« Il n’est pas de groupe, déclare Maurice Halbwachs, qui n’ait besoin de se distinguer et de reconnaître les diverses parties de sa durée 248 . » Les divisions et les événements se distinguent d’une société à une autre mais c’est aussi ce qui distingue une société d’une autre. Ainsi les religions constituent-elles leurs propres calendriers.
La religion chrétienne date et divise son temps à partir de la naissance du Christ. L’anniversaire de sa naissance, l’anniversaire de sa mort et celui de sa résurrection déterminent les divisions essentielles du calendrier chrétien qui possède encore aujourd’hui une influence certaine sur le calendrier civil et laïque de la France. Les noms des jours et des mois sont la résultante des traces de noms, de croyances et de tradition anciennes que la religion a établis comme noms officiels.
Les clercs étaient, au Moyen Âge, les garants du calendrier festif ; ils y disposaient donc les fêtes religieuses. L’Église catholique s’efforça ainsi de conquérir certains éléments des fêtes et cultes païens pour les assimiler à son calendrier. Par exemple, l’Église remplit tous les jours du calendrier par des saints chrétiens, afin de remplacer les divinités populaires 249 , alors reconnues comme des démons par le christianisme.
Toutes les fêtes païennes furent ainsi remplacées par des fêtes chrétiennes. La Chandeleur, par exemple, située sur le calendrier le 2 février, jour de la purification de la Vierge Marie, remplace la Lupercale, fête populaire romaine.
L’année catholique se déroule donc rythmée par des dates clés inscrites à la fois dans le calendrier solaire, c’est-à-dire fixe, et dans le calendrier lunaire, mobile. Pâques – fête centrale dans la liturgie catholique – par exemple, est située le premier dimanche après la première pleine lune - calendrier lunaire - suivant l’équinoxe de printemps - calendrier solaire, entre le 22 mars et le 25 avril. Peuvent alors se situer différentes dates marquantes dans le calendrier populaire.
La répartition des fêtes est ainsi surtout visible en hiver entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps, période de réveil et de renouveau de la nature et donc période intense des rites de passages. Auparavant le solstice d’hiver était établi dans le calendrier julien au 13 décembre 250 .
L’année civile, avec ses saisons, possède donc un calendrier dans lequel l’écoulement de l’année se conforme à un ordre festif. L’été possède ses fêtes joyeuses – comme la Saint-Jean, l’automne ses fêtes tristes - Fête des Morts, le printemps son déchaînement populaire avec le Carnaval, et l’hiver ses fêtes familiales de Noël.
Le calendrier est, de ce simple fait historique, une mise en ordre arbitraire du monde et de la société et les différents calendriers reflètent alors les modes de vie des divers groupes.
Il instaure alors régularité et assure au groupe stabilité et cohésion.
Maurice Halbwachs, La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997, (1ère éd. 1950, P.U.F.), p. 170.
On comprend mieux pourquoi notre calendrier actuel comporte deux Saint-Jean situés dans le calendrier aux deux solstices.
La réforme calendaire, le passage du calendrier julien au calendrier grégorien, fut mise en place en 1582 par le pape Grégoire XIII. C’était alors l'occasion de modifier le calendrier festif, et de remplacer les dernières croyances ou fêtes païennes par la liturgie chrétienne.