3. UN MISSIONNAIRE PROTESTANT CHEZ LES DING ORIENTAUX : GEORGE GRENFELL (1886)

Il convient de remarquer que les missions protestantes 1 s’intéressent au Congo bien avant la création de l’E.I.C. Deux sociétés missionnaires cherchent déjà à cette époque à pénétrer à l’intérieur du Congo : la Livingstone Inland Mission (LIM) et la Baptist Missionary Society (BMS).

La première société est créée à Londres en 1877. Le nom de Livingstone désigne le fleuve Congo, baptisée ainsi par Stanley. Les premiers missionnaires s’installent dans le Bas-Congo, à Palabala et Mbanza Manteka (1879) en amont des chutes. Les missionnaires britanniques essaiment progressivement le long du fleuve et s'établissent successivement à Bemba (1880), Mukimvika (1881), Lukunga(1882) et Kintambo (1883). La LIM cesse d’exister en 1884, après avoir fondé une mission à Wangata tout près du poste de l’État à l’Équateur. Ses dirigeants britanniques remettent leurs postes et leurs missionnaires aux Baptistes américains de l’American Baptist Missionary Union (ABMU). Ceux-ci fondent à partir de 1890 des stations dans le Haut-Congo ( Bwemba, Irebu, Ikoko) et dans le Bas-Congo (Kifwa). Pour le service des postes situés le long du fleuve et de ses affluents les Baptistes Américains se servaient du steamer Henry Reed repris à la LIM.

La station de la LIM fondée à Mukimbungu, sera acquise en 1885 par la Société Missionnaire Suédoise (Svenska Missionsförbundet) Les Suédois fondent Kibunzi, Diadia, Kinkenge, Nganda, Kingoyi et Kinkenda 2 ..

En 1888 les fondateurs britanniques de la LIM créent une nouvelle société, la Congo Bolobo Missionqui choisit plutôt de s’établir dans l’actuelle province de l’Équateur. Ils disposent de leur propre steamer, le Pioneer.

Quant à la Baptist Missionary Society (B.M.S.), implantée au Cameroun depuis 1844, elle avait déjà, au début de 1878, envoyé son missionnaire George Grenfell au Bas-Fleuve pour y chercher un point de départ vers le Stanley Pool.

Grenfell revient en 1879 avec: Thomas J. Comber. Ils choisissent de s’établir à São Salvador, considéré comme une base de départ idéale en direction du Pool. Ils sont suivis par William Bentley et H.E. Crudgington qui arrivent au Pool en février 1881 en longeant la rive nord du fleuve, mais à Fwa, ils doivent rebrousser chemin sous la pression de Malamine 1 . De leur coté Grenfell et Comber avancent sur la rive gauche du Congo et établissent des missions dans les stations de Stanley : Isangila et Manianga. Ils arrivent à Kinshasa en 1882  et fondent plus tard Lukolela et Ngombe-Lutete en 1884 2 .

Grâce à un bateau qui leur avait été offert – le « Peace » - Grenfell et Comber explorent, en juillet 1884, le Kwa et la Mfimi jusqu’au lac Maï-Ndombe (Léopold II), ensuite ils s’engagent dans le Kwango, car les îles leur ont masqué l’embouchure du Kasaï au confluent Kasaï-Kwilu. La résolution de l’énigme du Kasaï, décide Grenfell à projeter, pour l’année 1886, une tournée de reconnaissance sur cette rivière et sur la Lulwa. Cette fois-ci, Wissmann qui revenait de son repos à Madère et voulait regagner Luluabourg, s’offre pour lui servir de guide.

Le Peace s’engage sur le Kasaï, le 22 mars 1886. Il longe le pays des Ding orientaux le 6 avril et atteint Luebo quelques jours plus tard. Avant de retourner au Stanley-Pool, Grenfell a encore une occasion de prêter secours à Wolf et Schneider qui, à bord de leur embarcation, l’« En Avant », font la reconnaissance du Sankuru. En descendant à Léopoldville, Grenfell et ses compagnons repassent le long du pays des Ding orientaux.

