1. 3. 3. Emonet contre Lavigerie : deux missions antagonistes à l’embouchure du Kasaï

La création par la Propagande des Missions du Congo septentrional et du Congo méridional, confiées à la Société des Missions d’Afrique, et l’imprécision des frontières de ces deux juridictions, provoquent donc une situation conflictuelle entre les hommes d’Emonet et ceux de Lavigerie. Les Spiritains se plaignent de l’absence de publicité apportée à la délimitation des nouveaux vicariats. Ils demandent l’établissement de frontières claires et , invoquant leur droit du premier occupant, il menacent d’aller s’installer dans le Stanley-Pool (Pool Malebo).

Pour chercher une issue à cette crise, en août 1881, Mgr Pierre Le Berre, vicaire apostolique du Gabon et le Père Charles Duparquet, se rencontrent à Paris avec Mgr Lavigerie. Celui-ci déclare qu’il laisserait volontiers les Spiritains s’avancer vers l’intérieur, aussi loin qu’ils le voudront, à condition toutefois de s’arrêter à une distance de 100 km des stations de ses missionnaires. Lavigerie serait même venu à la maison mère des Spiritains pour remettre un acte rédigé sous forme d’ordonnance, sous la date du 8 août, et signé de lui, où il disait :

‘Art. 2. – Nous accordons aux Pères de la Mission du Congo le droit de s’établir sur le cours du Congo jusqu’au delà de Stanley-Pool et d’occuper la vallée qui se trouve sur la rive gauche du Kasaï.’ ‘Art. 3 – Nous reconnaissons que les Missions ainsi fondées par les Pères du Saint-Esprit, jouiront d’une pleine et entière indépendance ¹ .’ ‘Toutes les tentatives pour obtenir de la Propagande un document écrit pour confirmer cet accord sont restées infructueuses. Il semblerait que l’une des raisons qui a motivé la position d’attente de la Propagande était l’espoir d’une fin imminente de l’agitation créée par les prétentions des nations européennes d’obtenir des colonies dans la région, grâce à un accord international. ’

Quoi qu’il en soit, les Spiritains, rassurés par l’accord, poursuivent leur avancée vers l’intérieur du Congo et atteignent, nous l’avons déjà indiqué, l’embouchure du Kasaï où ils fondent, le 18 mai 1886, la mission de Saint Paul du Kasaï.

(source Les Missions Catholiques n°866)

Au même moment, les Pères Blancs tentent, eux aussi, de s’établir au Congo méridional. Un premier essai est fait en 1883. Mgr Lavigerie envoie deux prêtres, les abbés Guyot et Baudonnet fonder une mission sur les rives du Congo. Ils parviennent au Stanley-Pool au mois de juin 1883. L’abbé Guyot voulait s’enfoncer plus avant, mais se noie avec Mr. Janssens, un belge, dans le Congo le 12 juillet de la même année, à une trentaine de kilomètres en aval de Kwamouth. En 1885, trois autres missionnaires prennent la route du Congo : les Pères Dupont, Merlon et Schynse. Embarqués à Lisbonne le 6 juillet 1885, les missionnaires arrivent à Banana le 27 juillet. Ils ont l’ordre de remonter le Congo et de fonder une première station en amont du Stanley-Pool. Ce qui est fait en mars 1886. Ils construisent leur nouvelle station, un peu en amont de Kwamouth, sur la rive droite du Kasaï ; ils l’appellent Notre-Dame de Bungana. Pendant plusieurs mois, entre 1886 et 1887, on aura ainsi deux missions à Kwamouth, de part et d’autre de l’embouchure du Kasaï : la mission des Spiritains, Saint-Paul du Kasaï et celle des Pères Blancs, Notre-Dame de Bungana ¹ .

Cette situation illustre les incertitudes qui existaient alors au sujet des limites entre les anciennes circonscriptions ecclésiastiques et les nouvelles créées à la demande de Mgr Lavigerie. La solution à cette confusion ne sera progressivement trouvée qu’à l’issue de la Conférence de Berlin et à la prise de possession effective de l’État Indépendant du Congo (E.I.C.) par Léopold II ² .