Acteurs

L’élément qui donne à l’acteur carnavalesque cette extraordinaire liberté de comportement, de gestes et d’invention fantastique, est le masque. L’acteur se cache derrière le masque, et l’expression de son jeu est toute concentrée sur le corps et son expression.

Le masque, quant à lui, fixe une expression, un caractère, et oriente, conjointement avec le déguisement, l’improvisation du jeu carnavalesque. Il implique ainsi, et de façon préméditée, un certain type d’expression corporelle. Il permet également d’associer les formes humaines aux formes extrahumaines, fantastiques, fantasmagoriques, ou imaginaires, et de mêler des expressions corporelles proprement humaines avec celles issues d’un imaginaire tant social qu’individuel.

Il accentue toute improvisation carnavalesque mais la projette néanmoins dans un ensemble de « styles » ou de « types » qu’induisent de manière préétablie les caractéristiques du masque. L’aspect du masque, comme un thème, indique le jeu à l’acteur, et se rapproche en cela, de façon similaire et significative, du jeu des acteurs de la commedia dell’arte. Il est bien certain, en effet, que les comédiens dell’arte ne visaient pas seulement à reproduire sur les tréteaux d’une façon réaliste les conditions sociales de la vie quotidienne, mais en grossissaient les aspects négatifs par une représentation caricaturale, par une déformation grotesque, par une satire évidente. Le masque donne le ton de la caricature improvisée, et caricature de fait un seul type, un seul style de personnage.

L’improvisation carnavalesque se sert alors de masques et de déguisements qui évoquent dans l’imaginaire et du spectateur et de l’acteur un type de comportement stylisé, voire attendu. L’ensemble tégumentaire carnavalesque confère ainsi en retour à l’acteur, une efficacité immédiate dans son comportement pantomimique.

À l’aide du masque et du déguisement, les gestes et comportement improvisés se retrouvent alors « stylisés ».

S’il est vrai que la projection de l’intuition se réalise à travers la suggestion spontanée, le processus d’improvisation n’est pas, comme on vient de la voir, entièrement libre. Il se déroule dans un cadre déterminé.

Le déguisement et le masque, mais aussi le « prétexte » carnavalesque, le défilé dans une rue, le regard et le retour du public, la tradition locale ou culturelle et le thème ou le scénario édicté par le groupe constituent autant de cadres et de restrictions à la pure spontanéité de l’improvisation même.

L’improvisation théâtrale carnavalesque trouve en effet son équilibre entre un jeu à l’impromptu et les « lois » ou règles qui déterminent l’ensemble de ces cadres. En d’autres termes, l’acteur carnavalesque utilise toutes les ressources qui déterminent et reconnaissent son jeu comme un jeu « carnavalesque ».

Si le jeu théâtral carnavalesque se distingue par exemple entre Dunkerque et Cayenne, ce n’est pas que l’improvisation scénique et personnelle ou la capacité d’improviser soit rigoureusement différente, c’est plutôt qu’elle est influencée par un cadre culturel et traditionnel, c'est-à-dire précisément collectif. Et de fait, si la part laissé à l’improvisation varie d’un carnaval à l’autre, et d’une localité à l’autre c’est que le poids du collectif varie aussi dans le temps et l’espace et d’un groupe à l’autre.