Les souvenirs de ce voyage - aller et retour - de George Grenfell ont été relatés par son biographe H. Johnston 3 . Les informations sur les Ding orientaux sont très laconiques et se résument en deux principales notes. La première décrit les soins que les Ding et le Ngwi apportaient à leur corps :

‘Most of peoples about the Kwango-Kasaï junction were unmarked on the face except for the « Saturn » mark on the temples. The women were decorated with cicatrices on the abdomen. Both sexes here wear numbers of brass rings round their necks 4 .’

Il explique ce « Saturn mark » : « the Saturn mark was… a dot enclosed by a small circle, which again in enclosed by a larger circle about 1 ¼ inches in diameter”.

Il continue sa réflexion : “ In the south-west, the Ba.Dinga and Ba.Ngodi of the lower Kasaï and the Kancha rivers have three groups of lumps between the ear and the hair over the temple, and are ornamented with many scars on the abdomen” 1 .

La deuxième note parle de la propension des Ding pour le vin de palme, elle revient encore sur les scarifications et traite enfin de l’habillement :

‘The (BaDinga) people along the (Lower) Kasaï are inclined to be turbulent and drunken. Abundance of palmwine makes them so. They are very little cicatrized, but the “Saturn” mark (dot within a ring) on the temples. Nakedness here is less the fashion than in the Ba.Buma country. The chiefs especialy wear ample skirts of cloth and prettily worked caps 2 .’

Grenfell est resté longtemps au Congo et a même été nommé par Léopold II membre de la commission pour la protection des indigènes, tâche à laquelle, il renoncera lorsqu’il s’avisera que les agents de l’État léopoldien n’avaient que du mépris pour les indigènes.

D’autres missionnaires vont, plus tard, s’installer au Kasaï, notamment les presbytériens américains qui joueront, comme nous le verrons plus loin, un rôle important dans l’histoire religieuse de cette région et celle des Ding orientaux.

Notes
1.

Lire NDAYWEL, Histoire Générale du Congo…, p. 348-350 ; MARCHAL, État libre du Congo…, vol. 1., p. 333-335.

2.

AXELSON, S., Culture confrontation in the Lower Congo, Falköping, 1970, p. 259.

1.

MALAMINE est un tirailleur sénégalais placé par de Brazza comme commandant de la station de Kinshasa sur la rive gauche du Stanley Pool. Lire BONTINCK, « Quand Brazzaville était à Kinshasa » in Z.A.,

2.

AXELSON, S., Culture confrontation in the Lower Congo..., p.260.

3.

JOHNSTON, H., George Grenfell and the Congo, vol. 2. Londres, Huichinson, 1908.

4.

JOHNSTON, George Grenfell…, vol. I., p. 151. Traduction (littérale) : "La plupart des gens autour de la jonction Kwango-Kasaï ne portaient pas de marque sur le visage sauf la marque de « Saturne » sur les tempes. Les femmes étaient décorées de scarifications sur le ventre.  Hommes et femmes ici portent de nombreux anneaux de cuivre autour du cou".

1.

JOHNSTON, op.cit., vol. 2., p. 568. «la marque de Saturne était…un point entouré d’un petit cercle, lui-même entouré d’un cercle plus large d’environ 1 pouce ¼ (3cm) de diamètre ». "dans le sud-ouest, les Ba.Dinga et Ba.Ngodi du bas Kasaï et de la rivière Kancha ont trois groupes de bosses entre l’oreille et les cheveux au-dessus de la tempe, et sont décorés de beaucoup de scarifications  sur le ventre".

2.

JOHNSTON, op.cit. vol. I, p. 160. Taduction (littérale): "dans le sud-ouest, les Ba.Dinga et Ba.Ngodi du bas Kasaï et de la rivière Kancha ont trois groupes de bosses entre l’oreille et les cheveux au-dessus de la tempe, et sont décorés de beaucoup de scarifications  sur le ventre".