3-3 – Contexte festif

En 1850, Pie IX érigea la préfecture apostolique en évêché, sur la demande du gouverneur de la Deuxième République. Néanmoins, le catholicisme était toujours le seul culte officiel et autorisé à La Réunion. La célébration d’autres cultes s’effectuait à la faveur de la clandestinité.

Aujourd’hui, l’ensemble des pratiques religieuses à La Réunion, qu’elles soient orthodoxes, hétérodoxes, issues des croyances populaires, de cultes syncrétiques entremêlées de sorcellerie et/ou de magie, forme pour la culture réunionnaise une essence culturelle fondamentale. Ainsi, l’ensemble festif de La Réunion est au moins aussi diversifié que ne le sont les pratiques culturelles de l’ensemble des groupes ethnoculturels.

Pourtant, cet état de fait n’a pas toujours été.

En effet, dès le début de son peuplement, l’île se caractérisait par une grande misère économique qui touchait une bonne partie de la population. Dès le XVIIIe siècle, avec la distinction de deux populations, la fête ne concerne qu’une minorité : les Blancs et les libres propriétaires terriens. Les populations serviles d’un même propriétaire ne pouvaient se rencontrer que le soir ou le dimanche 198 . Peu après l’implantation de la culture du café, les riches colons de l’île organisaient avec luxe des fêtes somptueuses pour les baptêmes, mariages et autres fêtes familiales.

Cependant, « la théologie morale de l’époque (XVIIIe siècle) ne voit (…) dans la plupart des formes de réjouissances que des occasions de péchés. L’Eglise prône la tempérance, la suppression des passions, le détachement. Elle condamne tout divertissement profane qui double ou complète, au risque de l’éclipser ou de la détourner, une cérémonie religieuse 199  ».

Les fêtes se déroulaient ainsi essentiellement dans le cadre intimiste des demeures coloniales : « le contexte bourbonnais, jusqu’au début du XXe siècle, n’est pas propice à la fête. Tout au plus, les hommes libres se rencontrent-ils pour jouer aux cartes 200  »

Difficile dans ce contexte religieux dogmatique et multiculturel de vivre des fêtes communes ou encore de laisser éclater cycliquement une joie carnavalesque même si des textes précisent que certains jours les Noirs se couvraient de peaux de lion ou de tigre et défilaient, ainsi vêtus, dans les rues de Saint-Denis et de Saint-Paul 201 et si des photos montrent des hommes Noirs paradant vêtus de costumes coloniaux.

Seuls un genre musical, le Maloya va devenir le symbole fort et métissé d’une identité réunionnaise qui sortait de sa clandestinité pour s’épanouir au grand jour 202 .Le registre est puisé dans le trésor de la langue créole en faisant revivre des archaïsmes, en empruntant aux langues d’origines, ou encore en créant des néologismes.

Le festif et le revendicatif vont alors désormais cohabiter sur la scène publique.

Une fête néanmoins rassemble à La Réunion, seulement depuis 1982, toutes les couches de la population et tous les groupes ethnoculturels de l’île, c’est la fête civile et populaire – devenu jour férié à La Réunion – qui célèbre l’abolition de l’esclavage, tous les 20 décembre.

Notes
198.

Jour de repos obligatoire.

199.

"Mélanges en l'honneur de Jean Louis Miege", in Histoire d'Outre Mer, tome II, 1992, Publications de l'université de Provence, p. 574.

200.

Ibidem, p. 570.

201.

Ibidem, p. 580.

202.

Le Parti Communiste Réunionnais fit sortir de l’ombre ce genre musical en aidant un artiste à enregistrer un disque.