3. 2. 6. Les premières religieuses du Kasaï de passage chez les Ding orientaux (1893)

Rappelons que les premières religieuses arrivées au Congo à la suite des Pères de Scheut, sont les Sœurs de Charité de Gand. La première caravane s’installe à Moanda en 1891. Ces Sœurs devaient s’occuper, à la colonie scolaire des Scheutistes, de la section des filles fondée en 1892. Dès sa fondation, cette section des filles est considérée comme une institution officielle appelée à former des épouses pour les garçons de Boma. Cette section est momentanément supprimée en 1895, sur, croit-on savoir, injonction de Rome, où on serait allé raconter, probablement Mgr Augouard, que les filles y étaient éduquées pour servir de concubines aux Blancs 1 . Elle est réouverte en 1897 dans le seul but de fournir des épouses aux candidats sortant de la colonie de Boma. Les filles viennent de tous les coins du Congo et même du Kasaï 2 .

À partir de leur base arrière de Moanda, les Sœurs de la charité de Gand essaiment à l’intérieur du pays. Elles s’établissent à Berghe-Sainte-Marie à la fin de l’année 1894, pour aider les Pères à combattre la maladie du sommeil. Nous savons que ce combat a été laborieux : la terrible épidémie a dévasté la mission et emporté une Sœur.

En ce qui concerne le Kasaï, c'est le Père De Deken qui y conduira, comme indiqué plus haut, les cinq premières religieuses : Mère Amalia, Sœurs Albania, Humiliana, Hygina et Godelieve. Sœur Godelieve nous laisse quelques témoignages laconiques sur le pays des Ding orientaux que le Stanley a abordé entre le 21 et le 23 décembre 1893. Elle indique que mère Amalia tombe malade à Mangaï et elle insiste sur ce qui s’est passé à Nzonzadi :

‘Le 22 (décembre 1893), nous atterrissons à Nzonzadi, où le célèbre M. Cadenas dirige une factorerie de la S.A.B. Nos deux petites femmes originaires de Loulouabourg ont ici des connaissances ; en conséquence, elles se parent du beau pagne rouge qu’elles ont acheté dans le Bas-Congo, se chargent de colliers de perles, et, pour faire parade de leur richesse, tiennent chacune un petit chien sous le bras ; puis, dans ce splendide apparat, elles vont s’exhiber à la station, et conter les merveilles qu’elles ont vues à Kinkanda, Matadi, Leo, etc. Il eût fallu les entendre ! L’amplification, les fleurs oratoires, l’art de se faire valoir : tout leur est aussi familier qu’à n’importe quel avocat 3  !’

Sœur Godelieve constate que « Le malafou produit dans ces parages se vend à si bon compte ». Le capitaine « en achète une large provision, pour remplacer avec avantage durant quelques jours le thé de bord, boisson très hygiénique dans les pays chauds, mais qui a le tort de ressembler un peu trop à la tisane de chiendent » 4 .

Les cinq religieuses arrivent à Luluabourg le 20 janvier 1894. Cambier aménage aussitôt un hôpital de fortune dont il confie la direction à Sœur Albania. À la date du 13 mai, la Sœur compte déjà, dans son modeste établissement, une centaine de malades 1 . À cause de leur dévouement pour les malades du sommeil, les Sœurs étaient citées en exemple dans tout le Kasaï. La C.K. projettera même l'installation d'une communauté des religieuses à Pangu 2 .

Notes
1.

MARCHAL, J., L’État libre du Congo…, p. 180.

2.

MARCHAL indique : « En novembre 1898 le père Decleene de Boma écrivit au père Jules Jadoul, le supérieur de Moanda, qu’il devait se tenir près pour recevoir 250 filles expédiées du Lac Léopold II. Début 1899 Decleene insista auprès du gouverneur général Fuchspour recevoir plus de filles pour servir ses garçons de Boma. Fuchs répondit le 7 février 1899 qu’il avait rappelé à certains commissaires de district l’envoi de filles à Moanda. Le successeur de Jadoul à Moanda, Bernard Dierkes, écrivit en avril 1899 qu’il attendait 70 jeunes filles du Kasaï », p. 180.

3.

GODELIEVE, M., « Relation de voyage » in MCC, 1994, 430.

4.

Idem.

1.

DIEU, L., Dans la brousse…, p. 116.

2.

Lettre de CHALTIN à Cambier, Dima, le 28 février 1908, ARCCIM, P.II.b.2.2.5.