Carême

Vers l’an 1000, la mise en ordre définitive du calendrier et du temps chrétien est marquée par une coupure alimentaire séparant période grasse et période maigre. Cette dernière est caractérisée par une absence d’alimentation carnée.

Cette période correspond, en France, au Carême.

Carême, considéré comme une période calendaire importante dans la liturgie catholique, est également situé au début de la nouvelle saison, au printemps. Carnaval, quant à lui, vient clore l’ancienne année, en brûlant symboliquement un mannequin le jour de Mardi Gras et annoncer Carême, le lendemain, le Mercredi des Cendres. Mardi Gras représente le produit négatif de cette longue période ascétique. L’un et l’autre sont donc inséparables dans le calendrier.

Ainsi, le « carnaval chrétien » apparaît officiellement au début du second millénaire : le début du Carême est fixé, en 1091, au Mercredi des Cendres, par le concile de Bénévent 251 .

Carême, qui vient de quadragésina, est pour la religion catholique, une période liturgique préparatoire de quarante jours, précédant la résurrection de Jésus-Christ, trois jours après sa mort. La fête de Pâques symbolise la fin de cette phase.

Pour un pratiquant, c’est une période de pénitence, de recueillement et surtout de privation, pendant laquelle l’alimentation carnée est bannie, les célébrations, incluant mariage et baptême, sont interdites ; les jeux et spectacles ainsi que la vénération des saints sont condamnés.

Carême débute un mercredi, le Mercredi des Cendres, et dure quarante-six jours, soit six semaines et demie. Les dimanches sont les jours où le jeûne n'est pas obligatoire. Dans les six semaines, il y a donc six dimanches que l’on retranche des quarante-six jours : il reste bien ainsi quarante jours effectifs de jeûne 252 .

Le carnaval est alors un « prélude à la rigueur », « une ultime débauche paganisante avant l’ascèse quadragésimale » 253 , il permet ainsi de clore une époque pour en ouvrir une autre par un acte de transition. Toutefois, on peut penser, comme Julio Caro Baroja, que les « rigueurs du Carême ont toujours été moins observés que les excès carnavalesques 254  ».

Pour les populations agraires le début d’un nouveau cycle annuel s’effectue à la nouvelle saison. Le temps cyclique s’achève donc à la fin de l’hiver et permet au printemps, période de floraison, de fécondation et de germination, de débuter une nouvelle année, un nouveau cycle : « Les traditions populaires relatives aux saisons, déclare Jean Cuisenier, marquent une série de phases dont le cycle se reproduit d’année en année et qui reviennent éternellement semblables à elles-mêmes  255 ».

En somme, le carnaval symbolise l’arrivée du printemps et le début du Carême dans la joie et la liesse populaire : « Que le carnaval soit l’exutoire nécessaire qui nous aidera à oublier nos tracas quotidiens », précise André Revenat, le Président du Comité des Fêtes et Grand Commandeur de la Confrérie Royale de l’Ordre Gôniotique, instance organisatrice des festivités carnavalesques de Chalon-sur-Saône.

« Par sa périodicité, cette fête réitère systématiquement son propre sens. Elle n’est pas seulement récréative, elle permet à l’homme de libérer, à l’approche du printemps, ses pulsions profondes dans un rituel qui varie d’une région à l’autre 256 . »

Notes
251.

Italie.

252.

Ces quarante jours représentent symboliquement les quarante années de traversée du désert par le peuple hébreu et la sainte Quarantaine de Jésus-Christ, pendant laquelle il séjourna dans le désert. On comprend ainsi mieux le sens et l’origine de ces privations alimentaires et sexuelles, de recueillement et de pénitence.

253.

Michel Feuillet, Le carnaval, Paris, Cerf, 1991, pp. 20 – 39.

254.

Ibidem, p. 28.

255.

Jean Cuisenier, La tradition populaire, Paris, P.U.F., coll. Que sais-je ?, 1995, p. 75.

256.

Claude Gaignebet, Le carnaval, Paris, Payot, 1974.