Jérôme Bosch faisait très souvent aboutir en enfer, dans le feu de la crémation, ou alors en compagnie diabolique, ses groupes de personnages qui dans la vie quotidienne auraient été déviants. Bosch se tourne en effet contre une série de péchés qu’il caractérise par des éléments symboliques. L’idéologie non religieuse évoquée et invoquée dans sa peinture comprend le rejet de la débauche et des amusements. En termes positifs, il défend une certaine maîtrise de soi, la tempérance et la discipline, mais surtout l’insertion dans un tissu social solide et indubitablement contrôlé 294 .
Dans le Bas Moyen Âge, les représentants des divers pouvoirs étant obsédés par le rejet du divertissement, leur souci du maintien de l’ordre était alors inspiré surtout par l’anéantissement de tout comportement déviant, porté par le divertissement, quel qu’il soit. C’est dans cette optique idéologique que se situe Bosch.
Tant dans les détails que dans les thèmes abordés de façon récurrente, la vision proposée par les différents carnavals se tourne également du côté du rejet de la libéralisation sociale, acte considéré comme subversif, voire chaotique pour un ordre établi.
C’est effectivement un postulat qui est particulièrement vérifié en appréhendant dans la structure globale du cycle festif, le rituel régicide en fin de cycle. Le roi carnaval est en effet, comme on l’a vu, systématiquement occis, et ce – autre analogie boschienne – avec une préférence pour le feu, comme si les comportements que ce roi prône et les pratiques qu’il encourage dans le moment carnavalesque devaient être effacés ou punis pour le maintien de l’ordre et le bon fonctionnement de la société. L’enfer est en quelque sorte promis à ceux qui défient l’ordre 295 .
Le rejet des divertissements et de la volupté s’exprime clairement chez Bosch dans des œuvres telles que Allégorie de la Gloutonnerie, La Nef des Fous, Carême et Mardi-Gras, Chanteurs dans un œuf , Gai lurons dans un moule en mer.
Nous analysons plus en profondeur cette thématique dans le second chapitre de cette même partie.