2-1 – Les confréries

‘« Traditions et adaptations se côtoient : traditions dans la référence à l’antiquité de la confrérie, source de fierté pour les frères, capitale historique que les ans renchérissent ; adaptation nécessaire pour assurer la survie possible dans le monde du XX e siècle. » Martine Segalen’

Représentante d’une culture locale, la confrérie est un réel phénomène de conservation des traditions culturelles locales. Elle se présente comme le terrain de pratique culturelle ancestrale.

La confrérie symbolise le passé culturel et traditionnel d’une ville en se mobilisant, d’une manière ou d’une autre, pour la perpétuation et la survie des pratiques ancestrales propres à cette même localité.

En somme, elle se présente et se donne à voir comme un objet de communication et de revendication identitaire.

Marie-Thérèse Berthier et John-Thomas Sweeney proposent une définition générale des confrérie bourguignonnes, laquelle nous servira de point de présentation : « Les confréries sont les forces vives du patrimoine (…). De création contemporaine, leurs valeurs sont l’histoire, le vin et la gastronomie. Sociétés joyeuses et fraternelles, leur fonction essentielle est de promouvoir les richesses du terrain et d’assurer la continuité des traditions culturelles 143  ».

Plus concrètement, la confrérie est un corps constitué de personnes volontaires unies dans un but déterminé et déclaré, non lucratif. En majorités, ces personnes sont des laïcs.

Il existe néanmoins des confréries françaises qui sont attachés au service et aux pratiques d’une religion, telles les « Charités », confréries catholiques décrites par Martine Segalen, dans son ouvrage :  Les confréries dans la France contemporaine 144 .

Les plus communes en Bourgogne, sont les confréries qui sont issues de l’esprit culturel et festif de Bacchus ou de Rabelais. Le paganisme constitue alors leur champ d’investigation et leur modèle de pratiques.

Très ritualisées et hiérarchisées, elles disposent chacune d’une devise, d’une histoire notoire, de statuts, de grades, de décorations, d’emblèmes, de systèmes d’intronisations ou de cooptations, d’une bannière et d’un costume d’apparat.

Elles organisent donc régulièrement des sessions afin d’introniser de nouveaux membres, selon des usages protocolaires ; ce qui leur confère par ailleurs un aspect anachronique.

D’ordinaire, les confréries en Bourgogne sont bâties sur le même modèle et toutes sont différentes, chacune fonctionnant de façon autonome mais personnifiant une partie des traditions culturelles locales.

Bien moins nombreuses qu’au Moyen Âge, la région de Bourgogne en dénombre près de trente dont la plupart sont nées après la seconde guerre mondiale et ont été fondées sur le modèle de leur doyenne, encore en activité : La Confrérie des Chevaliers du Taste-vin 145 .

Que leur but soit de promouvoir différentes régions vinicoles 146 , plats ou produits de terroirs singulièrement locaux 147 , ou même des pratiques culturelles, intellectuelles ou sportives 148 , que leur structure soit composée de quelques membres ou de milliers 149 , toutes ont néanmoins un point commun. Elles font toute ostensiblement référence à leur histoire et à l’histoire locale ; c’est la source quasi inépuisable de leur inspiration mais aussi de leur survivance à travers le temps : « c’est dans le passé que se trame leur raison d’être  150 » ; « c’est le ciment de leur cohérence  151 », rappelle Martine Segalen.

Mais si c’est dans le passé que se trame la raison d’être des confréries, et notamment celle qui joue le rôle d’institution organisatrice du carnaval de Chalon, examinons alors de plus près ce qu’est ce passé, et voyons comment il justifie et légitime l’existence d’un groupe qui s’auto-investit de l’identité de la ville et se charge des festivités carnavalesques de la ville ; et tentons in fine de saisir la manière dont les instance organisatrices utilisent la notion de passé, de tradition pour singulariser et légitimer une politique culturelle.

