Conclusion

Voyage par delà les expériences quotidiennes, voyage au-delà des apparences coutumières, cristallisation d’une autre figure matérielle, représentation sublimée, instrument d’un imaginaire, méta-communication, technique d’extase sociale ou encore modèle archétypal, ludique et rituel, le masque symbolise, pour l’ensemble de ces éléments, l’outil le plus abouti pour l’accomplissement de l’extraordinaire extranéité théâtrale du carnaval.

Pour conclure, empruntons une métaphore très expressive et propre au champ sémantique de Florens Christian Rang qui nous permettra de caractériser la mesure de la surface politique contenue dans le carnaval historique : « La monstration des dents se fait sourire de bienveillance, non dénué d’un léger mépris 266  ».

C’est-à-dire que plutôt que de mordre,

le fait de montrer les dents,

extériorise et figure le signifiant de la morsure réelle. C’est effectivement une morsure suggérée qui singularise la politique carnavalesque.

L’homme ne mord donc pas dans le carnaval, il se contente de montrer les dents ; son rire, sa danse et ses chants sont ses outils sonores et visuels proprement humains qui simulent par la dérision une agressivité subversive. Les sourires des quolibets et autres harangues improvisées, adressés à une classe dirigeante, reflètent les sarcasmes impudents et les invectives ajustées qu’un peuple lance de manière sonore dans un espace urbain enclin à l’ordre.

L’homme fait en somme retentir cycliquement, dans le carnaval, le rire bruyant de son sourire méprisant.

Notes
266.

Florens Christian Rang, Psychologie historique du carnaval, Toulouse, éd. Ombres, 1990, p 22.