D’après Gabriel Lebras : « Elles [les confréries], se donnent une chartre qui prévoit leur composition, leurs activités, leur gouvernements, leur gestion, leur police 107 ».
Les confréries sont en effet des associations indépendantes qui ont été créées par vagues à la même époque et dont les statuts s’inspirent tous les uns des autres. Ces statuts contenus dans des registres détiennent les règles et des indications très précises relatives à l’organisation de la confrérie. Ces imposants volumes que sont les registres des confréries sont souvent appelés matrologues, matrologes ou encore matyrologes.
Pourtant, la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique ne dispose pas de tels registres. Elle ne possède pas de statut particulier comme nous l’affirme le président du Comité des Fêtes : « On n’a pas de statut de la confrérie, parce que ça fait partie intégrante du Comité. C’est le Comité qui gère. »
Ainsi le règlement intérieur, le rôle que chaque confrère doit tenir, les statuts en général de la confrérie sont ceux du Comité des Fêtes de Bienfaisance de Chalon. La confrérie est donc entièrement dépendante légalement de ce Comité, ce qui marque son appartenance profondément areligieuse, mais également sa dépendance stricte à la municipalité de Chalon et à ses élus. Son existence et sa survie à travers le temps sont donc soumises aux aléas électoraux et à une administration politique. Les membres du Comité des Fêtes, au nombre de trente cinq, ne font donc pas tous parties de la confrérie, même si le président de ce comité dirige également la confrérie gôniotique.
Toutefois, la confrérie possède, , un « cahier » soigneusement conservé depuis 1957 qui récapitule et consigne l’ensemble des membres de la confrérie, Grands Cordons, Chevaliers ou Officiers.
Une liste complète avec noms, adresses, professions, dates d’intronisation dans la confrérie, grades, évolutions au sein de la structure, est mise à jour chaque année par le plus haut gradé des gôniots.
À l’inverse de la plupart des confréries bourguignonnes qui disposent en majorité de statuts précis, aucun document écrit et officiel ne précise l’organisation hiérarchique de la structure confrérique chalonnaise.
Les fonctions dirigeantes de la confrérie, qui, selon André Revenat, exigent disponibilité et dévouement, sont en principe attribuées démocratiquement par élection.
Les postulants sont néanmoins désignés par cooptation et par ancienneté : « En 53, j’ai été Officier, en 56, j’ai été Commandeur et puis après je suis parti à Lyon, et quand je suis revenu, celui qui s’occupait de la confrérie m’a dit : « bon ben, tu es le plus ancien, tu devrais prendre ça en main », et puis maintenant, je suis Grand Chancelier ».
Passionné des traditions carnavalesques spécifiquement chalonnaises, André Revenat, le Grand Chancelier, dirige également, le Comité des Fêtes de Chalon depuis 1975.
En quatre vingt dix ans d’existence légale, le Comité n’a connu seulement que trois présidents. M. Prost, le fondateur, M. Champion, et M. Revenat. Ce dernier poursuit inlassablement la tâche qui lui a été est confiée par ses prédécesseurs, depuis plus de vingt ans. « Moi je suis pas jeune, et puis bon mettre tout le temps cette robe et puis cette cabache…Bon ben, à mon âge, j’ai 74 ans, alors vous savez… » Mais parmi les trois présidents historiques et actuel du Comité des Fêtes, seul A. Revenat fut gôniot, et un gôniot particulièrement assidu, passionné et performant: « Je suis au Comité depuis 56, avant je faisait les gôniots, je concourais pour les gôniots, j’ai eu dix Premiers Prix de suite, c’est d’ailleurs pour ça que je suis rentré dans la confrérie ». Il fut également le premier des gôniots à être décoré de la médaille – en carton à l’époque – de la Confrérie Gôniotqiue ; elle fut d’ailleurs inventée pour récompenser les meilleurs des gôniots, comme A. Revenat.
Les confrères se réunissent de façon informelle. Leurs rencontres sont peu nombreuses dans l’année mais plus régulières à l’approche du carnaval. Informelles et non protocolaires, aucune convocation n’est envoyée et aucune excuse n’est demandée en cas d’absence.
