Le carnaval est un espace consacré à la mise en scène et à la représentation esthétique, tout comme à la célébration d’un passé réinterprété. Mais ce sont les images métaphorisées et proposées lors des défilés carnavalesques, sous forme de déguisements, de représentations matérielles du roi carnaval entre autres – référentiels immédiatement intelligibles – qui donnent au passé un contenu et une forme légitime.
C’est donc grâce à un système iconographique proprement carnavalesque que s’approprie collectivement un passé. Ces sont en effet les images mises en scènes dans les défilés carnavalesques qui alimentent et réactualisent les liens temporels et les transforment en valeurs mnémo-culturelles.
L’iconographie carnavalesque fait ainsi partager une culture commune et les valeurs de cette culture comme matrice de significations temporelles.
Le carnaval est ainsi l’occasion cyclique, une réitération ou une rétro projection en quelque sorte, de brandir et de raviver ce qui unit un groupe et de donner à voir son propre portait. Il s’affiche à la fois comme un espace d’expression et comme une opération périodique de re-significations des liens communautaires et en ce sens, transcende le monde idiosyncrasique de la vie quotidienne.
C’est pourquoi le Roi Dodo à Saint-Gilles prend les traits synoptiques d’un individu métissé aux yeux verts, posé sur une charrette et tiré par un bœuf malgache : « Lorsqu’un peuple s’exprime, débat, poursuit un idéal (…), il est mû par la force des images qui le constituent 435 . »
Jean-Jacques Wunenburger, La fête, le jeu et le sacré, op.cit., pp. 45-46.