Grande parade du Dimanche Gras

Dimanche 10 février, le temps est clément, le soleil retient les nuages chargés de pluie de cette saison qui ne porte pas encore son nom : la saison humide.

Pour ne rien manquer du phénomène et m’imprégner de l’atmosphère, je me rends sur les lieux du parcours dès treize heure ; le départ du défilé est fixé à dix-sept heure.

Déjà, les odeurs mêlées de friture et de poudre à pétards associées à l’humidité et à la chaleur tropicale dessinent une ambiance carnavalesque propice à la fête.

Des vendeurs de cacahuètes, de pistaches et de pop corn déambulent avant l’assaut de folie sur l’asphalte urbain du centre de Cayenne. Sur la place des Palmistes, des stands sont plantés là où sont en train de s’installer sur la pelouse jamais sèche de la place, au milieu des caravanes de restauration rapide implantées toute l’année. Une légère pluie, tombée la veille et le matin, a quelque peu détrempé par endroits le sol de terre. Il faut enjamber quelques flaques pour ne pas voir sa tong rester dans la boue et courir pied nu acheter du kalawang 43 , une marinade de viande ou un sandwich.

Une effervescence inhabituelle semble gagner la ville. Le jour de la grande parade est certainement un jour particulier pour la ville et ses habitants.

Dès quinze heures trente, l’avenue du Général de Gaulle, le rue principale, se gonfle d’un public attentif aux moindres mouvements et aux moindres bruits venant du centre de la rue.

Une petite fête foraine, a établi son « village » au bout de la place des Palmistes, avec une quinzaine de métiers, et propose à la population d’autres divertissements que ceux proprement carnavalesques.

Un attroupement s’est formé sur la place, ma curiosité m’y pousse. Je me faufile entre les badauds qui forment un cercle. Une démonstration de capoeira danse spectaculaire brésilienne avec accompagnement de musique et instrument traditionnels, ravit une centaine de personnes avant même le grand défilé du Dimanche Gras.

Les rues sont déjà noires de monde : vingt mille personnes sont présentes me confirmerait-on plus tard.

Mais déjà des sarabandes et percussions, prémices du tourbillon carnavalesque cayennais, introduisent le premier groupe qui apparaît au bout de la rue. Tous les regards convergent alors vers le haut de cette ligne droite d’où se déchaîneront des couleurs et des cuivres jusqu’à la nuit tombée.

Tout est liesse et tout s’enchaîne dans un flot de costumes chatoyants : la Grande parade a débuté !

La reine 2002 ouvre le défilé sur son char, semblable à celui perçu à la grande parade du littoral de Kourou. De larges feuilles de palmier encadrent la reine et son iguane géant de carton-pâte posé sur son arbre. Dans un encart vert est inscrit : « Reine du Carnaval 2002 ». La reine porte en écharpe sa distinction éphémère. Quatre jeunes filles de vert vêtues l’accompagnent dans le char. En surplomb, montée sur des bambous, une bâche en plastique repliée sert de simple précaution face à une saison des pluies qui ne montre pas encore toutes ses potentialités.

« Air Guyane » a maquillé une voiture en avion avec hélices et ailes. « Un avion qui roule ! » se moque une très jeune spectatrice placée à mes cotés.

Survient à présent, dans ce défilé tropical, un anachronisme surprenant : l’association « le crabe bleu » a fait descendre à Cayenne la splendeur des costumes de la Renaissance européenne. Leur pas est lent, leurs gestes élancés, pour donner encore plus de noblesse à cette apparition d’un autre temps et d’une autre culture.

Les corps ondulent, les bras se balancent d’un côté à l’autre des hanches, les épaules donnent la direction du corps.

Une armée d’insectes-humains entre à présent en scène. Un homme-araignée rouge démesuré a tissé sa toile dans le dos, mais le corps paraît sortir d’un roman de science-fiction. Une bestiole à ailettes se meut difficilement sur deux pattes entre une guêpe géante et une autre araignée verte qui, elles aussi, évoluent en bipédie. Mélange génétique de deux mondes !

Les déguisements sont richement décorés et les matières employées loin de ressembler aux téguments naturels du règne des insectes, mais le monde proposé par ce groupe, avec des dimensions surnaturelles et les déplacements étranges des personnages, nous invite à quitter toute norme de la vie quotidienne. La rencontre avec l’imagination du groupe est ici évidente.

Les membres du groupe « Malani et Safari », entre plumes et dorures, portent fièrement sur le sommet de la tête une représentation géographique de la carte du département guyanais surplombant un masque blanc richement décoré. Leur leader, lui, porte une représentation qui ne mesure pas moins d’un mètre de haut. Il faut de l’ingéniosité et des muscles cervicaux entraînés pour porter un tel couvre-chef. Des perroquets, des poissons, des fleurs y sont dessinés, la fusée Ariane et un arbre en papier mâché surplombent l’ensemble d’un esthétisme naïf. Une jaquette verte, rouge et dorée, un pantalon vermillon complètent le personnage.

