Afin de cerner le cadre théorique en réponse à ce questionnement, nous partirons d’une double affirmation philosophique. Celle de Cornélius Castoriadis qui postule que : « Toute société existe en instituant le monde comme son monde, ou son monde comme le monde, et en s’instituant comme partie de ce monde. De cette institution, du monde et de la société par la société, l’institution du temps est toujours composante essentielle 390 . ». Et l’autre, de Gaston Bachelard : « C’est alors le problème même de la vie créatrice : comment avoir un avenir en n’oubliant pas le passé ? Comment obtenir que la passion s’illumine sans se refroidir 391 ? »
Il parait alors impossible de faire ici l’économie d’un propos sur la question de l’histoire et du temps. D’une part, c’est de ces conceptions que partent et auxquelles se réfèrent les principaux fils dont sont tissés les rituels carnavalesques, ainsi que nous l’avons montré en première partie. D’autre part, c’est à partir de ces conceptions qu’un premier lien entre l’univers imaginaire et une interprétation logique – entre passé, présent et futur – peut se réaliser dans une perspective politique.
Ce qui est visé ici est un essai de compréhension sur la question du vivre ensemble carnavalesque.
Alors, de quoi disposent les groupes carnavalesques et les instances organisatrices qui entretiennent ces rituels pour penser cette notion de temps et qu’en font-ils à travers la mise en scène d’un monde imaginaire ?
Quel est le statut du temps pour la fête carnavalesque et qu’institue-t-il ?
Pour une première interprétation, repartons immédiatement à La Réunion, et examinons les propos de la Compagnie Pôle Sud, l’instance organisatrice du tout nouveau carnaval réunionnais.
Cornélius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, Coll. « Esprit », 1975 (5ème éd), p. 259.
Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, 1949, p. 187.