Le parler créole de La Réunion se différencie du créole mauricien ou encore de celui des Antilles et de la Guyane française ; il n’est pas tout à fait identique à Mafate et à Saint-Pierre, à Saint-Gilles ou à Sainte-Suzanne. « Il est admis désormais que le créole de La Réunion est un français importé qui s’est modifié, adapté pour servir de véhicule entre les maîtres et leurs esclaves, issus de différentes régions d’Afrique et de Madagascar 195 ». Le fonds du parler créole est ainsi essentiellement français mais la syntaxe et les tournures de langage sont caractéristiques de La Réunion. Le créole dialogué est compréhensible pour l’ensemble des Réunionnais tandis que l’écriture se partage entre deux graphies : l’une inspirée du français (in z’histoire : une histoire), l’autre est phonétique (in zistwar : une histoire). Au quotidien, le créole est parlé à la maison, entre amis, dans les rues entre deux Créoles, mais dans certaines professions le français est de rigueur ; à l’école, il est enseigné et parlé en cours.
Aujourd’hui, le parler créole a gagné ses lettres de noblesse et est devenu l’un des symboles fort de la culture réunionnaise, alors que jadis, il était la « langue des pauvres » et les bonnes familles de souche réunionnaise s’efforçaient de parler un français correct.
La culture réunionnaise n’est donc pas constituée d’un bloc homogène et ces différences coexistent et cohabitent plutôt qu’elles ne se mêlent dans un pluralisme identitaire. La notion de mosaïque est donc plus appropriée au terrain réunionnais que celle de « melting-pot », dans la mesure où chaque groupe ethnoculturel cherche à préserver son identité au sein de l’hétérogénéité générale.
Ainsi, chaque groupe dispose de ses propres fêtes religieuses et sociales selon des calendriers et des rituels spécifiques. Il y a donc autant d’identités et de processus de revendications identitaires que de groupe ethnoculturels à La Réunion, ce que nous avons vécu au quotidien au cours de notre séjour et ce qu’atteste entre autres Marie-Angèle de Sigoyer : « Société plurielle, La Réunion est confrontée à la complexité des identités culturelles qui trouve sa source dans l’origine pluri-culturelle et pluri-ethnique de la population 196 ».
L’un des exemples les plus tangibles est la diversité des cultes pratiqués dans l’espace public réunionnais ainsi que le foisonnement de fêtes, à la fois religieuses et sociales, qui rythme le calendrier réunionnais : « l’espace multiculturel est avant tout un espace de sens, une sémiosphère ou la circulation de symbole est au moins aussi importante que la circulation des biens et des avantages matériels 197 ».
Toutefois, il n’est pas nécessaire ici d’examiner la nature exacte de ces cultes ni les usages sociaux qui en sont faits, tout comme il n’est pas fondamental d’entrer dans le détail des pratiques cérémonielles et festives en usage actuellement à La Réunion. Aussi nous ne montrerons de l’hétérodoxie des pratiques locales, pour l’exemple, que l’essentiel de l’aspect culturel réunionnais et que quelques-unes des manifestations festives auxquelles nous avons eu la chance d’assister durant de notre séjour.
Ibidem, p. 178.
Marie Angèle de Sigoyer, op. cit., p. 156.
Andréa Semprini, op. cit., p. 106.