Quatre jeunes hommes créoles, parfaitement identiques, provoquent l’hilarité collective des spectateurs. Les cheveux coupés très court dévoilent une coloration jaune. Les mêmes lunettes de soleil, les mêmes tee-shirts jaunes très serrés portant l’inscription « I love BM », les mêmes shorts blancs exagérément moulants, les mêmes chaussettes vertes et les mêmes sandales noires, le tout recouvrant une musculature saillante et affichée. Le mimétisme des quatre personnages est ici proche du clonage biologique et leur tenue provocante incite, dans cet univers carnavalesque, au rire clownesque plutôt qu’à une raillerie certaine ou à la risée générale qui aurait eu lieu logiquement dans la vie quotidienne.

Les membres du groupe suivant portent également sur leur tête de gigantesques coupes gourmandes de glaces fictives, des boules et des cornets de sorbet en papier mâché sur le reste du corps. Des ballons publicitaires multicolores ornent les hanches des danseuses.

Les dimensions de cet univers carnavalesque semblent s’être, ici encore, affranchies de toute rationalité quotidienne

Le rythme est tantôt obsédant à force de répétitions et tantôt heurté, comme saccadé. Il est donné par les différentes troupes de musiques.

L’équilibre et l’unité de ces rythmes ainsi que les sonorités qui me viennent constamment à l’oreille sont obtenus avec des instruments de timbres et de confections éloignés : trompettes, saxophones, trombones, bidons de plastiques, toms, caisses claires, conques, cymbales, cloches, triangles, casseroles en métal, etc., ont quelque chose de mystérieux qui entraîne tous et toutes sur son passage, dans des mouvements corporels.

Les saxophonistes ténors de ce groupe dessinent dans le grave un large contrepoint, tandis que derrière, les saxophonistes altos font entendre, à l’extrême aigu, quelques variations mouvementées. Après ce passage d’un rythme étourdissant, les musiciens s’arrêtent, font une pause, pour reprendre leur souffle ou économiser des gestes qui, tels des robots, devront marteler inlassablement leur bidon de plastique ou leur caisse claire dans un rythme répétitif.

Multiplicité des notes frappées simultanément, grands écarts des accords font la caractéristique de ce groupe qui passe devant moi.

Inlassablement, les tambours, fûts de plastique jaunes et bleus, marquent les temps tout en tanguant de gauche à droite, comme des balanciers ou des métronomes, aidés en cela par le déhanchement nécessaire des percussionnistes qui marchent en rythme synchronisé.

Une demi-douzaine de Negs marrons accompagnés de « Negresses marron » paraît à présent sur la scène carnavalesque : elle semble vagabonder dans les rues, ne remplissant pas alors son rôle traditionnelle de faire respecter l’ordre carnavalesque entre acteurs et spectateurs ; il faut dire aussi qu’une corde tendue sépare spectateurs et acteurs sur une bonne part de l’avenue (mis à part le devant de la place des Palmistes qui accueille le podium de la Fédération) et la séparation n’a donc pas lieu d’être effectuée métaphoriquement par les gardiens traditionnels de la discipline proprement carnavalesque.

Le thème de l’Afrique semble être un thème récurrent dans ce défilé, tels ces groupes non sponsorisés – qui n’affichent pas de bannière publicitaires en tête de défilé – ne portant pour déguisement qu’un simple pagne végétal plus ou moins sec et le visage peint en noir sur une couleur de peau déjà brune ; enrichis de tambours divers composés soit de caisses claires soit, en tailles différentes, de bidons de plastique peints.

Le thème tégumentaire du Japon est mis en scène également par deux groupes locaux ; le groupe « Pa Ni Nom », de manière élaborée et très riche avec la présentation esthétique de samouraï, et l’autre, plus burlesque, représente des sumos, dont les personnages, en kimono féminin ou seulement couverts du mawash 44 i, sont des Créoles guyanais parés de poudre blanche, dont l’embonpoint rappelle celui des lutteurs japonais et qui s’arrêtent régulièrement pour mimer un combat de sumos, en pleine rue, sous les acclamations du public.

Enfin, le thème d’actualité des talibans avec à sa tête carnavalesque le « supposé » terroriste Ben Laden est repris par pas moins de trois groupes : femmes voilées en burka, les hommes sont soit en tenue militaire kaki, soit en thobe ou kamis, cette longue chemise traditionnelle des saoudiens qui couvre le corps jusqu’aux chevilles, certains avec la bisht, l’habit large du Moyen orient, d’autres portant la ghutra blanche, blanche et rouge ou blanche et noire, mais toujours avec cette (fausse) barbe noire caractéristique du Saoudien recherché par les polices mondiales.

