Modèle tégumentaire

Autrefois, avant une période industrialisée récente, si les déguisements étaient largement anthropomorphes et zoomorphes, piliers centraux du carnaval, ou figuraient alors un aspect plus ou moins précis de la nature, tel un arbre ou une fleur, aujourd’hui les allusions à des objets côtoient celles évoquant simplement des formes ou des impressions. La fréquence des déguisements représentant des animaux trouve son explication symbolique et historique tant dans l’effroi qu’ils provoquent que dans l’hilarité de l’imitation, tant dans l’aspect érotique qu’incarne la puissance fécondante de l’animal – bouc, taureau, cheval – que les possibilités licencieuses et ludiques qu’offre l’anonymat de ces déguisements.

Ainsi, si de nombreux déguisements ou symboles se retrouvent dans différents carnavals sans qu’il y ait de lien évident ou de logique apparente, c’est que la mémoire collective garde le souvenir inconscient, sous forme de symboles ou de traces mnésiques, pour n’en conserver que l’aspect plastique, esthétique, pratique ou identitaire.

Dunkerque et Cayenne font dans ce cas figure d’exemple, tant les déguisements carnavalesques se réfèrent à un ensemble de véritables patrons identitaires sans que l’ensemble des participants n’aie honnêtement connaissance et conscience du choix du costume. En ce sens, à Cayenne, existe une série d’une douzaine de déguisements « modèles » qui font partie ouvertement du patrimoine identitaire carnavalesque cayennais mais très peu savent la signification, l’origine et l’histoire de chacun de ces modèles qui, néanmoins, figurent systématiquement dans chaque défilé.

Il est de même rare de trouver des déguisements zoomorphes à Dunkerque et ceux-ci demeurent davantage dans un registre préétablie et largement anthropomorphe avec une grande prééminence pour les inversions sexuelles.

L’inversion des sexes à travers le déguisement est en effet très connue et est une pratique constante de nombreux carnavals en Europe ; cette règle aurait tendance à se confirmer aussi – a priori – sur d’autres continents et notamment en Amérique du sud.

Nous le voyons donc, à travers ces exemples, la symbolique foisonnante du rituel dessine une dimension expressive et profondément unificatrice du déguisement carnavalesque, telle qu’elle nous est apparue lors des défilés. À ce titre, cet acte serait alors à considérer comme un langage.