Peuple

L’une des premières réponses à fournir à cette question tient dans le fait que le personnage principal de cette exécution publique n’est pas le roi mais bien le peuple, dont la présence non seulement est requise mais demeure indispensable à l’accomplissement de la sentence. C’est dire que le déroulement du rituel de fin de scénario carnavalesque qui aurait lieu en secret n’aurait pas le même sens donné, voire n’aurait aucun sens.

Le peuple est convoqué à assister à l’exécution en qualité de spectateur et de témoin, mais également en qualité de garant de la réalisation et de la finalisation de la sentence prononcée à l’encontre de ce roi. L’exécution est en ce sens destinée au peuple, et c’est en brûlant le roi, leur roi, qu’en effet les autorités en place s’adressent au peuple qui a vécu comme sujet du royaume carnavalesque, royaume de désordre.

Le but de cette exécution en public est donc l’exemple, et il ne peut y avoir d’exemple sans démonstration, et dans ce cas la démonstration est double : démonstration de force et démonstration d’autorité. De force, afin de montrer la toute puissance des autorités en place, et d’autorité pour manifester l’application d’un règlement collectif.

Le peuple fait alors usage d’une violence légitime, qu’elle délègue elle-même, et qui, par sa charge émotionnelle et symbolique, agit comme un système qui menace et effarouche toute réitération dans l’univers parallèle du quotidien.

En somme, le but est de montrer, dans un premier temps, par une violence légitime donnée comme légale, le pouvoir invincible des autorités politiques, c’est-à-dire que le peuple est un condamné éventuel et éminent, et dans un second temps, de contrôler, de manière idéologique, les comportements déviants du peuple. C’est bien en anéantissant le symbole d’un désordre que les autorités se défont d’une potentialité révolutionnaire et par là même trouvent un intérêt politique à convoquer le peuple à cette exécution rituelle de fin de carnaval. La cérémonie de fin et sa ritualisation en public ont alors comme effet de canaliser le peuple, afin d’exercer légitimement le pouvoir sur le peuple.

La présence nécessaire du peuple face à l’exécution du roi carnaval cerne donc un jeu politique, de telle sorte que le déroulement de la sentence en public puisse se lire comme un discours de politique générale des autorités.

De la même manière, décider collectivement, d’une décision populaire et communautaire, de tuer son propre dirigeant politique, son propre roi constitue en soi, sinon un acte révolutionnaire, un acte éminemment politique.