Un groupe très étrange arrive en file indienne, dont les personnes sont attachées ensemble par le cou à l’aide d’une corde. Pantalon blanc, longue tunique blanche, un masque anguleux en tissu troué pour les yeux et la bouche en forme de triangle. Un foulard rouge autour du cou et une ceinture en toile, également rouge, termine l’ensemble singulier.

Ce sont en effet des Zombies baré-yo, modèle carnavalesque traditionnel du département français d’Amérique Latine. Ils sont issus des contes et légendes créoles en syncrétisme avec les croyances caribéennes et plus spécifiquement haïtiennes.

Les zombies se réveillent la nuit et sortent de leur tombe pour partir à la chasse de l’esprit d’un vivant.

Un splendide insecte vert à taille humaine, avec antennes et ailes, présente en tête le groupe « Manaré ».

Peu d’hommes paraîssent porter le masque. Le déguisement est une constante autant pour les femmes que pour les hommes, mais le masque semble davantage porté par les femmes, et ce fréquemment lorsqu’elles se parent de leurs plus beaux atours de touloulou.

L’anonymat se révèle ainsi davantage féminin. Les attributs en sont bien sûr le masque et le déguisement mais chacun d’eux se montre souvent raffiné et diversifié, si l’on exclue comme constante évidente le port de la robe colorée.

Celle-ci arbore joliment une robe rouge, courte sur le devant laissant ainsi apparaître un jupon blanc, richement orné. Celle-là a enrichi sa robe verte et bleue de nombreuses dentelles ; son acolyte a choisi un style brillant et satiné. Les deux qui passent près du public en jouant avec lui ont une robe particulièrement près du corps. Il est une chose certaine : de nombreuses heures de confection ont été nécessitées pour la réalisation des costumes de touloulou. Des couturières sont, même spécialisées dans la confection de robes de touloulou. Il suffit effectivement d’arpenter les rues de Cayenne, en semaine, pour s’apercevoir du nombre d’échoppes spécialisées dans ce type de robe, affichant ostentatoirement en devanture quelques unes des somptueuses réalisations. La location et la vente de robe de touloulou est chose commune à Cayenne.

Les masques sont généralement décorés, et parfois même artistiquement, avec peinture, paillettes, plumes, etc. La base de ces œuvres, est le masque blanc et il n’est pas rare de le voir immaculé lors des défilés. Mais le loup, qui ne couvre que les yeux et une partie du nez paraît prédominant.

Des perruques ou des coiffes traditionnelles antillaises couvrent la tête des touloulous. Des chapeaux de toute taille, terminent également les déguisements anonymes carnavalesques de Guyane.

Quelques drag queens très élancées déambulent et flânent nonchalamment d’un côté et de l’autre de la rue sous les rires des spectateurs.

Le groupe qui passe devant moi semble construire une parfaite fusion entre les musiciens, les danseuses et les chanteurs. Une collaboration étroite est visible entre tous les protagonistes du groupe qui manifestement a l’habitude de ce genre de défilé, même déguisé, même harnaché d’instruments de musique peu mobiles. Le mouvement est synchrone. Tout vibre et s’agite dans un déplacement unitaire. L’impulsion est donnée par le rythme des tambours auquel on ne peut échapper.

Un touloulou attrape des mouches imaginaires en dansant et son groupe mime à lui seul un asile d’aliénés, un groupe de jeunes peu déguisés passe en courant devant un autre qui semble marcher au pas sans musique, ou indépendamment de la musique du groupe qui suit. Trois gaillards vêtus simplement d’un pantalon rouge, torse nu, courent à tous les coins de la rue, partent, reviennent semblent poursuivis par d’invisibles gendarmes.

Là, un groupe d’une dizaine de jeunes femmes et de jeunes hommes, vêtus de noir, avance précipitamment, en chantant, et au pas, et l’on n’est pas certain que ce groupe déguisé en oiseau, orné de plumes multicolores, ne va pas prendre son envol ou que celui-ci dont le tégument représente des animaux d’Afrique ne va pas se mettre à rugir.

Jaquette noire et pantalon aux chevilles, ce personnage singulier se montre femme à n’en point douter, mais est-ce vraiment une femme ou est-ce un homme ? Je retrouve cet androgyne, dans un autre groupe, à danser de façon fantaisiste.

Le groupe « Kouman » s’encadre de chaque coté d’un cordon de « Zombies baré-yo », ces êtres blancs croisés déjà tout à l’heure, qui marchent en colonne, reliés entre eux au cou par une corde, et dont la tête est dissimulée dans une cagoule immaculée en forme de triangle.

