Au XV et XVIe siècle, période intense de création des confréries et des corporations de métiers, on s’associait pour tout, « même pour la prière », précise Martine Segalen 152 .
En réaction contre les rigidités d’une société hiérarchisée à l’extrême, et après la Guerre de Cent Ans qui avait ébranlé les structures fondamentales de la société, les besoins d’association concrétisaient l’âge d’or des confréries et des corporations. Les professions, les fêtes familiales ou populaires devenaient autant de prétexte d’union.
Ainsi une multitude de corps ayant des lois et des règlements furent créés. Ils prirent le nom générique de « confrérie », pour ceux qui étaient proches ou plus ou moins dépendants de la religion officielle, et de « corporation » pour ceux qui relevaient d’avantage d’une association civile et laïque.
Traduisant le souci, à cette époque, du défoulement collectif de la population, les associations participèrent en grand nombre aux organisations des fêtes et en particulier des fêtes omniprésentes sur tout le territoire français : les fêtes carnavalesques. Ces confréries ou corporations, avec le nombre imposant de membres et les actions qu’ils menaient très régulièrement dans et pour l’organisation de la vie sociale et culturelle du Moyen Âge, occupaient ainsi une place non négligeable dans la structure culturelle et politique et disposaient d’un poids conséquent dans les échanges entre différentes structures hiérarchiques de la société.
La sociabilité festive de ces groupements se confondait avec ce qui était dénommé les « sociétés joyeuses » qui avaient pour référence dominante la « jeunesse » et la « folie ».
Dès le XVe siècle, des jeunes gens des grandes familles bourgeoises déambulaient, costumés, dans la ville ou le village et organisaient des bals sur les places publiques après avoir offert de grands banquets, et ce avant la période de Carême.
Ils s’organisèrent alors en « Compagnies ».
Pourtant, l’usage traditionnel de ces confréries qui ne cessaient d’affirmer l’expression de carnaval était qualifié de païen par l’Eglise Catholique, si bien que les rapports entre ces deux institutions furent autrement plus complexes, ambigus et conflictuels que ne laissait supposer leur coexistence réciproque.
L’Eglise tenta effectivement de les contrôler, sinon de les supprimer. Elle ne cessa, dans son histoire, de pourchasser ses fous, ses hérétiques, alors que les confréries carnavalesques les faisaient renaître de leurs cendres dans des facéties médiévales, bien vivants.
Au XVIIe siècle, peu d’entre elles ont survécu aux assauts répétés et vigoureux des autorités religieuses.
De même, les autorités civiles commençaient à percevoir des signes de désordre dans l’existence légale de ces associations 153 .
Dès la fin du XVIIe siècle, les interdictions des municipalités et les pressions de l’Eglise, qui s’inquiétaient d’une menace politique de plus en plus grande pour l’ordre qu’ils incarnaient – et défendaient – se succédèrent et se relayèrent pour dissoudre toute association de ce type.
Ainsi un arrêté municipal de 1671 prononçait la dissolution de nombreuses confréries et déclarait que leurs biens seraient remis aux hospices.
A l’aube du XVIIIe siècle, les autorités religieuses estimaient et déclaraient que toute confrérie, carnavalesque ou non, n’avait plus aucune existence officielle.
Ibidem, p. 18.
En 1625, une ordonnance éditée par le juge Royal de Macon condamnait sévèrement les scandales de L’Abbaye de Malgouverne (de Macon), « ayant un abbé pour chef et protecteur de leur débauches et libertinage ».