Identification

Comme l’immense majorité des confréries françaises contemporaines, la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique se reconnaît et se rassemble sous une même doctrine de vie, transformées pour la forme, en fière devise 104 .

« Honneur et peuterie ! »

Bien évidement l’ensemble des confrères connaît son sens, mais le terme peuterie mérite quelques explications.

« Peuterie », est issu du mot peuh que l’on peut retrouver dans « l’Atlas linguistique et ethnographique de Bourgogne », de G. Taverdet 105 . Son terme encore usité dans la région bourguignonne et plus précisément dans la région chalonnaise est synonyme de laid. Son féminin est peute.

Les gôniots, comme nous l’avons vu précédemment, désignent ceux qui sont mal gônés, mal habillés, qui donc ont un caractère inesthétique à la vue, parce que contraire à l’idée générale et entendue collectivement des critères et valeurs de beauté.

Ainsi peuh pourrait de la même manière désigner les valeurs singulières et carnavalesques des gôniots, c’est-à-dire contraires aux normes d’esthétisme et valeurs communément reconnues dans la vie quotidienne.

Le fait d’être vêtu d’une façon opposée aux normes établies dans et par le quotidien, durant le carnaval, rappelle que cet acte fait partie des éléments singuliers et précisément particuliers des ensembles rituels et des critères esthétiques des festivités carnavalesques chalonnaises.

Se sentir honoré de symboliser et de perpétuer les normes esthétiques caractéristiques du carnaval de Chalon est la devise de la confrérie carnavalesque des gôniots chalonnais.

L’emblème de la confrérie chalonnaise, qui est porté sur une bannière lors des manifestations de la confrérie, représente un petit bouffon au regard rieur et à la mine hilare. Il est coiffé d’un chapeau vert orné d’un long panache blanc, vêtu d’une veste de couleur verte, elle-même ouverte sur un jabot de couleur blanche. Il porte sur les jambes un fuseau court et rose. Le vert et le rouge – et ses dérivés, ici le rose – sont tenus pour symboliser les couleurs de la folie.

Il tient dans la main droite une courte branche végétale, laquelle, suppose-t-on, représente un cep de vigne.

Sa posture, les genoux légèrement fléchis, le pied droit devant le gauche, n’est pas sans rappeler la position d’un individu effectuant un pas de danse.

Comme la devise, l’emblème est le symbole matérialisé qui permet d’identifier un groupe et d’indiquer publiquement ce qu’elle a choisi comme valeurs.

Les animaux totémiques en Amérique du nord, les blasons chevaleresques du Moyen Âge ou encore, comme aujourd’hui dans de nombreux sports dans lesquels au moins deux équipes s’affrontent, les emblèmes rassemblent une communauté dans l’exacerbation de valeurs alors singularisées. L’emblème doit permettre de rassembler ceux qui reconnaissent une quelconque intimité. Objet de rassemblement, il est donc, de la même manière, un moyen d’affirmer un sentiment d’appartenance, non à un territoire, mais à des valeurs décrites et incarnées par l’emblème sui generis 106 .

Notes
104.

Les devises des autres confréries bourguignonnes sont tout autant imagées et dotées d’un esprit souvent subtil, quand elles ne sont pas issues d’un parler très local. En exemple : « la Confrérie des Chevaliers du Taste-vin » : « Jamais en vain, toujours en vin ! » ; « la Confrérie des Chevaliers de la Pôchouse » : « J’ons de la gueule et j’savons nager !» ; « La Confrérie des Poulardiers de Bresse » : « Le bon vin fait liesses quand poulet est de bresse ! » ; « la Confrérie du tir à l’oiseau » : « Droit au cœur ! », etc.

105.

G. Taverdet, Atlas linguistique et ethnographique de Bourgogne, Paris, Ed. CNRS, 1975-1977-1980.

106.

« La Confrérie des chevaliers du Taste-vin » à choisi pour emblème, comme de nombreuse autres confréries vineuses bourguignonne, le taste-vin ; « La confrérie des piliers Chablésiens » a, quant à elle, comme emblème, un pilier sculpté ; « la Confrérie des grumeurs de Santenay » dispose d’un borot, un petit baril que les vignerons emportaient autrefois pour se désaltérer ; « la Confrérie de l’Escargot de Bourgogne », s’est doté d’un escargot roux vernissé comme emblème.