Deux personnages typiques passent très lentement, en dansant, tout près des spectateurs ; ce sont des Lan Mô, personnages issus de l’imaginaire populaire guyanais.

De blanc vêtus, dotés d’une longue cape et surmontés d’un masque à tête de mort, ils tentent d’envelopper de leur longue cape blanche les spectateurs, qui le plus souvent semblent les craindre et les fuir ou du moins les éviter.

Ils sont censés symboliser la mort, en opposition avec un autre type de déguisement, le Jé farine qui, lui, représente la vie en lançant sur les enfants de la farine.

Le groupe suivant arrive comme un immense puzzle animé : tous semblent faire partie d’un même tableau, les musiciens complètent, en couleur, le tableau que les danseuses et chanteuses ont débuté. En tête, un femme-oiseau déploie ses brillantes ailes vertes. L’ensemble est somptueux et parfaitement réglé. Les danseuses avancent d’un pas unique, les musiciens ne lancent aucune fausse note à la foule, les couleurs sont harmonieuses.

Mais bien vite arrive un homme avec des breloques multicolores sur la tête, son compagnon ignore l’immobilité. Ces deux bonhommes de caoutchouc que la musique poursuit paraissent actionnés par des poulies invisibles. D’où viennent-ils, d’où sortent-ils ?

Quatre individus, en smoking, redingote, nœud papillon, canne, chapeau melon et masque blanc déambulent à présent avec beaucoup d’élégance et de style sur l’asphalte cayennais. Ce sont des « Anglé bannan », un type de déguisement rentrant dans l’ensemble traditionnel guyanais.

Ils sont à eux seul une caricature des Anglais de la Belle époque, originaires des Antilles anglaises.

Suis-je dans un rêve ou dans un cauchemar lorsque j’aperçois des êtres, qui marchent mais dont la nature semble être d’oublier scrupuleusement d’organiser « naturellement » les membres et les orifices ? Les lèvres rouges, incommensurables, sur le dessus de la tête et un œil au centre de la lèvre supérieure dominent de gigantesques oreilles vertes attachées aux flancs d’un personnage, un autre avec deux paires d’yeux, l’une au niveau du bassin, l’autre flanquée d’une paire de fesses au sommet de la créature difforme, un autre avec des mains noires démesurées collées sans membres et sans bras qui sont croisées sur son torse. L’imagerie infernale des enfers boschiens me semble plus que vivant aujourd’hui dans cette contrée amazonienne.

Un autre groupe, plus jeune que le précédent, semble lui aussi esclave d’une force musicale mystérieuse : musiciens et danseuses coiffées de madras, tous se meuvent de manière synchrone, au pas, dans un même déhanchement accentué par une démarche lente, mais saccadée.

Un espace entre deux groupes laisse entendre une musique qui parait dénoter de celles déjà entendues, le tempo semble plus rapide : « c’est Kassialata, on les reconnaît avec leur musique », me souffle ma voisine spectatrice. « C’est notre musique qui nous caractérise : un rythme assez chaud, très varié pour faire vibrer, avec parfois des chansonnettes » explique Suzell Paule, un membre du groupe Kassialata.

Pour un groupe de cette taille qui défile en ce dimanche, soit environ une cinquantaine de personnes, il m’apparaît important de noter qu’il ne dispose pas de banderole de sponsor comme en exhibe l’ensemble des grands groupes carnavalesques en tête de groupe. Une explication de la part de Suzell Paule répondra à mon étonnement : « On fait des costumes pour être propres mais ce n’est pas toujours facile de trouver des sponsors, on essaye de suivre un maximum la tradition. Pour les jours gras on essaye de montrer quelque chose qui représente la Guyane, les « Jé farin », « coupeurs de cannes ». (…) Pour la grande parade, on a présenté les orpailleurs (…). »

C’est alors que rentre en scène, très vite, un groupe de jeunes hommes et femmes, au pas de course, en chantant, et sans musique d’accompagnement. Les premiers poussent un chariot de supermarché dans lequel est assis un individu dont la jambe droite est plâtrée.

Le groupe suivant est précédé d’une femme, ses lèvres son peintes en rouge, son corps se tortille à la manière de Joséphine Baker ; il semble être un saxophone en mouvement et les sons de l’orchestre qui la suivent ont l’air de sortir de son propre corps. Ce n’est pas une femme, ce n’est pas une danseuse, mais quelque chose d’extravagant et de somptueux.

Voici à présent un groupe de Caroline. La Caroline ou Caroline chérie est considérée comme un déguisement traditionnel en Guyane. C’est un déguisement féminin, souvent de forte corpulence, doté d’une longue robe et masqué, mais qui a la particularité de porter son mari sur le dos. Ce mari est un pantin mais il arrive que, par le truchement d’un ingénieux système, le mari soit le personnage caché sous le déguisement et alors la Caroline le pantin.

