Chapitre III
Histoire et politique du carnaval

Introduction

Les fêtes semblent apparaître dans l’histoire humaine avec les premières sociétés à écritures connues dans un contexte magico-religieux.

Ce qui est davantage certain c’est que le carnaval condense à la fois l’héritage du paganisme et de l’animisme dans une codification chrétienne.

Qu’est-ce que, plus précisément, cette folie cyclique qui prend un village ou une ville toute entière quelque jours durant ? D’où provient cette dérision sociale autorisée ? Y aurait-il un lien dans leur longue histoire entre Mardi Gras et la politique ?

Le carnaval est un acte performatif qui en s’accomplissant professe et revendique ses origines. C’est donc de ce côté-ci qu’il faut prospecter pour répondre à l’aide d’éléments historiques à ce questionnement et ce d’autant que « le raz-de-marée du volcan carnaval pourrait bien nous indiquer sur quel sol volcanique nous marchons. Appliquons notre oreille au sol, écoutons gronder le fleuve incandescent de la passion : alors dans son surgissement nous percevons un choc, un spasme, une clameur – un rire atroce : la percée de l’humaine dérision  203 ». Tels sont les mots que Florens Christian Rang prononça au cours d’une conférence en Allemagne en 1909 pour caractériser la genèse particulière du l’univers carnavalesque.

Principal élément de réponse donc : la dérision est la dimension première, originelle, du carnaval.

Cependant, il nous suggère, de manière poétique, de nous plonger dans les racines profondes de la fête pour élaborer une historiographie davantage précise. La compréhension de la genèse d’une telle fête pourrait effectivement intervenir comme précepte instructif quant au lien entre le règne carnavalesque d’un roi des fous et la raison pondérée de l’univers politique.

L’étude du champ sémantique de la conférence de Rang conduit prioritairement à appliquer un sens politique aux balbutiements du carnaval. Il associe en effet le terme de carnaval avec celui de « déchireur de destin », « d’ordre », « de paix », « de bonheur », il entend le rire carnavalesque comme dérision collective et comme moyen innocent de subversion : «  L’histoire du rire (…) c’est l’histoire d’une inoffensivité croissante 204 ».

Le début du carnaval est en effet « la naissance d’un rire qui ne fait pas rire 205 », la moquerie carnavalesque, une forme atténuée de dérision adressée fatalement contre quelque chose ou quelqu’un. Mais précise-t-il encore « le carnaval participe de l’histoire religieuse, le rire du carnaval est le premier blasphème 206 », alors immergeons-nous sans plus tarder dans l’histoire de cette déraison carnavalesque.

Notes
203.

Florens Christian Rang, Psychologie historique du carnaval, Toulouse, Ed. Ombres, 1990, p. 20.

204.

Ibidem, p. 22.

205.

Ibidem, p. 21.

206.

Ibidem, p. 23.