Mémoire collective

La mémoire, en langue française, n’est exprimée que sous une forme pronominale : « se souvenir - de ». Le verbe souvenir, à la différence du nom, n’existe pas en français. La mémoire est donc fondamentalement une action réflexive.

Se souvenir 414 c’est avoir un souvenir mais c’est aussi laquête d’un souvenir, et s’inscrit en cela dans une perspective temporelle. Dans ce dernier sens, le verbe décrit une action, qui va du présent vers le passé, c’est-à-dire qu’une pensée présente se représente – donc dans l’ordre de l’imagination – une chose fatalement absente. La mémoire, c’est donc la présence de l’absence, mais dans la mesure où elle est absente, c’est seulement l’imagination, sous forme de sensations, d’images, de représentations attachées à l’élément du passé, qui agit.

Les distinctions temporelles demeurent alors dans une dimension subjective, ouverte aux fantasmes et aux perceptions particulières. Seule certitude cependant, c’est la marque de l’antériorité.

À Saint-Gilles, nous constatons dans les discours une absence quasi-totale de cette marque d’antériorité, alors qu’à Chalon et à Cayenne, de même qu’à Dunkerque avec la figure historique de Jean Bart, elle demeure omniprésente tant dans les discours que dans les pratiques.

L’individu, selon Maurice Halbwachs, participe à deux sortes de mémoires : une mémoire individuelle et une collective ; néanmoins il adopte deux attitudes différentes selon qu’il participe à l’une ou à l’autre. Cependant il précise que « La mémoire collective enveloppe les mémoires individuelles mais ne se confond pas avec elle 415 ».

La mémoire collective est ainsi celle qui se rapporte à un temps social, un temps extrinsèque à l’individu mais qui s’impose à lui en dehors de toute mémoire individuelle.

En tant que pensée sociale, la mémoire collective est transmission entre mémoire et histoire, et également oubli de souvenirs collectifs. Son rôle premier est effectivement de transmettre de manière verticale la mémoire d’un groupe. De ce fait, la transmission de la mémoire remplit des fonctions de socialisation et d’éducation 416 . En d’autres termes, la mémoire transmet la culture et c’est donc elle qui transmet les pratiques carnavalesques d’une génération à une autre.

Nous pouvons ainsi imaginer que la transmission de pratiques s’effectue de manière temporelle, verticale, d’où peut-être une explication quant à la singularité des pratiques et rituels des différents carnavals. Du moins, cette similarité verticale peut fournir un commentaire à la diversité spatiale.

Notes
414.

Son étymologie grecque l’indique : mnémé ou anamnésis.

415.

Maurice Halbwachs, op.cit., p. 98.

416.

Partage de savoirs, de savoir-faire, de croyances, de comportements, de gestes, de représentations.