1. 3. Situation des missions catholiques en Afrique centrale jusqu’en 1876 2

Avant 1876 la distribution des missions en Afrique centrale s’est opérée sans passion. Les voyages du missionnaire protestant, David Livingstone n’émeuvent pas les catholiques. Imitant les « explorateurs » et les colonisateurs, les sociétés missionnaires s’implantent dans les ports pour préparer une occupation rationnelle ou étudient la possibilité d’utiliser les voies de pénétration naturelle.

Sur la côte atlantique, la Préfecture Apostolique du Kongo, abandonnée par les capucins italiens en 1835, est reprise en 1865 par les missionnaires du Saint-Esprit suite au démembrement du Vicariat Apostolique des Deux-Guinées créé en 1863.

À l‘est, les Spiritains occupent Zanzibar et s’établissent à Bagamoyo en 1868. L’année suivante, ils élaborent des plans pour pénétrer à l’intérieur du continent et rejoindre leurs confrères venus de la côte occidentale. Les missionnaires de Vérone de Daniel Comboni entreprennent la pénétration du Haut-Nil (Soudan) à partir du nord et font de Karthoum le centre de leur action. Les Lazaristes (Mgr de Jacobis) reprennent la Mission d’Abyssinie et les capucins de Toulouse celle des Gallas (Mgr. Massaja). En juillet 1868, Lavigerie formule des projets missionnaires en direction de l’Afrique saharienne. Ceux-ci n’entrent pas directement en concurrence avec les sociétés chargées d’immenses territoires dessinés très grossièrement à l’est (Gallas, Abyssinie, Zanguebar), à l’ouest (Vicariat de deux-Guinées, Sénégambie, Sierra Leone, Bénin-Dahomey), au centre (Vicariat d’Afrique centrale) et au sud ( Vicariat de cap de Bonne-Espérance divisé en 1847).

Les ignorances de la géographie sont telles que le Vicariat d’Afrique centrale est établi en 1872 «  jusqu’aux monts de la lune » dont Comboni continue à certifier l’existence en 1877. En réalité, jusqu’à la traversée du centre de l’Afrique et la descente du fleuve Congo par Stanley, le « cœur » du continent restera une « terra incognita » aussi bien pour les géographes que pour les missionnaires occidentaux.

La réunion à Bruxelles, en 1876, de la Conférence géographique d’où sort l’A.I.A. engendre une nouvelle donne. Parfaitement informée par le nonce S. Vannutelli en poste à Bruxelles, soucieuse de mettre à profit les bonnes dispositions manifestées par le « très catholique » Léopold II, la Sacrée Congrégation de la Propagande suit attentivement l’évolution des projets.

Décidée à ne pas abandonner le terrain aux protestants et aux laïques, elle entreprend des consultations et multiplie les contacts avec les sociétés missionnaires susceptibles de s’engager dans l’aventure de l’évangélisation de l’Afrique centrale. Léopold II lui-même, en fin stratège politique, dépêche chaque fois qu’il est possible, des émissaires auprès du Saint-Siège et multiplie les contacts avec les sociétés missionnaires belges pour les convaincre de l’épauler dans son œuvre au centre de l’Afrique. Déjà en 1876, pendant la Conférence Géographique de Bruxelles, il s’était rendu personnellement chez les Pères de Scheut pour s’assurer du concours éventuel de la congrégation. Il s’était adressé ensuite aux Pères Jésuites (1879) et avait renouvelé ses instances auprès des Pères de Scheut en 1884 1 .

Le roi cherche les appuis de puissants catholiques belges pour damer le pion à ses concurrents Allemands, Anglais, Autrichiens, Français et Portugais qui bénéficient des soutiens tacites ou clairement revendiqués de leurs missionnaires.

La révélation du « continent mystérieux » 2 par Stanley et l’engagement de l’explorateur au service de la section belge de l’A.I.A, ouvre, à partir de 1878, une décennie de quasi « scramble » missionnaire pendant laquelle différents protagonistes religieux et politiques entrent en compétition.

Notes
2.

Lire avec intérêt, pour cette partie, RENAULT, F., Lavigerie. L’esclavage africain et l’Europe, T.1., Afrique Centrale & T.2., Campagne Antiesclavagiste, De Boccard, Paris, 1971 ou PRUDHOMME, C., Stratégie missionnaire du Saint-Siège sous le Pontificat de Léon XIII. Centralisation romaine et défis culturels, Thèse de Doctorat, Université Jean-Moulin Lyon III, 1989.

1.

Nous reviendront sur ces contacts dans la suite de notre exposé.

2.

Le livre de STANLEY, Through the dark continent, 2 vol. à été traduit en français par LOREAU, A. sous le titre de : À travers le continent mystérieux, Paris, 2 vol., 1879.