À leur passage, le rire des spectateurs est éclatant et les applaudissents souvent nourris. Il est vrai que l’image d’une femme portant son mari sur le dos est quelque peu incongrue ou pour le moins peu commune dans la vie quotidienne. Le rire déclenché est donc un rire évidemment de raillerie et de dérision. La scène sociale d’une femme dominant son mari s’offre de fait à la risée, à la moquerie et à l’ironie moralisatrice d’une société « bien pensante ».

La Caroline est issue d’une histoire locale, romancée et cocasse, d’une anglaise, corpulente, qui fit fortune grâce à son mari, orpailleur. Pour éviter que les autres femmes envieuses ne lui volent son mari, de petite taille, elle choisit de le porter sur son dos malgré ses plaintes et les gausseries des habitants.

Paillettes, mitaines, cagoules, loups à bavette et masques vénitiens ornés, jupons ou robes cintrées à volant, collants, coiffes et perruques assorties, tulles brillantes, « robes princesse » et « robes titanes » de nombreux groupes de touloulous « chics » plus ou moins importants sont dispersés dans le défilé, et souvent les jupons sont satinés ou joliment ornementés, qu’elles laissent entrevoir au public, en portant relevés les pans de leur robes « grand rivière » ou « rivières salées » ou encore de leurs longues robes plus cintrées.

Une dizaine de balayeuses passent à présent sans musique, ni chanson. En tenue traditionnelle, tête attachée, masque et balai en main, elles miment le nettoyage des rues et trottoirs et évoquent une activité ancienne de la société urbaine. Ce déguisement fait aussi partie de ceux considérés comme traditionnels.

Une jolie femme, qui paraît jeune, aux joues sombres frottées de rose, montre ses jambes nues, laisse deviner ses seins et autres avantages provoquants, et porte sur sa tête toute l’Afrique. Cette autre, jambes sveltes et regard vif, sans inutile pudeur, danse en évoquant les plus audacieux poèmes de Baudelaire et de Rimbaud réunis, ou les proses les plus crues d’Apollinaire.

Celle-ci dans une frénésie de couleurs vives, à travers une épilepsie acrobatique de gestes, mime une fièvre trépidante.

Les rythmes inlassables et syncopés leur viennent en aide pour les porter à un perpétuel paroxysme aux inspirations les plus audacieuses.

Arrive à présent le groupe « Kalbass » et ses très nombreuses percussions. Les musiciens sont vêtus d’un jean, d’une chemise et d’une cravate de couleur ; les danseuses, en tête, portent aussi sobrement mais uniformément une longue robe de couleur vive et des ballons multicolores à la main.

Je m’arrête. Plutôt que de m’attacher inutilement à inscrire frénétiquement les détails successifs de ce spectacle sur mon carnet, qui laissent le souvenir d’un rêve incertain, ou à l’inverse trop objectif, je préfère me laisser envahir par ce qui défile sous mes yeux, prend possession de mes oreilles et de mon corps. Je ne note plus rien, je ne prends que de rares photos.

Cette agitation collective, ornée d’un jet de gestes désarticulés se meut, au fil du défilé, en un mouvement vertigineux, scandé par un rythme obsédant, implacable, d’une régularité métronomique. « Ces sont les rythmes de la Caraïbe, du Brésil ! » m’informe-t-on. Je ne pouvais ignorer cependant que cette musique spéciale était génératrice de toute une chorégraphie originale et d’un mouvement spécifique du corps, plus précisément des hanches, plein de charme et de saveurs, et d’une séduction singulière. Il est vrai qu’on est peu à peu saisi, entraîné, enveloppé, comme envoûté par ce mouvement forcené, cette incessante trépidation, cette frénésie continue. Les tableaux qui se succèdent sous mes yeux, à la faveur des différents groupes carnavalesques, plus ou moins connus, plus ou moins anciens, plus ou moins structurés, dans leur ingéniosité savoureuse, tour à tour déroutant et attirants, me transportent véritablement loin de ma métropole rhodanienne, me dépaysent dans le premier sens du terme.

Les rythmes s’imposent aux spectateurs comme aux acteurs, s’insinuent jusqu’au fond du corps et font bouger les jambes, les hanches, la tête, font participer chacun d’eux au mouvement singulièrement collectif des danses et des divertissements.

La musique et les rythmes, dont j’ai déjà dit le rôle prépondérant, étonnent par leurs originalités mélodiques, instrumentales, surprennent par ces douceurs fluides et par ces stridences déchirantes, mais ne cessent d’animer ce carnavalesque spectacle de leur souffle festif et de leur frénésie humaine.

