6. ANDREAE (1893), PIRON ET ERNEST STACHE (1897) CHEZ « LES BADINGA »

L’agent Andreae de la S.A. B effectue son voyage sur le Kasaï dans les mois qui ont suivi le périple de Parminter. Il arrive à Mangaï le 15 septembre et y reste un jour. Il y rencontre Alziari qui, en plus de son habitation, possède une cuisine et un jardin. Il note qu’il y a ici une belle forêt dans laquelle on aperçoit trois villages et la factorerie (Mangaï) est l’un de ces trois villages. Les « indigènes » refusent de travailler à la factorerie, mais malgré cela, en quatre mois, Alziari a réalisé beaucoup de progrès : il a nettoyé une bonne partie de la forêt et construit quelques maisons 2 .

Le steamer dans lequel Andreae effectue son voyage quitte Mangaï le 16 au matin. Vers 11 heures, il arrive à « un poste d’État où est installé un Sénégalais ». Ce poste, dit Andreae, est situé à l’embouchure d’une rivière qui est probablement le « Nsali-Liboué » (Nzadi Lubwe) observé par Wissmann et Grenfell au 4°degré 12 minutes de latitude Sud. Le 17 septembre la flottille atteint Nzonzadi « fondé en avril 1893 par Cadenas et Piron » et Andreae y reste. Le 19 septembre, Andreae, Cadenas, Mohin et Hoelle tentent une première traversée du Kasaï pour aller explorer la Loange. La mission échoue à cause d’un vent violent 1 . Une deuxième tentative est faite le dimanche 24 septembre et l’équipage réussit à atteindre l’embouchure de la Loange . Le courant est fort sur cette dernière rivière, Andreae et ses compagnons ne peuvent pas la remonter assez loin. Ils reviennent à l’embouchure et descendent jusqu’à « Mpangu » à plus ou moins 2 km du confluent 2 .

Le manuscrit d’Andreae nous livre quelques prix pratiqués chez les Ding orientaux dans les régions de la Lubwe et de Nzonzadi :

12 clochette valent 10 cauris ; 46 cauris équivalent à 5 francs

12 moyennes cloches= 30 cauris ; 69 1/3 cauris = 60 francs

3 ½ kg { perles blanches, bleues et rose} = 39, 55 francs 3 .

En 1897, deux agents de la S.A.B., Ernest Stache et Piron se trouvent à Mangaï. Entre le 14 décembre 1896 et le 3 janvier 1897, ils entreprennent une montée de la Kamtsha. Jusqu’à la fin de l’année de l’année 1896, la rivière Kamtsha, cet autre affluent du Kasaï que les autochtones appellent « Kantsha », avait été complètement ignoré des voyageurs européens et aucune carte ne signalait son existence.

Avant décembre 1896, Piron, agent commercial de la S.A.B., entreprend de remonter cette rivière en pirogue pendant deux jours. Il revient à Mangaï et concocte une autre expédition avec Stache. Cette expédition se fait à bord du « Katanga ». Elle dure du 14 décembre 1896 au 3 janvier 1897. Les deux hommes et leur équipage avaient atteint le village « Songo » après trente-deux heures de navigation. Ils indiquent que la « Kantsha se jette au Kasaï, près du village d’Eiolo. […]. Vis-à-vis d’Eiolo, sur la rive gauche de la rivière, se trouve un immense marché Balori » 4 . Nos deux agents européens découvrent aussi que les populations riveraines sont d’une extrême densité. Ils énumèrent les « principales tribus » :

  1. Les Banzadi, dans le bas, vers le confluent ;
  2. Les Bangulu, un peu plus vers l’amont ;
  3. Les Badinga, tribu puissante et commerçante ;
  4. Les Babunda, dans le haut… Idem, p. 204-205.

Deux nouveautés apparaissent dans les déclarations de Stache et Piron. D’abord, ils présentent les Banzadi comme une ethnie différente des Badinga. Jusqu’en cette année aucun écrit ne nomme les Banzadi parmi les ethnies de cette partie du Kasaï. Les populations riveraines du Kasaï dans les régions de la Lubwe, Pangu, Nzonzadi ou plus en amont du Kasaï sont toutes qualifiées de « Badinga ». Ensuite ils signalent l'existence d'autres « Badinga » le long de la rivière Kamtsha. Or jusque-là, on ne connaissait que les Badinga habitant en amont de Mangaï, à proximité de la Lubwe, de Nzonzadi et de Pangu (sur la Loange). Ces Badinga résidant le long de la rivière Kamtsha sont ceux qui seront désignés plus tard par l’ethnonyme « Badinga Kamtsha » ou « Ding occidentaux ». Stache et Piron n’établissent pas de différence entre ces Ding de la Kamtsha et leurs cousins de la région entre la Pio-Pio et la Loange. Ils les qualifient seulement de « tribu puissante et commerçante » 2 .

Du 26 avril au 14 mai, Ernest Stache remonte cette fois le cours de la Loange. Il dénombre les peuples riverains :

‘Les riverains( du Loange) sont dans le bas, rive droite, les Bashilele, rive gauche les Badinga. Dans le haut, les Tukongo, et plus haut, les Bapende ou Kiobo. Les Bashilele, les Badinga et les Bakongo ont le même langage. Tous sont des hommes de haute stature, fortement constitués… »3

L’agent de la S.A.B. affirme que les Badinga, les Bakongo (Bawongo) et les Bashilele ont le même langage. Ceci est partiellement erroné. Dans la réalité, ce sont les langues des Bashilele et de Bakongo qui sont proches. La langue de Ding est bien différente. Il convient, cependant, de noter que dans les zones frontalières les différences entre les langues sont difficiles à percevoir, surtout quand une même personne peut savoir manier les trois ou les quatre langues à la fois.

Stache livre aussi des informations sur la manière dont les Ding soignent leur corps : « Comme tatouages, les Badinga ont aux tempes un cercle de la grandeur d’une pièce de deux francs. Les cheveux sont parfois artistement tressés en fines tresses pendant librement. Les Tukongo portent, en général, la barbe » 4

Notes
2.

ANDREAE, op.cit., p. 64.

1.

Idem, p. 65.

2.

ANDREAE, op.cit., p. 66.

3.

ANDREAE, op.cit., p. 66.

4.

STACHE, E., « Exploration du Loange et de la Kamtsha » in M.G., 1897, p. 205.

2.

STACHE, p. 204.

3.

Idem, p. 205.

4.

Ibidem, p. 205.