5. 1. Temps des préparatifs

Les informations apportées par l’expédition Wissmann et tous les autres voyageurs du Kasaï, concernant les richesses de cette région en ivoire et en caoutchouc, intéressaient les commerçants qui suivaient de près les « explorateurs ».

Dès 1887, la Sanford Exploring Expedition est fondée à Bruxelles. Elle envoie un steamer, la Florida, au Stanley Pool. Ce bateau remonte le Kasaï et débarque les agents de la compagnie à Luebo, au point terminus de la navigation de la Lulua.

Arrêtons-nous un moment sur cette Société dont les agents ont été les premiers trafiquants belges du Kasaï. La Sanford Exploring Expedition est l’œuvre de Henry Shelton Sanford. Cet Américain était né au petit village de Woodbury, dans l’État de Connecticut, le 23 juin 1823 2 . Ami de Léopold II, il avait joué un rôle important avant et après la Conférence de Berlin, notamment dans la reconnaissance de l’AIC puis de E.I.C par les États Unis.

Après avoir vainement posé sa candidature à une fonction de haute direction dans le gouvernement de l’EIC à Bruxelles, il décide de faire du commerce au Congo. En juin 1886, il fonde la Sanford Exploring Expedition (SEE) à Bruxelles avec Georges Brugmann, Balser, Jules Malou et Louis Weber.

L’objet de cette société était la conquête, sous une façade scientifique, du contrôle commercial du bassin du Congo. Sanford assure, avec Louis Weber, la direction de la société en Europe. Il désigne Emory Taunt comme directeur en Afrique. Celui-ci arrive à Banana fin juillet et engage sur place plusieurs Britanniques qui servaient l’EIC notamment W.G Parminter, Hebert Ward, Roger Casement et E.J. Glave. Ces agents allaient s’installer dans les postes abandonnés par l’État notamment à l’Équateur et dans le bassin du Kasaï, à Luebo.

La SEE qui comptait, à sa création, sur les promesses d’assistance de l’E.I.C allait vite déchanter car non seulement l’assistance ne se matérialisait pas, mais de plus, l’État faisait concurrence à la société dans le commerce de l’ivoire. Ainsi jusqu’en 1888, la Compagnie n’avait pas encore pu mettre le moindre produit congolais en vente en Europe.

En décembre 1888 la SEE est reprise par la Société Anonyme Belge pour le Commerce du Haut-Congo (SAB), filiale de la Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie (CCCI) 1 .

La CCCI est constituée en décembre 1886 à l’initiative du capitaine Albert Thys, officier d’ordonnance du roi et de quelques-un de ses amis, avec un capital de 1.227.000 francs-or. Cette compagnie est destinée à financer l’étude de la construction et de la rentabilité de la ligne ferroviaire ainsi que la reconnaissance et l’exploitation des richesses « naturelles » du haut-fleuve 2 . Deux ans après sa création, la CCCI décide de se subdiviser en plusieurs filiales :

-La Compagnie des magasins généraux du Congo est constituée en octobre 1888 avec un capital de six cent mille puis d’un million deux cent mille francs pour l’exploitation des hôtels et des magasins de vente au détail d’articles d’importation.

-La Société Anonyme Belge pour le Commerce du Haut Congo (S.A.B.), fondée en décembre 1888 avec un capital d’un million deux cent mille francs, porté après à cinq millions cinquante mille francs, est destinée principalement au commerce de l’ivoire et du caoutchouc. La S.A.B., nous le verrons plus loin, sera la première société européenne à installer ses agents chez les Ding orientaux.

-La Compagnie des Produits du Congo est constituée avec un capital initial de trois cent mille, porté ensuite à un million deux cent mille francs, pour l’élevage du bétail et la commercialisation des produits agricoles de l’actuel Bas-Congo.

-La Compagnie du Chemin de fer du Congo (CCFC) est créée en 1889 en tant que quatrième filiale de la CCCI, avec un capital initial de vingt-cinq millions de francs dont dix souscrits par le gouvernement belge et quinze autres par les milieux privés belges, anglais, allemands et américains 1 .

C’est donc la CCCI qui envoie Alexandre Delcommune au Kasaï en 1888. Sa mission était d’étudier la possibilité de mettre en valeur les ressources « naturelles » du bassin de cette rivière et de nouer des liens commerciaux avec les populations de la région.

Notes
2.

MARCHAL, op. cit., vol. I, p. 70.

1.

MARCHAL, op. cit., vol. I, p. 70.

2.

MARCHAL, op.cit., vol. I., p. 95.

1.

Lire MARCHAL, idem., p. 95 ; NDAYWEL, Histoire générale du Congo…., p. 326-327.