La nuit commence à tomber sur les rues magiques et festives de Cayenne, la pénombre appuie encore davantage cette sensation de rêve, d’univers imaginaire, qui fait naître tant et tant de personnages irréels, la musique se fait plus prégnante et les traces de rationalité moins sensibles.

Les fumigènes de couleur des groupes carnavalesques trouent l’obscurité et projettent d’un degré supplémentaire le spectateur dans un univers parfaitement extra quotidien, dans lequel les repères de la vie quotidienne se dissolvent petit à petit.

Dans ce groupe de musique, je découvre un instrument que je n’avais entendu auparavant que chez le jazzman tromboniste Steve Turre : c’est la conque (shell ou corn shell en anglais), un grand coquillage dont la coquille est en deux parties. Les variations de notes peuvent être effectuées à l’aide de la main, qui, en bouchant plus ou moins l’ouverture du coquillage, monte ou descend le ton de la note. Deux joueurs de conque dans ce groupe et un dans un autre qui viendra plus tard.

Le groupe « Piraye » de son monde médiéval, laisse s’échapper ses fées roses et mauves en chapeaux pointus de nos contes d’enfance et précède « Porc épic », le groupe revenu d’outre-tombe et d’entre les morts avec sa parade morbide de squelettes vivants noirs et blancs, nus ou enveloppés dans de longs draps blancs.

Puis voici une autre personne, non moins étonnante, en avant de son groupe, chapeau à plumes et mitaines vertes. Elle développe une telle souplesse qu’elle semble être agitée au ralenti.

Les musiciens passent à leur tour devant moi, et l’on peut admirer les différentes peaux ruisselantes de leurs torses nus.

N’oublions pas de noter que nombre de groupes conséquents et souvent sponsorisés disposent à leur tête d’un meneur de défilé. Fréquemment doté d’un bâton ou d’un drapeau, il porte le spectacle en avant même du défilé de son groupe et ouvre le chemin tout en dirigeant la manœuvre chorégraphique et musicale de ses acolytes. Il agit souvent en véritable chef d’orchestre, en maître de cérémonie, mais n’est pas avare d’acrobaties, de mouvements chorégraphiques uniques, distillant généreusement de l’énergie à tout son groupe. Généralement il se distingue par son déguisement.

La communauté chinoise paraît alors avec son association « Fa Kiao » sur un char transportant ses belles en tenue traditionnelle satinée et ombrelle. À terre, le dragon multicolore, porté par une dizaine d’individus, ondule frénétiquement de tout son long, sa gueule s’ouvrant de temps en temps. Les cymbales aigues rythment alors la scène d’un tempo distinct.

Le groupe « Cocoy Band » en ordre dispersé, arrive dans de multiples tenues sans thème apparent : des hommes en short avec perruque côtoient des femmes en robe grande rivière. Mais toujours la danse et le musique lient le groupe, les pas sont séquencés mais identiques, le pied se pose lourdement dans un mouvement de hanches caractéristique, les bras, plus ou moins raides et légèrement levés, se balancent le long du corps mû par les hanches en mouvement.

Des poissons, des espadons semble-t-il, paraissent flotter en l’air, c’est le groupe « Réno Ban’n », sponsorisé par « l’Espace Clauzel 45 » qui met en scène et donne vie à une faune marine guyanaise. Des gigantesques tortues, de celles qui pondent des œufs sur les plages protégées de la côte guyanaise, marchent de manière à la manière des bipèdes mais parfois se posent et rampent sur quelques mètres. La pénombre rend le mimétisme plus parfait encore. Les applaudissements d’autant plus nourris. « C’est sûr, c’est eux qui vont gagner cette année ! » s’exclame face au spectacle une de mes voisines spectatrice.

Enfin, je les attendais ! Mon cœur se met à battre un peu plus : le groupe « Scorpions » entre alors en scène. C’est « mon » groupe, c’est celui avec qui j’ai passé tant de bons moments lors des réunions, de repas, celui qui m’a invité partout, partout où il avait une entrée ou partout où il se représentait.

J’ai assisté aux préparatifs, je connais déjà quelques costumes mais là, c’est différent, les femmes sont masquées et les hommes, musiciens, maquillés et costumés. Je ne reconnais quasiment plus personne, je m’efforce pourtant de reconnaître ces amis qui ont tant fait pour faciliter mes recherches. J’essaie de voir chacun d’eux, chacun des costumes ou des visages connus, qu’ils me reconnaissent, me fassent un signe, synonyme pour moi d’appartenance à ce groupe. Je crois reconnaître Josette, celle avec qui j’ai le plus de liens – je connais sa famille – et grâce à qui j’ai pu intégrer le groupe. Je crois reconnaître sa silhouette et ses cheveux mais je ne connais pas son déguisement. Un signe de la main : était-ce pour moi ou pour quelqu’un d’autre, je ne sais pas. Je n’oserai jamais lui demander confirmation et le doute plane encore.