Une double préoccupation s’impose donc ; celle de repérer dans son histoire les pratiques susceptibles d’avoir influencé la structure présente de la confrérie carnavalesque, ainsi que celle du scénario singulier de ses rituels carnavalesques.

Cette démarche, même si elle n’est pas exhaustive, offre du moins la possibilité de faire apparaître le stock d’éléments historiques dont se sert et à partir duquel se fonde la structure organisatrice pour légitimer ses pratiques traditionnelles inscrites dans l’orientation de la politique culturelle de la ville.

Néanmoins, nous croyons utile d’informer le lecteur que ce travail historique n’est pas un travail d’historien, les archives qui nous été ouvertes n’ont pu nous permettre de prétendre à l’exhaustivité.

Notes
143.

Marie-Thérèse Berthier, John-Thomas Sweeney, Les confréries en Bourgogne, Besançon, La manufacture, 1992, p. 13.

144.

Martine Segalen, Les confréries dans la France contemporaine, Paris, Flammarion, 1975.

145.

Née d’une époque de mévente de vin de bourgogne, entre les deux guerres du XXe siècle. Ses précurseurs souhaitaient défendre les vins de Nuits et de Bourgogne en général, en réunissant des spécialistes de la culture vinicole et gastronomique. Cette joyeuse famille composée également de philosophes et d’humanistes, comme de commerçants et d’hommes politiques, mirent un point d’honneur à se réunir régulièrement en grand protocole autour d’immenses banquets arrosés de vins sélectionnés par leur soins ; banquets ponctués de chansons paillardes et vigneronnes. Le but fut de construire la publicité de leurs vins.De nombreux invités de grande renommée, personnalités politiques, artistiques ou grand industriels, leur permirent de rayonner à travers toute la France et de se faire représenter dans les différents continents.Une appellation d’origine, le tastevinage fut créée en 1950.La « Saint Vincent tournante », qui change de ville vigneronne, chaque année, le troisième week-end de janvier, est le nom de la fête que la confrérie à créée.

146.

La Confrérie des Piliers Chablésiens (Chablis, département 89), créée en 1953, la Confrérie des grumeurs de Santenay (21), créée en 1956, la Confrérie du Chevalier du Cep Henry IV, créée en 1963, de Givry (71), la Confrérie des vignerons de Saint Vincent, de Macon (71), crée en 1950, pour ne citer qu’elles.

147.

La confrérie de l’Escargot de Bourgogne, créée en 1979, qui a obtenu la réglementation du ramassage des escargots, la Confrérie des Talmeniers du Bon Pain, créée en 1988, la Confrérie des Chevaliers de la Pôchouse, spécialité du nord du département de la Saône et Loire (71) à base de poissons de rivière, créée en 1989, La confrérie des Poulardiers de Bresse, créée en 1962, elle est à l’origine de la seule Appellation d’Origine Contrôlée pour une volaille, la Confrérie des Francs Cacous, célèbre clafoutis aux cerises de la région de Paray le Monial (71), la Confrérie gourmande de l’Ambassade du Charollais, fondée en 1983, la Confrérie de l’Oignon d’Auxone, créée en 1990 parmi d’autres.

148.

 La Confrérie du tir à l’oiseau, fondée en 1964, son but est de remettre à l’honneur les principes chevaleresques, la Cousinerie de Bourgogne, fondée en 1960, son dessein est la pratique de l’hospitalité bourguignonne, dont tous les membres sont appelés « cousins » et non confrères, la Confrérie de l’Ordre ducal de la Croix de Bourgogne, fondée en 1982, qui se propose de développer la connaissance de l’histoire, ainsi que de la gastronomie et de l’œnophilie bourguignonne.

149.

Comme la Confrérie des vignerons de Saint Vincent, de Macon (71), qui compte pas moins de 8 000 membres

150.

Martine Segalen, op.cit, p. 7.

151.

Ibidem, p. 12.