6. 3. Fritz van Der Linden, le voyageur

C’est dans un livre intitulé Le Congo. Les Noirs et Nous 5 que Fritz van Der Linden relate les péripéties de ses voyages au Congo et au Kasaï. Le voyage qu’il effectue au Kasaï, l’emmène de Léopoldville à Lusambo. Il s’embarque à bord de l’Archiduchesse Stéphanie. La flottille va d’abord jusqu’au lac Léopold II, puis elle fait escale à Bandundu et à Dima. Il décrit Dima, siège de la C.K. :

‘Arrivé le soir à Dima, reparti le lendemain, au petit jour, je n’ai pu que visiter très sommairement le siège administratif de la puissante « Compagnie du Kasaï ». Le directeur de la C.K. était absent ; j’espère le rencontrer sur la grande rivière en remontant vers Lusambo. ’ ‘En quelques heures, j’ai pu cependant me rendre compte de la somme considérable de travail qui a été nécessaire pour créer ici un centre aussi actif et aussi coquet. J’ai vu les jolis chalets qui servent d’habitation aux blancs. Je me suis émerveillé devant les chefs-d’œuvre de bon goût et d’ingéniosité réalisés dans la décoration et l’ameublement de la maison du directeur : des peaux d’animaux sauvages, des nattes indigènes, des fétiches et des sculptures exécutés par les noirs de la région ornent les murs et leur donnent une physionomie très originale. Dima est une ville en miniature, où l’on a prodigué les plantes ornementales et les fleurs. […] Près du quai, le village des travailleurs, les magasins, les ateliers, la forge1. ’

Après Dima, Van Der Linden arrive à Eolo qui, dit-il, « n’a rien d’attrayant. Les moustiques y pullulent ».

Il s’entretient avec le chef de poste :

‘- Comment parvenez-vous à amener l’indigène à vous vendre du caoutchouc ? ai-je demandé au chef de poste.’ ‘- C’est simple, m’a-t-il répondu : nous envoyons dans les villages des colporteurs noirs, des gens de confiance à qui nous remettons tout un choix d’article de fabrication européenne. Ils connaissent la valeur de ces marchandises et la quantité de caoutchouc qu’ils doivent recevoir avant de s’en dessaisir. Ils savent apprécier la qualité du caoutchouc et fixe un prix qui varie de 1 fr. 25 à 1 fr. 45 par kilo2.’

L’Archiduchesse Stéphanie continue sa montée du Kasaï. Van der Linden fait remarquer qu’entre Eolo et Mangaï les deux rives du Kasaï sont désertes. Van der Linden arrive à Mangaï. Il note :

‘Le poste de Mangue, où la S. A. B. a créé un centre de culture caoutchoutière, est dirigé par un homme qui a une longue expérience des choses coloniales. M. Féry avait déjà séjourné dans les Indes, en Cochinchine française et à Batavia, avant de venir au Congo, où il est depuis neuf années avec sa femme. M. Féry n’a pas moins de 250 travailleurs sous ses ordres et jamais, me dit-il,aucune difficulté grave ne surgit entre eux et lui. L’an dernier, pourtant, pendant son absence, les noirs de Mangue se révoltèrent et furent sur le point de massacrer deux agents de la S. A. B. Ce ne sont donc pas des anges, mais M. Féry a su leur inspirer confiance3.’

Féry s’occupe des cultures industrielles à Mangaï. Il y a planté des cotonniers et des arbres à caoutchouc. Ayant abandonné le coton, il s’est attaché à développer les plantations d’irehs. D’après les déclarations de Féry un travailleur indigène touche « de 6 à 12 francs par mois, plus une ration de 500 grammes de sel tous les huit jours. Chaque semaine, le samedi, ils ont une demi-journée de liberté qu’ils emploient à entretenir leurs plantations vivrières ».

Le Blanc de Mangaï signale aussi que ses travailleurs ne sont pas des gens de la région, mais quils viennent de Luebo.

Après Mangaï Van der Linden passe à Lubwe, poste de « la Compagnie du Kasaï, où sont employés 150 travailleurs » et à « Basongo, poste d’état, très isolé sur une coline couronnée de palmiers ». Le personnel noir de Basongo est composé de 21 soldats et de 7 travailleurs. Le bateau au bord duquel se trouve Van Der Linden s’engage dans le Sankuru jusqu’à Lusambo. Au retour, il s’arrête pendant quelques jours à Lubwe. Van Der Linden a le temps de rencontrer M. Dujardin, gérant de la Compagnie du Kasaï et « un vieil Africain, M. Drion, directeur de la société anonyme des produits végétaux » 1 .

Avec Drion, Van Der Linden parle de la récolte du caoutchouc de liane et aussi des Kuba dont la capitale est, pour l’instant, occupé par les soldats de l’État.

Après Lubwe, le bateau arrive à Eolo où Van Der Linden rencontre « la mission Slosse, chargée des études du chemin de fer Kwamouth au Katanga » 2 .

Van Der Linden reste plusieurs jours à Dima où il a l’occasion de rencontrer Chaltin, le directeur de la C.K.

On aura noté, pour cette époque, la faiblesse des enquêtes ethnographiques (anthropologiques), signe que les préoccupations économiques avaient de l’ascendance sur la connaissance des populations autochtones. Mis à part les données transcrites par les missionnaires de Pangu, notamment le Père Janssens 3 , les informations concernant les Ding orientaux sont rares pour la période allant de 1901 à 1914. L’anthropologue allemand, Léo Frobenius avait plutôt visité les Ding de l’ouest, ceux du bassin de la Kamtsha. L’agent de la C.K., Paul Grenade, s’est borné à parler de la région de Dumba-Mulasa, dans le bassin de la Lubwe. Ses lettres ne contiennent que quelques allusions laconiques aux Ding orientaux. Le voyageur, Fritz Van Der Linden, se limite à décrire la situation dans les factoreries où les Blancs sont installés.

Notes
5.

Van Der Linden, F., Le Congo. Les Noirs et Nous, Challamel, Paris, 1910.

1.

Idem, p.145-146.

2.

Van Der Linden, F., Le Congo... , p. 146.

3.

Van Der Linden, F., Le Congo... , p. 157.

1.

VAN DER LINDEN, op.cit., p. 232.

2.

Idem, p. 235.

3.

Cfr. Infra.