C’est le « chef », comme est communément appelé par l’ensemble des confrères André Revenat, qui, en qualité de pivot et de médiateur, fait primer la cohésion du groupe lors des rassemblements confrériques, ou lors des rencontres entre confrères et gôniots, entre Officiers et sujets de Sa Majesté Cabache.
L’esprit bon enfant est de rigueur. Les éclats de rires ponctuent régulièrement les débats.
Les réunions de préparation aux carnavals se déroulent à l’image des ambiances carnavalesques, c’est-à-dire accompagnées de vin, de blagues et de chants.
La gaîté collective et communicative règne en maître sur l’ensemble des réunions gôniotiques et l’ordre du jour parvient, non sans maints détours, nécessitant aussi de la patience, à être discuté, et parfois débattu.
Chacune des réunion se termine par un rituel collectif chanté qu’incarne l’hymne de la confrérie : « La Ronde des Gôniots ». Chacun bien évidemment connaît précisément les paroles.
Le local attribué à la confrérie est le siège du Comité des Fêtes, la salle Marcel Sembat 108 .
La salle populaire fut financée par la population chalonnaise et inaugurée en 1971.
La confrérie gôniotique, par l’intermédiaire du Comité des Fêtes a, comme nous l’avons vu plus haut, la responsabilité de gérer intégralement la fête carnavalesque.
Chaque année elle doit donc gérer financièrement le budget du carnaval.
Le budget total, en moyenne, du carnaval est 1,1 millions de francs, soit environ 150 000 euros.
Il est supporté en partie par les droits d’entrée du public. Le prix des entrées dans l’enceinte fermée de l’espace carnavalesque était en 1997 de 25 francs, environ 3,80 euros par personne adulte.
Pour cette année là, le nombre d’entrées payantes en moyenne sur les deux dimanches de défilés se situe 25 000 entrées payantes et rapporte environ 620 000 francs, soit plus 95 000 euros. La municipalité de Chalon verse elle-même une subvention, votée chaque année, de 386 000 francs, soit l’équivalent 60 000 euros dont les deux tiers sont financés par une partie des droits de place des emplacements des métiers des forains, c’est-à-dire environ 250 000 francs, soit un peu moins de 40 000 euros.
Gérer un tel budget demande des compétences et du professionnalisme, c’est pourquoi un trésorier comptable officie au sein de la structure organisatrice du carnaval : « Maintenant, on a un trésorier comptable, bon ben, il n’y a pas de problème. Si vous voulez, je signe toutes les factures et c’est moi qui paie » précise le président du Comité des Fêtes.
Autant préciser que la météorologie tient un rôle non négligeable dans l’équilibre du budget carnavalesque.
Si l’un des deux dimanches de défilé est marqué par la pluie, le budget annuel du carnaval de l’année suivante est de fait réduit, et le nombre de chars, de groupes musicaux venus de toute l’Europe seront bien évidemment eux aussi revus à la baisse ; « Si vous faites un mauvais premier dimanche, c’est le stress. On se dit qu’on ne va pas le récupérer. Mais si on fait trois fois le nombre d’entrées du premier, pour le second dimanche, ce n’est pas suffisant. Pour combler le premier, faut beaucoup d’argent », nous donnent en exemple Andrée Revenat.
Le carnaval est entièrement gratuit pour les spectateurs depuis l’édition 1998, selon le souhait du président du Comité. La municipalité de Chalon comble alors aujourd’hui l’absence de rentrée d’argent par une subvention plus conséquente, qui implique une hausse des impôts locaux de 18 francs, soit 2.70euros par contribuable chalonnais 109 .
Offrir à la population un carnaval libre et gratuit supposait tout d’abord une décision politique indépendante, et du Comité des Fêtes, et de la Confrérie Gôniotique, ainsi qu’une gestion financière et matérielle de l’organisation générale du carnaval plus conséquente.
Gabriel Lebras, Etude de sociologie religieuse, Paris, PUF, 1956, p. 439.
Marcel Sembat : ancien ministre des Travaux Publics, originaires de la ville de Chalon-sur-Saône.
Ou alors revoir la répartition du budget global de la municipalité chalonnaise.