La définition que nous donne Henri Joanelle, vice-président du Comité des Fêtes de Chalon-sur-Saône et responsable de la Commission des Gôniots de la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique, est pour le moins explicite.
Et poursuit-il : « On est là pour représenter le carnaval, on est là pour représenter les gôniots (…), on est là pour faire de la rigolade » ; « on essaye de mettre de l’ambiance au carnaval ».
« La confrérie fait partie intégrante du carnaval (…), la confrérie, c’est le carnaval ! » s’exprime d’une manière plus concise, André Revenat, Président du Comité des Fêtes de Chalon-sur-Saône et « Grand Commandeur » de la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique. « On n’est pas une confrérie de bouche, on vend ni vin, ni fromage, ni poulet, ni rien ; nous c’est la confrérie pour s’amuser, voilà, puisqu’on est intégré dans le carnaval de Chalon », ne manque-t-il pas encore de nous préciser comme pour singulariser la confrérie qu’il dirige depuis de très nombreuses années.
Marie-Thérèse Berthier et John-Thomas Sweeney, spécialistes du patrimoine de l’Extrême Orient et de la Bourgogne, en donnent une brève introduction : « Imprégné du sel bourguignon, il [l’Ordre Gôniotique] a pour but de susciter la joie, le rire et la belle humeur. Dans ses rangs sont récompensés les mécréants, les gueurlus et les gôniots ou bons vivants de nature 101 ».
Sans doute voit-on, dans l’ensemble de ces remarques, se dégager les caractères généraux de cette confrérie, il est vrai un peu singulière au regards de l’ensemble des confréries existantes en Bourgogne 102 .
Mais si l’on trouve ici une conformité avec notre travail d’observation, il semble toutefois que la fonction première de cette confrérie est davantage symbolique que ne le laissent présager ces premières considérations.
La Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique a pour vocation effectivement de provoquer la gaîté et la bonne humeur, durant la période carnavalesque et récompense, en les intronisant, les bons vivants, mais même si elle n’a pas pour vocation ou pour but de faire vendre telle ou telle ressource du terroir, elle doit agir pour le renom de sa cité et de ses festivités carnavalesque cycliques.
Elle a donc une tâche de représentation collective, celle d’exprimer et d’exhiber aussi une particularité locale qui fait du carnaval et de fait, de sa ville, un référent à la fois identitaire et historique très fort.
Comme les gôniots, dont la confrérie est la structure souveraine, les confrères ont ancré en eux un amour démesuré de leur ville et de ses traditions festives.
Extravertie et sincère, la confrérie se pose comme un complément essentiel des festivités du carnaval, en provoquant le rire et en portant le spectacle dans la rue.
En d’autres termes, elle a pour fonction reconnue et officielle de veiller à l’amusement de la ville, dont elle se veut le reflet, durant la période carnavalesque.
Plus concrètement, la Confrérie Gôniotique a à sa charge l’intégralité de l’organisation et de la réalisation des fêtes carnavalesques de Chalon. C’est-à-dire que l’ensemble des membres de la confrérie fait partie également du Comité des Fêtes de Chalon, dont la dénomination exacte est « Comité des Fêtes de Bienfaisance de Chalon-sur-Saône ». En revanche, tous les membres du Comité des fêtes ne font pas partie de la Confrérie Gôniotique chalonnaise.
L’organisation des festivités carnavalesques est très variée et consiste, entre autre, au choix des dates du carnaval, à l’élaboration du programme, de sa publicité, à l’initiative et aux contacts avec des groupes carnavalesques, gôniots et autres groupes musicaux, régionaux, ou internationaux, à la fabrication, l’achat et la vente des chars carnavalesques, les contractions d’assurances et la gestion du budget du carnaval, dont une partie est alloué directement par la municipalité de la Ville de Chalon.
En somme, la Confrérie, qui n’est d’autre alors qu’une émanation ostensible, pittoresque et singulière du Comité des Fêtes, se porte garante de la bonne tenue et de la vie d’une fête traditionnelle et chère à la population de la cité.
Ainsi, toute modernisation ou modification, que ce soit de parcours, de date ou de calendrier n’est envisageable que dans la mesure où certains éléments, inamovibles et indispensables pour garantir la spécificité des rituels festifs, sont respectés et effectivement présents chaque année.
Par exemple, c’est à la confrérie que Chalon doit ses deux dimanches de défilés. De même, c’est à l’initiative du « Grand Chancelier », le président du Comité des Fêtes, que depuis 1998, le spectacle carnavalesque chalonnais est (re)devenu gratuit pour tous : « Moi, je me bats pour que le carnaval soit gratuit (…), si on pouvait le faire, j’aimerai bien, parce qu’on reviendrait comme avant 1965, où c’était gratuit. », nous informe M. Revenat.
Les membres de la Commission des Gôniots gèrent et régissent notamment la présence, la place dans les défilés des groupes gôniotiques et l’attribution des prix aux concours carnavalesques. Ces prix, rendus à la clôture des festivités carnavalesques et décernés aux groupes officiels, c’est-à-dire préalablement déclarés auprès du Comité des Fêtes, sont par ordre d’importance : le 1er prix, puis le prix d’excellence et enfin le prix d’honneur 103 .
De plus en plus, certains des chars carnavalesques sont construits dans les hangars du Comité des Fêtes qui en a la responsabilité, ainsi que les « grosses têtes » qui défilent lors des cavalcades dominicales. « On fait pratiquement tout nous-même, souligne Henri Joannelle, même nos chars, on les fabrique, on les monte (…) on fait beaucoup de travail manuel. »
Dans le hangar du Comité, on compte environs neufs personnes présentes au moins une fois par semaine, et ce durant toute l’année, pour le démontage, l’entretien, et bien évidemment le montage et la peinture.
D’autres chars, ceux qui nécessitent un travail plus important, ou plus complexe, sont commandés et achetés à Nice auprès des seuls carnavaliers professionnels de France dont l’emploi est la réalisation et la construction de chars carnavalesques qui sont vendus à travers toutes la France.
Il revient également à la confrérie, cette fois-ci en tenue d’apparat, de marquer le début des festivités, avec l’arrivée du Roi Cabache, en parcourant les rues de la ville.
Satisfaire et faire rire tout le monde sans jamais nuire à personne est le credo des confrères qui nous est souvent rappelé, lors d’entretiens plus ou moins formels avec eux. Cependant, cela reste inévitable de heurter quelques principes, c’est le sort de tout ce qui est public et collectif, nous confie André Revenat.
Marie-Thérèse Berthier, John-Thomas Sweeney, Les Confréries en Bourgogne, Besançon, La Manufacture, 1992, p. 369.
cf. Histoire du carnaval de Chalon.
Nous avons pu constater que dès le carnaval 2005 des « mentions » venaient hiérarchiser les prix : avec ou sans félicitations du jury.