Intronisation

L’action d’introniser relève d’un acte solennel, officiel et rituel qui permet d’introduire, une personne, l’impétrant, dans un groupe relativement fermé.

L’acte procède en deux temps : présenter l’impétrant devant ses pairs pour l’inclure ensuite au groupe, selon un rituel prédéfini. La cérémonie d’intronisation donne accès à un monde auquel le néophyte ne pourrait appartenir sans elle.

Symbolisant le rite de passage des sociétés ou des groupes clos et hiérarchisés, inspirée des groupes chevaleresques du Moyen Âge, la cérémonie fait subir à l’impétrant une série d’épreuves initiatiques devant son groupe d’accueil réuni en session officielle et ad hoc.

Dans la confrérie gôniotique chalonnaise, l’impétrant doit préalablement être parrainé par un membre titulaire : « Les gens qui veulent se faire introniser, c’est facile, ils sont parrainés par les gens de la confrérie » nous explique M. Joannelle.

Deux catégories d’impétrants sont à distinguer dans la confrérie chalonnaise, par deux cérémonies d’intronisations différentes.

La première a lieu lors de la grande soirée de Gala, décore de l’Ordre du Grand Cordon, les personnalités ou les candidats anonymes désireux de porter fièrement l’Ordre Gôniotique : « Là on intronise qui veut ; là c’est pas un concours » ; « C’est les gens auxquels on veut faire plaisir », se complètent MM. Revenat et Joannelle.

La seconde cérémonie d’intronisation, lors du Grand Bal des Gôniots, récompense du titre de « Chevalier » les gôniots qui ont su s’illustrer durant les défilés carnavalesques.

Le rituel est rigoureusement identique, toutefois la sobriété marque davantage la première : « l’intronisation des gôniots, alors là, le déroulement de l’intronisation c’est gôniotique : la grande parade habillée, on est tous là, bon, on intronise les gens qui sont déguisés et qui s’amusent. Avant toute chose, ils viennent s’amuser au bal », distingue Henri Joannelle.

Mais toutes deux rassemblent, afin de solenniser un événement clé de l’ensemble cérémoniel confrérique – et pour légitimer un attachement à la culture bourguignonne – de nombreux convives autour d’un long et joyeux banquet.

Voici alors ce que j’ai pu vivre, invité par la confrérie, lors du Grand Bal des Gôniot, à la Salle Marcel Sembat :Au cours du banquet ponctué par de longues « séances » de danse, survient par une porte dérobée la confrérie en grande tenue d’apparat.

Une quinzaine de confrères, avec robe rouge, médaille et cabache, suis le porteur de bannière, l’un derrière l’autre. Les applaudissements de l’assemblée ponctuent et accompagnent le défilé en cercle de la confrérie, puis se poste, en ligne, sur l’estrade de la scène principale.

Un micro est tendu au premier de la file.

Un nom est lancé et un impétrant, déguisé en vigneron du début du XX ème siècle est présenté devant la confrérie.

Il monte ensuite les quelques marches pour accéder à l’estrade.

En fond musical : « La ronde des gôniots ».

Les cinq « Officier Supérieurs des Rites », postés en rang, vont alors, tour à tour, juger du potentiel de rire de l’impétrant.

Il reçoit sa médaille et sa cravate du premier.

Le second, « l’Officier Moulineur », porteur du « Moulin à poivre sacré », un moulin à poivre d’une taille démesurée, en bois foncé, lui moud sur la tête quelques particules de poivre afin que sa nuit soit heureuse et surtouts ses propos pimentés. L’impétrant, médaille au cou, face au public, éclate de rire.

L’ « Officier Gratouilleur », l’appelle, présente le gratouillot au public puis à l’impétrant,, un gratte-dos en bois, et lui chatouille les aisselles pour le faire rire. Le rire du novice se joint à la scène.

Le quatrième officier lui donne un patronyme gôniotique, jeu de mot, nom à double sens, ou encore désignation en langage parlé d’une localité ou d’un aliment typiquement local. « Blanc-Blanc » sera le sien.

Le dernier des officier tend au jeune gôniot un taste-vin rempli d’un bon cru de vin blanc de la Côte Chalonnaise, que celui-ci doit boire en se pourléchant les lèvres.

Il reçoit alors d’un autre confrère son diplôme, attestant de sa réussite à toutes les épreuves et de son intégration au groupe confrérique.

Chacun des impétrants subit les mêmes épreuves. Des rires, plus ou moins prononcés, suscitent les applaudissements et aussi le rire du public qui ne perd pas une minute du spectacle.

De nouveaux membres de la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique viennent d’entrer, l’un à la suite de l’autre, au royaume de Sa Majesté Cabache.

Le bal reprend ses droits après des longues séances de photos, les Officiers surplombant leurs novices confrères au pied de l’estrade.

Le bal se finira tard dans la nuit.