Je dois cependant prendre des notes et faire des photos. Multiplier les tâches et concilier ce sentiment étrange, mêlé de fierté et d’ignorance, associer objectivité et subjectivité me fait oublier le temps

Le thème officiel de cette grande parade étant « Jeunesse et tradition », le groupe s’est fixé le défi, car c’en est un, de représenter l’architecture typique de Guyane. Faire ainsi défiler des maisons est une véritable gageure.

Le pari est néanmoins réussi et avec brio, rajouterais-je par le cœur.

Des petites maisons, à étage, avec toits en tôles, terminés par des lambrequins, briques rouges, balcons en bois, fenêtres sans vitres mais protégées par des rideaux, souvent au vent ou d’aspect aérien, et des volets en bois sombre : le spectacle est ahurissant et le travail de préparation, énorme et méticuleux. Certains portent directement une maquette en carton de maison guyanaise sur le corps, d’autres en forme de robe longue.

Ce sont les enfants déguisés de chacun des membres qui tiennent la banderole éponyme représentant un mur de brique ; en électrons libres, des « balayeuses » traditionnelles circulent dans tout le groupe. Les musiciens ont eux aussi représenté sur leurs tenues, plus sobres et plus « pratiques », les briques rouges typiques de Guyane.

Ils sont passés, j’en garde une fierté, je les suis un instant mais je les retrouverai plus tard dans le défilé.

En toute fin de cortège, les groupes brésiliens émigrés en Guyane, comme « Coracao do Brazil », incendient la parade d’une ambiance de plumes et de strass, de danses et de musiques encore plus empressées, de corps ruisselants et de folies chorégraphiques plus généralisées, aidés en cela par l’image que le grand public conserve des carnavals brésiliens : chars, musiques rythmées, plumes gigantesques issues des groupes ethniques d’Amazonie, strass, filles sensuelles et dénudées en monokini et mouvements caractéristiques associant déhanchement enflammés et soubresauts fessiers.

Plumes blanches et bleues, vertes et oranges, la danse individuelle féminine caractérise précisément le défilé carnavalesque de la communauté brésilienne à Cayenne : les hauts talons, les bras qui servent de balancier, les hanches qui guident les jambes dans un mouvement extrêmement rapide et saccadé, le corps quasiment nu et une tête qui supporte une couronne de plumes souvent somptueuse et luxuriante distinguent les déambulations « créoles » de celles venues d’un peu plus au sud de l’Amérique Amazonienne.

Les éléments naturels paraissent avoir une utilité prépondérante dans la plupart des téguments carnavalesques des défilés guyanais. Les feuilles de banane, de cocotier, de palmier ou de toute autre essence côtoient généralement les noix de coco, les écorces d’arbres, l’argile et la boue ou les fibres naturelles présentes en masse dans la forêt amazonienne.

Le Dimanche Gras est le jour où la présence des enfants se fait davantage marquante : ils viennent ainsi gonfler les rangs des différents groupes de rue. Ils mènent le plus souvent le défilé.

En marge, à l’arrière, ou entre les différentes formations carnavalesques officielles, nombreux sont ceux, on l’a vu, qui défilent seuls ou en petits groupes sans fanfare ni musique. Ils sont dénommés « touloulou sales » en opposition à l’appellation « touloulou » qui désigne les femmes parées d’une longue robe grande rivière et coiffées d’une perruque et d’un masque. Les touloulous sales, ce sont tous ceux qui, avec ou sans masque, avec ou sans paillettes, mais avec force chansons, ont une folle envie de faire leur carnaval sans faire partie d’un groupe officiel. Adeptes de la dérision et de la sincère spontanéité, ils délivrent avec humour et bonne humeur des messages politiques, d’amour, des critiques, des moqueries, sous les traits exubérants et pittoresques de vieillards, d’animaux, d’élus politiques, de tops models, de personnages divers. Le répertoire des chansons conte avec raillerie la vie quotidienne en n’épargnant ni les politiques, ni le clergé, ni les tabous sociaux.

La nuit est tombée, la fatigue associée à la musique syncopée et exotique fait davantage sortir de leur réserve les spectateurs, les éléments des autres groupes, qui ont rejoint la queue du défilé, se mêlent aussi aux danseuses brésiliennes dans un ensemble esthétiquement polymorphe.

