« Le carnaval est lieu privilégié de production de textes spéciaux à thèmes érotiques, scatologiques et satiriques 111 .» avancent Martine Segalen et Jean Cuisenier.
Le carnaval de Chalon n’est pas en reste quant à une « littérature » particulière, distincte des conventions, normes ou canons classiques en vigueur dans une quotidienneté rationnelle.
La confrérie dispose en effet de textes, de sentences ou poésies, de chansons, de vocabulaire, d’expressions, de noms patronymiques utilisés et employés uniquement dans l’univers imaginaire et réservé du carnaval.
Comme nous venons de le voir, c’est à l’occasion du rituel d’intronisation que le gôniot perd publiquement son nom civil, pour adopter une autre identité propre et particulière à la nouvelle société qui vient de l’accepter.
Toutefois, nous ne pouvons que constater que cet autre patronyme gôniotique n’est en réalité guère usité. Le prénom civil reste le moyen le plus courant de s’interpeller au sein de la confrérie.
Mais voici quelques patronymes singulièrement gôniotiques que nous avons eu la chance d’entendre ou de lire dans les registres de la confrérie : « Marande des raviots » ; « Pias de treuffes » ; « Ubuc » ; « Guilledoux » ; « Courlaguine » ; « Nuidu-quatrou » ; « Bourlemou » ; « Lary-Bouledingue » ; « Pelachni ».
Gorgées d’intentions signifiantes, d’allusions ironiques, de double sens, de propositions satiriques, les sentences traditionnelles du roi carnaval avant son exécution constituent un exemple probant de ce que peut créer chaque année la confrérie.
Elles sont écrites par les membres de la confrérie, et principalement par le Barde, Gardien des Rites, Claudélius 112 et par André Revenat : « Moi j’en fais quelques unes, c’est rigolo, je m’amuse à faire ça », ainsi que par Henri Joanelle.
Des poésies sont composées à la gloire de Sa Majesté Cabache ou encore des gôniots, de manière plus sporadiques 113 et souvent partant d’une initiative individuelle. Parfois anonymes, les auteurs sont des gôniots dotés d’un certain talent et d’un désir de laisser une trace écrite et esthétique à propos d’un mode de vie éphémère mais intense. Leur fonction ne semble que récréative et illustrative.
Le registre des chansons de la confrérie – et plus particulièrement de certains confrères – est étonnant de variété.
Aucune chanson paillarde, bourguignonne, « à boire » ou « à manger », sarcastique, connue ou non, n’échappe aux chanteurs et surtout pas une occasion n’est manquée de les pousser haut et fort.
Mais seule « la Ronde des Gôniots » est une chanson écrite, composée et chantée par et pour la confrérie carnavalesque chalonnaise. L’origine semble se perdre dans l’histoire de la confrérie 114 d’autant qu’elle fait l’objet d’une tradition orale, transmise de confrères en confrères. Elle fut néanmoins consignée par écrit, parole et musique, récemment 115 .
Elle constitue non seulement l’identité exclusive de la confrérie chalonnaise mais sert aussi de ciment à ses membres dans la mesure où elle est toujours chantée en groupe, et le plus fort possible… parfois même aidée d’un porte voix.
Le carnaval et sa confrérie chalonnaise sont le domaine singulier d’un langage, parlé ou écrit, local, solidarisant, non seulement l’ensemble des gôniots entre eux, mais aussi la population qui connaît et comprend ce langage régional. Régulièrement paraît dans le journal local le programme des carnavals ou autres livrets de présentation, des glossaires pour « traduire », communiquer ou tout simplement le vocabulaire spécifique de l’univers carnavalesque de Chalon. Ces termes sont issus du parler bourguignon et pour certain du parler chalonnais, et sont par conséquent intraduisibles avec des termes en français moderne.
En voici quelques uns, qui peuvent s’avérer utiles :
L’emploi courant de ce vocabulaire, plus vaste que celui donné et expliqué au grand public, constitue incontestablement un marqueur identitaire attaché à un territoire et une histoire spécifique.
Source : Comité des Fêtes de Chalon-sur-Saône.
Jean Cuisenier, Martina Segalen, Ethnologie de la France, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1986, p. 105.
Claude Elly, Journaliste au Journal local.
Cf. annexes.
Nous n’avons pu, à regret, rassembler suffisamment d’informations précises pour lui trouver un auteur et une date de création.
Cf. annexes.