Chapitre I :
Esthétiques carnavalesques

Introduction

Permettant de considérer de l’intérieur et d’obtenir un support émotionnel et sensible, l’observation participante nous a conduit à reconnaître et identifier le carnaval comme un processus créatif interactif, c’est à dire comme un art, un art de la performance pour être plus précis, et non comme un simple folklore ou encore comme une seule expérience psychologique.

Mais un premier travail, afin de caractériser plus en profondeur cet univers du sensible, est celui de l’identification des esthétiques carnavalesques.

Cependant dès l’instant où nous cherchons à identifier un univers particulier, le problème est de savoir comment on le traduit, comment on le rend intelligible et pourquoi il convient de le faire de telle ou telle façon. L’écriture ethnographique découpe en effet de manière conventionnelle le réel alors que l’observation est un acte d’expérience et s’accompagne de déterminations subjectives.

En premier lieu, pour rendre son travail présentable et ainsi traduire dans un autre langage des segments de ce que l’ethnologue a saisi sur le terrain, il produit des données en les objectivant. En second lieu, les données de terrain peuvent être lues par leur rendu textuel, comme nous l’avons fait en première partie, mais l’écriture ethnologique, conforme à des conventions admises et traduisant mécaniquement le terrain, transforme l’objet même en figures tout d’abord lisibles, puis visibles, et le lecteur en lecteur passif.

Nous voulons a contrario faire pénétrer ici le lecteur dans une lecture sensible.

Nous nous efforcerons ainsi de montrer que le monde carnavalesque recèle en lui de quoi être vu et compris à la manière d’un tableau ou comme une séquence musicale et ce à partir de dénominateurs communs entre certaines formes d’art et le monde carnavalesque.

Notre démarche n’est donc pas comparative mais plutôt analogique et elle permet d’introduire une assise imaginative dans ce qui est lu. Nous établirons ainsi un rapport entre plusieurs éléments culturels à propos du carnaval.

Observons néanmoins qu’un élément culturel n’est pas assimilable à un modèle ; cette démarche analogique n’est donc valable que comme exemple et non comme échantillon culturel. Nous opérerons ici des analogies avec des formes artistiques diverses qui nous serviront seulement d’exemples afin de cerner plus en avant la dimension sensible du monde carnavalesque.

En somme nous examinerons l’univers du carnaval sur d’autres modes. Le croisement entre ces divers éléments nous permettra en finalité de donner sens aux rituels carnavalesques.