Les barrières sautent, spectateurs et déguisés convergent dans un univers singulier, se côtoient, dansent ensemble, essayent de copier le déhanchement des danseuses noires ; Créole guyanais, Surinamiens, descendants de Buschinengue, Métropolitains, Amérindien – bien que peu visibles – et Brésiliens s’emmêlent et dans la grâce de la fête, se parlent, se font face, se touchent, se croisent, se bousculent même dans un espace commun et restreint, animé par un mouvement unique. Tous paraissent se connaître de longue date tant la confiance et la connivence, la joie et l’excitation se manifestent sur les visages. Il n’y a plus aucune distinction humaine, ni même d’ordre social ou encore ethnique. Le temps s’est arrêté et l’histoire des peuples avec ; l’espace est mixte, parfaitement public, la Guyane est métissée et se métisse sous mes yeux. La fête carnavalesque a eu raison une fois de plus des clivages de tout ordre, de toute nature.

Univers surréel s’il en est, mais socialement magique, le carnaval semble ainsi projeter chacun dans un monde qui décidément ne ressemble que très peu à celui de la stricte rationalité du quotidien. La réalité ne semble plus avoir de prise et d’emprise autant sur les spectateurs que sur les acteurs. Les repères, cadres, classes, règles et tabous de la vie ordinaire s’annulent ici un par un, les uns sous l’action des autres, au profit d’un vivre ensemble parallèle. La rue n’a finalement plus rien d’une rue et chacun semble se fiche éperdument de l’heure qu’il est, qu’il fasse nuit ou non.

Deux mondes effectivement s’affrontent, mais l’irréalité alchimique de la sphère carnavalesque remporte sous mes yeux sa victoire annuelle et cyclique, celle malheureusement éphémère, mais celle qui se vit ici et maintenant par chacun.

Le triomphe de la folie collective, celle insufflée par le roi carnaval, le roi Vaval, est plein. L’expérience d’une autre vie, celle rêvée et imaginée, celle que chacun s’est rêvée et s’est imaginée, est ainsi effective.

Le carnaval m’apparaît alors comme un monde imaginaire et irréel.

Au total, une cinquantaine de groupe serait passée, et repassée pour certains, dans les rues de Cayenne sur des rythmes effrénés, dont les créatures de costumes ont élégamment rivalisé d’audace et d’excentricité.

La grande parade du Dimanche Gras est entièrement filmée par la chaîne de télévision RFO, qui en édite une vidéo, et est animée par un présentateur fiché sur un podium qui réalise, aidé en cela d’assistants, entre deux commentaires de la parade, des interviews de personnages politiques ou de représentants de groupes carnavalesques.

La parade est financée par la ville de Cayenne, la Direction Régionale des Affaires Culturels, La Région de Guyane, et autres partenaires.

Le parcours de la Grande parade de Cayenne débute dans l’avenue du Général de Gaulle, tourne au niveau de la mairie après la place des Palmistes, retourne par la rue Lalouette, parallèle à l’avenue Général de Gaulle et se termine sur le boulevard Jubelin, là où les groupes carnavalesques arrivent et se mettent place.

Par le concours carnavalesque, la Fédération des Festivals et Carnaval de Guyane, l’instance officiellement mandatée et organisatrice du carnaval de Cayenne, établit un classement et distribue de nombreux prix aux différents groupes carnavalesques à l’issu du défilé, dont le plus important, le « premier prix », est celui de représenter, pour un an, le carnaval de Guyane à l’extérieur des frontières du département, tant aux Antilles françaises, en métropole qu’à l’étranger.

Photos 2-7
Photos 2-7

2. Défilé carnavalesque 2002 à Saint-Laurent-du-Maroni. Source : photo de l’auteur.

3. Défilé carnavalesque 2002 à Saint-Laurent-du-Maroni. Source : photo de l’auteur.

4.  Entrée du Roi Vaval à la Grande Parade du Littoral 2002 de Kourou. Source : photo de l’auteur

5. Capoeira sur la place des Palmiste avant le début du défilé carnavalesque à Cayenne. Source : photo de l’auteur

6. Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne.Source : photo de l’auteur

7. Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : Photo de l’auteur

Photos 8-13
Photos 8-13

8. Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

9. Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

10. Déguisement en « maison traditionnelle » des membres du groupes « Scorpion » lors de la Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

11. Déguisement en « maison traditionnelle » des membres du groupes « Scorpion » lors de la Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

12. Dragon chinois lors de la Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

13. Costume carnavalesque brésilien lors de la Grande Parade du Dimanche Gras 2002 à Cayenne. Source : photo de l’auteur

Notes
43.

Plat de mangue verte, salé, aillé et pimenté qui se déguste froid dans une assiette ou une barquette à l’aide d’une petite fourchette.

44.

La ceinture cache-sexe des sumos

45.

L’entreprise de Philippe Alcide Dit Clauzel, le fondateur et ancien président de la Fédération des Festivals et Carnavals de Guyane, éditorialiste et rédacteur en chef de « Touloulou magazine », revue officiel des carnavals de Guyane émanation de la fédération précédemment cité.