5. 7. 1. Commerce de l’ivoire

Chronologiquement, l'usage chez les Ding orientaux de l'ivoire comme produit commercial serait bien antérieur à 1885. En effet, en cette année 1885, l’expédition de Von Wissman, signale que les Ding orientaux apportent « plusieurs défenses d'éléphants » pour les échanger contre des « cauris et du cuivre » 1 . Jusque vers les années 1895, il est le produit le plus recherché par les Européens et, on se souvient, à partir de 1891, le roi s’était réservé le monopole de sa récolte dans certaines régions du Congo. Les commerçants européens estimaient, en ces années-là que les réserves d’ivoire étaient inépuisables dans le bassin du Congo. On peut lire cet optimisme dans le M. G. de 1886 :

‘Le produit le plus lucratif du bassin du Congo, c’est l’ivoire. Il existe en quantité considérable dans l’État libre, preuve en soit le fait suivant. Encouragé par le Gouvernement de l’État libre, deux maisons de commerce ont envoyé, l’année dernière, des agents établir des factoreries à Stanley-pool, afin de nouer des relations commerciales directes avec les trafiquants d’ivoire du Haut Congo. En un seul jour, on vint offrir à vendre à l’un des agents 386 défenses d’éléphants, de 25 kilos en moyenne par défense, ce qui représente plus de neuf tonnes et demie d’ivoire, soit une valeur de 175.000 francs environ. Si les indigènes apportent autant en un jour, ils doivent en avoir une réserve considérable, et s’il en existe autant dans le voisinage du Stanley-pool, avec lequel seul, jusqu’à présent, se sont nouées les relations commerciales, combien ce trafic ne grandira-t-il pas, lorsque le pays tout entier sera ouvert et que l’on aura les moyens de transport suffisants pour y importer les marchandises d’Europe nécessaires aux natifs ! On dit que l’ivoire sera bien vite épuisé, mais on oublie quelle est l’étendue du bassin du Congo – 1635000 km² . Combien d’années faudra-t-il pour en exporter de l’ivoire mort ? Après cela, restera l’ivoire de l’éléphant vivant. Pendant ce temps, l’ivoire payera certainement ce qu’on peut appeler les premiers frais ; puis un autre produit de valeur aussi, le caoutchouc, s’ajoutera à celui-là » 2

D'après les témoignages actuellement à notre possession, c'est la vallée de la Lubwe qui, dans le territoire des Ding orientaux, était la plus grande pourvoyeuse d’ivoire. C’est ce qui explique qu’en 1894 Lemarinel installe un poste d’État à l’embouchure de cette rivière. Plus tard, en 1913, le sous-officier Ketele, mandaté par l’administrateur territorial de Mulasa, Mr. Durant, pour ouvrir une route pour le courrier entre Lubwe et Mulasa, écrira à propos des Ding du bassin de la Lubwe : « Les Badinga vivent également de la vente de défenses, les éléphants étant très nombreux le long de la Lubue » 3 .

Ce commerce lucratif va progressivement décliner à partir de 1895 avec la régression continuelle des troupeaux d’éléphants. À partir de 1900, on ne fait plus d'affaires juteuses avec l’ivoire, mais avec le caoutchouc.

Notes
1.

Wissmann & alii, op.cit., p. 356-357.

2.

M.G., 1886, p. 88.

3.

A.M.B.A.E. Archives Africaines, Dossier n° A. I. M. O. II-Q/5.