La perception et la représentation collective du temps passé sont réalisées par la mémoire.
Le point central d’une mémoire collective est sa spécificité. Elle ne peut en effet devenir la mémoire singulière d’un groupe, quel qu’il soit, si elle ne se trouve pas délimitée précisément dans l’espace et dans l’histoire.
L’année civile – celle de la quotidienneté, et celle qui accorde un temps hors du temps au carnaval – est délimitée dans le temps par le calendrier qui offre une structure périodique, c’est-à-dire circulaire au temps. La notion spatiale de cercle induit ainsi la notion cyclique du temps, grâce au calendrier. Mais lorsque le passé dépasse l’espace cyclique du calendrier, la mémoire collective rentre en jeu.
L’interprétation d’un passé est, comme nous l’a montré le carnaval de Saint-Gilles, la représentation de l’avenir, « Le temps du patrimoine, c’est le futur antérieur 412 » précise également Marc Augé. Il est une subtile fusion du maintenant, de l’avant et de l’après. Mais souvent en carnaval, le passé est ce qui permet ou réalise le retour et l’institution du même, de l’identité, de l’identique. En atteste la complexité des déguisements traditionnels guyanais et les discours des membres de la confrérie gôniotique de Chalon 413 .
Mais abolir le temps passé permet de nier cette conception de l’identique, de la reproduction, et l’instance créatrice réunionnaise a effectivement fondé son carnaval en recherchant une origine des pratiques uniquement dans une conception spatiale, c’est-à-dire horizontale, et non dans sa propre histoire locale.
Marc Augé (dir.), Territoire de la mémoire, éd. de l’Albaron, Les collections du patrimoine ethnologique dans les écomusées, 1992, p. 20.
Cf. Première partie, Monographie.