, ou en groupes selon qu’on est membre d’un groupe spirituel dans un mouvement d’action catholique, ou d’un groupe social issu du contact avec la culture occidentale 1666 .

Ce jour de rupture d’avec le travail quotidien est devenu aussi le jour des visites aux malades dans les hôpitaux, et pour consolider les relations de parrainages. Les enfants expriment l’aspect spirituel et social du dimanche quand ils affirment que chaque dimanche, après la messe, est un jour de fête 1667 . Les adultes de leur côté, l’après midi du samedi, préfèrent rapporter au lundi le cas litigieux à arranger. Le dimanche est un jour de liberté (uhuru) 1668 .

D’une manière générale, les prières, les dévotions, et les chants ont pour fonction non seulement de maintenir la chrétienté dans la ferveur mais aussi d’approfondir la vie et la doctrine chrétiennes. Ce sont des formes de relations avec Dieu, avec Jésus, avec Marie, avec le Saint Esprit et avec l’Église. Cependant, les promesses des faveurs divines par ces actes de piété sont déjà développées dans la vie culturelle et les religions traditionnelles. Les Nande auraient-ils trouvé dans ces pratiques chrétiennes, sous une autre forme, une continuité de la religion traditionnelle ?

De même les images du Sacré-Cœur de Jésus, de la Vierge Marie, les médailles, les rosaires furent des moyens proposés pour vaincre le mal, vivre en profonde relation avec Dieu et avoir ses faveurs. Ne supplantèrent-elles pas, dans l’esprit des premiers convertis nande, les fétiches et les amulettes ?

En définitive, la christianisation peut être analysée comme un accommodement réciproque. La religion traditionnelle a pu continuer sous d’autres formes et le christianisme a dû négocier avec la culture nande. Aussi, la différence entre les croyances chrétiennes et traditionnelles semble parfois imperceptible. Elle est comparable à la pellicule qui sépare les deux couches d’un oignon à tel point qu’il est parfois difficile de discerner, dans la pratique, le seuil du christianisme et de la religion traditionnelle.

Notes
1649.

L’année jubilaire 2000 avait pour thèmes Dieu, le Saint Esprit; Dieu, le Fils; Dieu, le Père; et La Trinité. Après une session avec les agents de la christianisation, les prêtres, les religieuses et les religieux, les laïcs engagés et les catéchètes, les conférenciers se rendaient dans les paroisses pour s’entretenir sur leurs communications avec les chrétiens, les catéchistes, et responsables des différents mouvements d’action catholique. La part qui nous a été réservée était l’animation des cinq paroisses de la ville de Butembo.

1650.

Le mouton de Dieu jouissait d’une liberté totale comme le désigne son nom ekiyibungya c’est à-dire qui agit librement. Ce mouton ne pouvait pas être tondu. On ne pouvait pas non plus couper une partie de sa queue afin de hâter sa croissance. Il représentait quelque chose de mystérieux. Ainsi, il broutait à sa guise dans les prairies comme dans les champs cultivés sans être chassé afin de ne pas encourir le péché contre Dieu. On peut se référer à l’éthique nande dans la première partie de ce travail.

1651.

.Notes personnelles lors des carrefours des sessions du CETHEP en vue de la préparation du jubilé, l’én 2000. Butembo, août/septembre 1999.

1652.

Le tableau qui porte le titre Comparaison des doctrines nous laisse mieux pecevoir la continuité et la discontinuité ainsi que la nouveauté du christianisme dans la culture nande.

1653.

Parmi tant d’autres, le cas de Zacharie Wanzire Katembo, grand-père du frère assomptionniste Yves Nzuva Kaghoma est le frappant. Après ses travaux forcés dans les mines de Kamituga, au Sud-Kivu, il suivit durant trois ans le catéchisme dans la paroisse de Mbingi dans les années 1950. Il vint à se dénoncer auprès de sa communauté villageoise qui organisa ce rite d’apostasie. Plus tard, dans les années 1970, il alla revoir le prêtre qui le baptisa. Pour sa réintégration dans l’Eglise catholique, le Père lui demanda de refaire le catéchisme au bout duquel il reçut le sacrement de confirmation qu’il n’avait pas reçu. Bruxelles, le 3 septembre 2005.

1654.

Expressions courantes dans la vie du peuple. Elle est meme une interpellation des personnes sur la qualité de leurs relations dans la famille.

1655.

Matthieu SITONE, Hommage à Mgr Emmanuel Kataliko, op. cit., p. 16.

1656.

Lieven BERGMANS, Les Wanande, t. 2: Croyances et pratiques traditionnelles, op. cit., p. 93-131.

1657.

VATICAN II, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps, 'Gaudium et spes', dans Paul-Aimé MARTIN, (publ), Vatican II. Les seize documents conciliaires. Montréal, 1967, p. 187.

1658.

Nous avons déjà mentionné ces péchés dans la première partie du travail. Nous les signalons en signe de rappel afin de pouvoir l’évolution et l’involution de la culture nande.

1659.

Athanase WASWANDI, « Langage harmatologique 'erilolo' dans la société africaine et le sens chrétien du péché, dans Revue de Théologie Africaine 12(1988) n°23-24, p. 160.

1660.

Lieven. BERGMANS, op. cit., p. 94-95.

1661.

S.J. TRIMINGHAN, The influence of Islam upon Africa. London, Longman, 1980, p. 55-56.

1662.

Nous nous sommes ici référés à notre expérience personnelle dans le village. Nous tenons aussi nos informations de Seve, chef religieux traditionnel, du greffier Okelo, du Vicaire général, Mgr Nzughundo Théophile, à Musienene, de l'Abbé Mulyatsenge Philippe, de mon oncle Pierre Kambale, menuisier, de mon papa Kighemba Cosmas, maçon, à Butembo, des catéchistes Masinda Alphonse à Kyondo et de Vitandi à Mbao. La confrontation de ces informations relativement concordantes furent faite en septembre 1996. Pour plus d'informations, on pourra consulter l'article systématique d’Athanase Waswandi que nous venons de synthétiser après confrontation de sources. Cf. Athanase. WASWANDI, Langage harmatologique 'erilolo' dans la société africaine et le sens chrétien du péché, op. cit., p.153-163.

1663.

Missel de l’assemblée pour la semaine. Paris, Editions Brepols, 1986, p.1972-2181.

1664.

Observations personnelles dans la paroisse de Mbao (1986-1991) et dans la paroisse universitaire de Butembo (1998-2001).

1665.

Témoignages de Mgr Théophile Nzughundu, de Mgr Emmanuel Kahongya et de l’Abbé Vincent Kalume, directeur de centre catéchique de Butembo, en août 1998.

1666.

Témoignage des participants aux sessions jubilaires de l’an 2000, Butembo 14 septembre 1999.

1667.

Dialogue informel des enfants se disputant sur la rue, après l’ordination sacerdotale de Mgr Melchisedek Sikuli. Butembo, août 1998.

1668.

Témoignage des participants aux sessions jubilaires de l’an 2000. Butembo, avril/mai 2000.