3. 2. 2. Visite de Van Aertselaer à Luluabourg

À la mi-1892, Van Aertselaer se rend à la mission de Luluabourg-Mikalayi au Kasaï. Il est accompagné du Père Constant De Deken, explorateur du Tibet avec le Prince d’Orléans et Bonvalot. La visite du supérieur générale faisait suite au changement de stratégie apostolique opéré par Cambier.

En effet, il avait pris quelques libertés avec la stratégie apostolique de sa congrégation en incorporant, comme nous venons de le voir précédemment, à son village des adultes et pas seulement des enfants achetés et orphelins. En avril 1892, dans un billet adressé au supérieur général, Huberlant se plaint que Lemarinel avait encore envoyé à Cambier un nouveau contingent de 140 enfants. Une fois à Luluabourg, Van Aertselaer est émerveillé par les réalisations de Cambier. Il écrit :

‘J’ai constaté moi-même que pour cette fois la réalité dépasse la renommée ; cette réalité, je la définis en deux mots : situation matérielle ravissante, conversions à n’y pouvoir suffire. Dans le mois d’octobre qui suivit mon arrivée, le Père Cambier possédait trois cents catéchumènes ; il en a maintenant cinq cent trente, dont une centaine de gamins et de fillettes. Tout ce monde est groupé en deux villages, celui de Saint-Joseph et celui de Lourdes-Notre-Dame. Le premier de ces deux centres est dominé par une chapelle en pisé, que remplacera bientôt une église entièrement construite en briques cuites. Diverses constructions entourent le monument religieux, la résidence des missionnaires, une maison pour les Sœurs, une école, des ateliers où s’escriment à qui mieux mieux des scieurs de long, des menuisiers, des tourneurs, des forgerons tandis que des briquetiers ont établi à l’écart un four qui marche parfaitement. ’ ‘Formés par le P. Cambier, ces artisans sont aujourd’hui de force à confectionner des portes, des fenêtres, des tables, des chaises, des bibliothèques, des lits, des autels. Cette fourmilière humaine en pleine activité fait vraiment plaisir à voir. On sent que l’organisateur du travail est un fils du pays wallon dont le monde entier connaît la fiévreuse industrie. Gageons que ce farceur de Père Cambier, qui rit toujours et ne se repose jamais, nous dotera un jour d’un haut-fourneau1.’

Van Aertselaer décrit aussi les travaux agricoles faits à la mission. Il reconnaît à demi-mot les nombreux morts causés par la dureté des labeurs que Cambier impose à ses hommes : « Le père Cambier ne travaille pas pour la terre seulement. Depuis son installation, il a envoyé trois cents âmes au ciel. Ceci ne surprendra nullement ceux qui savent quels traitements barbares endurent les victimes de l’esclavagisme. Or, c’est de cet élément que se composait principalement le premier noyau de notre colonie, et ces malheureux exténués jusqu’à l’épuisement offrirent une proie facile à diverses épidémies qui éclatèrent coup sur coup » 2 .

Séduit par les réalisations de Cambier, le supérieur général décide de demeurer sur place plus longtemps qu’il ne l’avait prévu : « Ma dernière lettre (10 février 1893), vous annonçait mon retour en septembre prochain. Mais la providence a ménagé les choses de telle façon que je ne puis encore prévoir à quelle époque précise je pourrai reprendre le chemin de l’Europe. Les succès obtenus à Luluabourg par l’incomparable Père Cambier – malgré ses travaux gigantesques, il jouit d’une santé si merveilleuse que ses habits deviennent trop étroits – et les dispositions de plusieurs chefs indigènes, me mettent en absolue nécessité de rester encore durant quelques mois, afin de procéder personnellement à l’érection de trois nouvelles résidences, à l’installation de quatre nouveaux missionnaires et de cinq religieuses » 1 . Van Aertselaer et son compagnon De Deken ne quitteront finalement Mikalay qu’en février 1894 après l’installation des Sœurs venues de Moanda.

Notes
1.

Van AERTSELAER, J., “Lettre” in MCC, 1893 ; DIEU, Dans la brousse congolaise…, op.cit, p. 90-97 ; SCHEITLER, M., L’histoire de l’église catholique au Kasayi, Kananga, 1991, p. 24.

2.

DIEU, op.cit., p. 93.

1.

DIEU, op.cit., p. 95.