3. 1. 1. Activités des missionnaires de Scheut à Berghe-Sainte-Marie

Rappelons que Cambier et Huberlant arrivent à Berghe le 24 novembre 1888. Gueluy et De Backer les rejoignent le 7 janvier 1889. Dès le 26 janvier 1889, Huberlant et De Backer reprennent leur noviciat sous la direction de Gueluy. Quant à Cambier, il s’occupe de l’intendance. Il écrit dans ses lettres qu’il est tout à la fois « bûcheron, charpentier, menuisier, maçon, forgeron, chasseur, terrassier, encadreur » 2 et infirmier.

Huberlant et De Backer prononcent leurs premiers vœux le 15 septembre 1889. Le 21 septembre, trois autres missionnaires viennent renforcer le groupe de pionniers. Il s’agit de Camille Van Ronsléet de deux prêtres diocésains de Bruges, les frères Jules et Ferdinand Garmyn. Les deux frères Garmyn doivent encore achever leur noviciatsous la direction de de Gueluy. Le 6 janvier 1890, Jules Garmyn prononce ses premiers voeux tandis que son frère, Fernand, envoyé à la côte en novembre ne le fera que le 7 août 1891. Deux semaines après la fin du noviciat de Jules Garmyn, Gueluy quitte Berghe-Sainte-Marie pour rentrer à Scheut où le supérieur général Van Aertselaer le rappelle instamment.

Avant son départ, il choisit Van Ronslé et Cambier pour aller fonder une deuxième mission à Makanza chez les Bangala. Les deux missionnaires s’embarqueront à bord du Léon XIII, le steamer de Mgr. Augouard. La mission sera appelée Nouvelle-Anvers selon les vœux de celui qui a donné l’argent nécessaire à son installation, le comte Florimond de Brouchoven de Bergeryk 1 .

Une troisième caravane de missionnaires part de Bordeaux le 10 juillet 1890. Un aide laïc, membre de cette équipe, Norbert Bourdeaud’huy trouve la mort à Berghe le 23 avril 1891. En 1892, De Backer et Ferdinand Garmyn sont emportés par des fièvres meurtrières. Rapatrié trop tard, Huberlant meurt à Scheut au mois de mars de l’année suivante.

Au début de leur apostolat au Congo, les scheutistes collaborent avec l’État pour mettre le système de colonies scolaires sur pied. En 1892, l’État crée pour eux deux colonies officielles : une à Nouvelle-Anvers, l’autre à Boma. Eux-mêmes entretiennent des colonies privées à Berghe, Nouvelle-Anvers et Moanda. Ils sont rejoints par les Sœurs de la Charité de Gand à Moanda (en 1891) et à Berghe (1894), par les Franciscaines Missionnaires de Marie à Nouvelle-Anvers (1896) et à Boma (1897). Les Pères-directeurs des colonies officielles de Boma et de Nouvelle-Anvers avaient droit à un cinquième des garçons arrivant chez eux, quota qu’ils transféraient aux colonies privées, le quota de Boma allant à Moanda, celui de Nouvelle-Anvers à Berghe-Sainte-Marie 2 .

D'où venaient ces enfants ? Officiellement, ces enfants provenaient de la dispersion de convois d’esclaves (enfants dits « libérés » ), de l’accueil des orphelins, d’enfants fugitifs, d’enfants à l’égard desquels les parents ne remplissaient pas leurs devoirs d’entretien et d’éducation. En réalité, l’État opérait par enlèvement lors des représailles contre les villages « insoumis », souvent à très grandes distances des missions. On verra, par exemple, les enfants capturés dans le Haut-Kasaï, acheminés jusqu’à Boma ou à Moanda 3 . Les enfants égarés lors des opérations guerrières dites de « pacification », étaient saisis et dirigés sur le poste d’État le plus proche. Ensuite ils étaient conduits chez les missionnaires dans les colonies scolaires ou simplement dans le poste de mission.

De 1890 au 31 mars 1900 l’État livre à Berghe-Sainte-Marie un total de 1.134 enfants et adolescents des deux sexes. Les missionnaires rachètent aussi eux-mêmes des garçons et des fillettes, au risque de passer pour des esclavagistes aux yeux des populations. Cambier raconte une expédition qu’il organise au Kasaï pour « l’achat d’enfants, de poules et de chèvres ». Lors de cette expédition, il n’a pas pu « acheter des enfants », mais il ramène quinze chèvres et cent dix poules à la mission 1 . Avec les enfants de leur colonie privée, les missionnaires comptent fonder des foyers et des villages chrétiens. Dès le 7 mars 1893, les deux premiers couples d’orphelins recueillis à la mission se marient à l’église. Dans les cinq années suivantes, 39 autres mariages sont contractés et un village chrétien se développe sur place.

Notes
2.

VELLUT, J.L. (sous la dir. de), Émeri Cambier. Correspondance du Congo (1888-1899). Un apprentissage missionnaire, Bruxelles – Rome, 2001, p. 90.

1.

MARCHAL, op.cit., t.2, p.167.

2.

MARCHAL, op.cit., T.2, p.178.

3.

En avril 1899, le père Bernard Dierkes écrit qu’il attend 70 jeunes filles du Kasaï.

1.

VELLUT, op.cit., p.189-192.