On peut considérer, à suivre les propositions de nombreux auteurs locaux – historiens et journalistes – que le carnaval chalonnais dispose d’une tradition très ancienne : « le carnaval chalonnais dérive en droite ligne des Chérubs des Egyptiens, des Bacchanales des Grecs, des Saturnales romaines qui se célébraient respectivement en septembre et au mois de décembre 162 ».
Un journaliste du « Journal de Saône-et-Loire » assure même : « le carnaval de Chalon est l’un des plus anciens du monde. On en retrouve les premières manifestations au VIe siècle avec la fête des Fous. Celle-ci se tenait dans le choeur de la cathédrale Saint-Vincent. Le jour de la Saint-Etienne, les enfants de choeur élisaient un évêque parmi eux et parodiaient le prélat (...). Les excès furent tels que l’évêque Cirus de Thiard parvint à faire supprimer la fête des Fous au XIVe siècle 163 ».
Isabelle Mathez est moins affirmative mais conserve l’idée précédente : « On pense à Chalon que le carnaval est le descendant direct de la fête des Fous médiévale 164 » et que les acteurs masqués, travestis, continuent les satires de la vie de l’époque et les mascarades dans les rues.
Arnold Van Gennep, quant à lui, établit une filiation entre l’existence d’un « fantôme » créé par les Chalonnais et le mannequin symbolique de la période actuelle: « à Chalon-sur-Saône, au XVIe siècle, les chanoines célébraient dans l’église même un service funèbre solennel pour un fantôme d’une grandeur énorme, fait de paille et d’habits lugubres, le jour des Cendres, mais il n’est pas dit ce qu’il advenait ensuite de ce fantôme, si on l’enterrait effectivement comme s’il eût été un chanoine ; de nos jours, le service est supprimé et un mannequin est précipité, après crémation, dans la Saône sous le deuxième arche du Pont Saint-Laurent 165 ».
Claude Lougnot justifie ainsi la naissance du carnaval chalonnais: « Si cette tradition continue encore aujourd'hui, c’est bien parce que cette ville fut toujours un lieu de passage et de commerce 166 ». Effectivement, les foires de février, à Chalon, au XIIIe siècle, étaient réputées dans la France entière. Les marchands venaient pour commercer, mais surtout pour dépenser sur place les bénéfices dans la joie.
Le premier carnaval organisé de la période moderne de Chalon, se déroula en 1905, structuré par un noyau de commerçants et d’entrepreneurs institué en « Comité des Fêtes ».
« Le défilé ne comptait que quatre chars que suivaient des groupes de travestis, ancêtres des gôniots. Mais ce n’est que l’année suivante qu’un véritable programme des festivités fut mis sur pied. Elles devaient durer trois jours, le dimanche, le lundi et le Mardi Gras 167 ».
Le carnaval des villes a attiré les gens des campagnes. C’est ce qui a construit la renommée du carnaval chalonnais. L’apparition des premiers chars, les premières élections des reines en 1908 et la naissance officielle des Gôniots en 1910 drainèrent de nombreux rurauxau centre des festivités.
Avant la deuxième Guerre Mondiale, un grand bal masqué rassemblait les Chalonnais au théâtre pour le Mardi Gras et le défilé du carnaval constituait un prélude aux immenses batailles de confettis qui devaient devenir le clou du Dimanche-Gras. Le Courrier de Saône-et-Loire, journal local, nous apprend qu’en 1930, trente mille personnes participèrent à la bataille de confettis. En 1936, 110 m3 de confettis furent récupérés le lendemain d’une de ces batailles.
Claude Lougnot, Chalon et la Saône, Précy-sous-Thil, L'Armançon, 1992, p. 66.
Saône-et-Loire Magazine, n° 31, Mars-Avril 1997, p. 7.
Isabelle Mathez, La France en fêtes, Paris, Arthaud, 1996, p. 49.
Arnold Van Gennep, op.cit., p. 985.
Claude Lougnot, op.cit., p. 65.
Ibidem., p. 83.