Extrait consacré aux Théologiens :

‘Peut-être vaudrait-il mieux passer sous silence les théologiens, ne pas remuer ce bourbier, et ne pas toucher ce bois puant. Orgueilleux et irascibles au plus haut degré, ils seraient incapables de m'attaquer en corps par mille conclusions, de me forcer à me rétracter et, en cas de refus, de me déclarer immédiatement hérétique. C'est la foudre dont ils se servent pour faire peur à tous ceux qui ne leur plaisent pas. Je n'ai point de protégés qui me témoignent plus d'ingratitude, et pourtant ils me sont redevables à bien des titres. Heureux par leur amour-propre, comme s'ils habitaient le troisième ciel, ils regardent d'en haut tout le reste des humains comme des animaux qui rampent sur la terre, et en ont presque pitié. Ils sont entourés d'un si nombreux cortège de définitions magistrales, de conclusions, de corollaires, de propositions explicites et implicites; ils ont sous la main tant de faux-fuyants que, les enfermât-on dans les filets de Vulcain, ils s'en échapperaient par des distinctions qui tranchent tous les noeuds aussi aisément que la hache de Ténédos. Ils fourmillent de mots nouvellement forgés et de termes baroques. En outre ils expliquent les mystères à leur façon: comment le monde a été créé et disposé; par qui la tache du péché originel s 'est répandue sur la postérité; de quelle manière, dans quelle mesure et en combien de temps le Christ a été formé dans le sein de la Vierge; comment, dans l'eucharistie les accidents subsistent sans la matière. ’