3-2 – Anthropologie politique du carnaval

Philippe Laburthe-Tolra et Jean-Pierre Warnier proposent de distinguer l’adjectif politique qui « s’applique aux manières de concevoir l’État [système politique] et aux régimes qui en résultent. Il s’applique aussi aux partis, et plus généralement au pouvoir que les partis ou les hommes se disputent 518  », du substantif politique  « art de gouverner » 519 .

Nicolas Tenzer différencie le politique : « Ensemble de ces affaires qu’on peut dire communes à l’ensemble des habitants d’une collectivité (…). Par extension, le politique est l’espace où ces questions sont discutées 520  » de la politique qui « est un acte de pouvoir (…) institutif et organisateur 521  ».

Au masculin, la notion désigne le domaine, et au féminin, elle désigne l’activité pratique. C’est-à-dire qu’au-delà d’une simple perspective explicative des affaires publiques, la notion de politique est à la fois un lieu, un espace où les affaires publiques font l’objet d’une décision pour une collectivité considérée, et une action, celle de gouverner, de décider, d’organiser les affaires de la cité. L a politique est donc l’action qui consiste à organiser le politique.

Plus globalement, le terme politique recouvre en même temps la communauté considérée comme une totalité autonome et, à l’intérieur de cette communauté, ce qui vise les fonctions d’autorité destinées à assurer du moins la pérennité, sinon l’épanouissement, de cette communauté en tant que communauté autonome.

« La vie politique est un « fait total », avance Jean-Jacques Wunenburger, qui fait appel à la totalité de ce qui fait l’homme concret. À l’égal des affects, l’imagerie, l’imaginaire et l’imaginal participent à l’autorité et à l’obéissance, à la conscience de soi comme membre d’un corps, à l’émergence de buts collectifs à atteindre, par la loi ou la violence. S’ils peuvent être lourds de menaces et de confusions, s’ils peuvent perturber le processus politique, ils peuvent aussi donner consistance, légitimité et efficience aux institutions (judiciaires, législatives, exécutives), forger une société particulière, porteuse d’une volonté propre, rendre possibles les souvenirs et anticipations qui évitent de vivre ensemble au gré des circonstances de l’immédiat présent 522 . »

La vie politique est en effet une construction humaine bâtie d’affects et de raisons, de rationalité et d’imaginaire, de contraintes et de libertés, de règles et de possibilités, et la fête carnavalesque s’approche considérablement de ce « fait total ».

Notes
518.

Philippe Laburthe-Tolra, Jean-Pierre Warnier, Ethnologie, anthropologie, paris, P.U.F., 1993, p. 107.

519.

Ibidem.

520.

Nicolas Tenzer, op.cit., p.31.

521.

Ibidem, p. 32.

522.

Jean-Jacques Wunenburger, op.cit., p. 105.