2. 3. La C.K en territoire des Ding orientaux : récolte de l’ivoire et du caoutchouc

Dès ses premières années, la C.K. s’efforce d’occuper systématiquement son champ d’action. Ce champ est subdivisé en secteurs placés sous la surveillance d’un chef relevant de la Direction d’Afrique. Chaque chef de secteur commande à un certain nombre de gérances ou factoreries d’échange et de transit. Le gérant travaille avec un adjoint. Les factoreries ont ordre d’opérer des jonctions entre-elles de façon à se ravitailler, à s’entendre, et à créer progressivement un réseau d’occupation. D’après une carte de 1906, l’ensemble du territoire de la CK est divisé en 15 secteurs. La région comprise entre la Kamtsha et la Laonge, dont le pays des Ding Orientaux, est présentée comme le secteur numéro 1. Le sud de cette région à partir du 5e parallèle se trouve dans le secteur numéro 13.

Le territoire de Ding orientaux reste l’une des plus actives: « Le travail dans les régions situées entre le 19° et 20° de longitude Est (bassin de la Lié et de la Lubué) jusqu’au 7° parallèle environ a été des plus actif et des plus fécond en résultats. Cette région est entièrement occupée » 1 . Le succès de cette région est dû à l’abondance d’éléphants surtout dans la vallée de la Lubwe et à la récolte simultanée du caoutchouc de la forêt et de la brousse (caoutchouc des herbes ou landolphia thollonii).

Pour bien se rendre compte de l’intensité des activités de la C.K. dans cette contrée, il suffit d’observer attentivement la carte de 1906 publiée en annexe de la « Question congolaise ». Cette carte a été établie exclusivement par les indications recueillies par les agents de la Compagnie ; leurs itinéraires portent leurs noms. Nous voyons par exemple que la Lubwe a été remontée par Morano et Scheerlinck en 1902. En 1903, Gérard est parti de Dumba sur la Lubwe pour rejoindre Bienge sur la Loange.

La multiplication des transactions commerciales autour de l’ivoire et du caoutchouc ont engendré d’autres formes d’activités économiques.

Les autorités de la C.K. signalent d’abord un développement de la vannerie. Dans le bassin du Kasaï, selon les données de 1906 « tout un petit monde de vanniers fabrique annuellement pour la Compagnie plus de 50.000 paniers nécessaires à l’emballage des produits » 2 . La C.K. Continue de recourir à l'emballage en sac uniquement dans les régions n'ayant pas de cody 3 (calamus rotang).

Vanniers de la C.K.
Vanniers de la C.K.

(source, Question Congolaise …)

Il convient de noter ici que l’industrie de la vannerie n’est pas une création de la C.K. Elle a toujours existé dans cette région et la C.K. n’a fourni qu’un nouveau débouché. Les vanniers de la C.K. habitent la factorerie. Parmi les premiers travailleurs de Lubwe, Nzonzadi, Pangu ou Dumba se trouvaient naturellement ces fabricants des paniers (musan ou musanda), la région étant riche en « calamus rotang ».

Ensuite il faut transporter les produits. Cette opération s’effectue en plusieurs étapes : en premier lieu de l’endroit où est récolté le latex ou l’ivoire jusqu’au poste ou à la factorerie. À la factorerie les produits sont emballés et convoyés par des porteurs ( à dos d’hommes ou à tête d’hommes) ou par des piroguiers jusqu’au port sur le Kasaï. Dans la zone qui nous concerne, c’est Lubwe qui devient le principal port d’embarquement des produits vers Dima. À Dima, les produits sont pesés, rangés et définitivement emballés pour le marché d’Anvers. Ils descendent en steamers jusqu’à Kinshasa ou Léopoldville. De Léopoldville à Matadi, le trajet se fait par la voie ferrée. Les bateaux de mer les chargent à Matadi pour le marché européen. Les steamers du Kasaï fonctionnent avec les bois de chauffage, d’où un échelonnement de postes de bois le long des voies navigables.

Nous avons déjà indiqué que la coupe de bois, bien que harassante, est devenue une tâche indispensable à la prospérité de l’économie du caoutchouc.

Toutes les opérations commerciales autour de l’ivoire et du caoutchouc (achat, emballage, transport, etc.) exigent un nombre important d’agents européens et de travailleurs noirs.

La Compagnie du Kasaï va recruter sa main d’œuvre un peu partout au Congo et dans le bassin du Kasaï. D’où un certain brassage de population dans le territoire de Ding orientaux. Jusqu’à l’arrivée de Jésuites à partir de 1921, les « Baluba » sont resté la « minorité étrangère » la plus active dans cette zone et leur langue, le ciluba, s’est imposée comme langue vernaculaire.

Notes
1.

ANONYME, Question congolaise…, p.32.

2.

Idem, p. 88.

3.

C'est un roseau servant à la fabrication des paniers.