2. 3. PREMIERS CONTACTS AVEC UN ENTOURAGE « ASSEZ REVÊCHE » ET VISITE DE QUELQUES COMMUNAUTÉS

C’est encore René Baerts qui, confronté à la dure réalité du terrain, indique que la rencontre avec les autochtones n’a pas toujours été attrayante : «  On se représente trop aisément le missionnaire accueilli à bras ouverts par un peuple enthousiaste, avide de l’entendre et désireux de recevoir ses enseignements. Mais la réalité ne correspond pas toujours, ni même pas souvent à cette attrayante perspective » 1 .

Au début à Pangu, les missionnaires ont du mal à se faire accepter par leur entourage immédiat. Janssens écrit : « Des villages des environs nous apportent seulement des rares vivres et se montrent assez défiants sauf quelques rares hommes et femmes qui viennent nous vendre du poisson, du manioc, des bananes, etc. » 2 . Baerts dit, quant à lui, que « notre entourage immédiat se montre assez revêche à nos exhortations » 3 . C’est peut-être en raison de ces réticences que les missionnaires vont rapidement visiter ces villages des environs immédiats.

Au mois de mars 1909 un des missionnaires 4 fait un voyage de reconnaissance dans quelques villages situés près de la Loange. Deux des villages visités sont des villages Bashilele dont le territoire est à proprement parlé situé sur l’autre rive. Ces deux villages ont pour nom Matamana a mpata et Matamana a ditu 5 .

Mission de Pangu Saint Pierre Claver 1910
Mission de Pangu Saint Pierre Claver 1910

(source : René Baerts, in MCC, 1910)

Au mois de mai 1909, Isidore Bracke fait une tournée dans la même contrée et les mêmes villages. Il y baptise plusieurs mourants qui décèderont peu de temps après 1 . Mais avant, le 29 mars 1909, Grombé est allé en retraite à Luluabourg. Pour des raisons de santé, il y est resté définitivement et n'a pu retourner à Pangu. Il y est remplacé par René Baerts qui débarque à la mission le 27 avril 1909. La venue de ce missionnaire insuffle un nouveau dynamisme à l’activité des Scheutistes de Pangu. Dès les mois de juin et de juillet, Baerts effectue une première fois la descente du Kasaï. Il s’arrête d’abord à Lubwe où les missionnaires comptent « déjà vingt-deux ménages chrétiens, dix-huit chrétiens non mariés et 159 catéchumènes » 2 et à une lieue de là, un catéchiste a gagné aux missionnaires « une bonne trentaine d’adeptes » 3 . Ensuite, passant à Mangaï, le Scheutiste fait « plusieurs baptêmes parmi les travailleurs de ce poste de la S.A.B » 4 . Enfin, il arrive à Dima où il visite « les chrétiens qui y sont une centaine parmi les travailleurs » 5 . Il administre les sacrements et voit les catéchumènes qui sont au nombre de cent vingt environ. Le missionnaire fera encore ce même voyage au mois d’août et de décembre.

En janvier et en février 1910, les missionnaires sont tous à Pangu. Ils commencent de nouveaux voyages apostoliques au mois de mars. Au cours de ce mois, Baerts fait un tour dans « les villages Badinga dans les environs à deux trois heures de la mission » 6 . Il y baptise quelques hommes en danger de mort, qui sont morts aussi peu après. Ce voyage a pris trois jours. Plus tard au mois d’octobre, il effectue un autre voyage de 5 jours dans « des villages Badinga et Bashilele » 7 . Il est partout amicalement reçu.

En juillet et août, Baerts se rend encore à Dima voir les chrétiens et baptiser quelques catéchumènes. Il y retournera au mois d’octobre. À son retour à Pangu, au mois d’août, il ramène, d’un poste de bois sur la rive droite du Kasaï, deux enfants qui ont demandé d’accompagner le Scheutiste à la mission « avec la ferme volonté de s’instruire dans la Religion et d’apprendre à lire et à écrire » 1 . Il ramène encore quatre autres enfants de la même contrée quand il y reviendra le 1er novembre 1910.

Le Père Timermans arrive à Pangu le 26 août 1910 pour remplacer momentanément Janssens qui part en retraite à Luluabourg. Timermans reste jusqu’au mois de novembre et il monte à Luluabourg avec le frère Armand Gelen qui est arrivé le 13 septembre de l’Europe. Tous deux vont à la retraite.

Pendant cette première période de la présence missionnaire à Pangu, les visites apostoliques sont ponctuelles. Elles consistent en une prise de contact avec les villages Ding et Lele des environs immédiats de la mission. Elles concernent aussi les communautés chrétiennes déjà constituées dans « certains postes secondaires, plantations et comptoirs » 2 comme Lubwe, Mangaï et Dima. On peut s’interroger sur l’origine de ces communautés chrétiennes constituées avant même l’arrivée des missionnaires. Baerts explique le phénomène :

‘J’ai eu moi-même la satisfaction de constater la justesse d’une remarque que j’ai maintes fois entendue des lèvres de mes aînés dans l’apostolat. Combien de fois n’arrive-t-il pas que le missionnaire, arrivant dans un village qui n’a jamais vu de prêtre, y découvre cependant des catéchumènes ? D’où vient cela ? C’est simple, et nous devons admirer ici l’économie de la divine providence, qui s’y entend bien autrement que nous autres pour amener les âmes à la vraie foi. Ces noirs ont été instruits, les uns par un soldat, qui, son terme de service accompli, a regagné ses pénates pour venir y planter ses choux ou son manioc, les autres par un travailleur de l’État ou des Compagnies, qui, son engagement achevé, est revenu au pays. Ces heureux rentrants avaient suivi les instructions, peut-être même avaient été baptisés à Boma, à Léo ou ailleurs, et de retour dans leurs hameaux, ils ont annoncé la Bonne Nouvelle : de simples chrétiens ou même catéchumènes, ils sont devenus missionnaires et apôtres 3  !’

Cette remarque nous donne à réfléchir sur la chronologie de la venue du christianisme au pays de Ding Orientaux. Il est faux de faire coïncider les débuts de la religion chrétienne dans cette région avec l’arrivée des premiers missionnaires à Pangu, en 1908. Le phénomène se serait produit bien antérieurement. Il est fort probable qu’il y ait eu, dans les années 1893 et 1894, lorsque les premières factoreries s’étaient établies dans la région et que l’État avait ouvert son poste à Lubwe, quelques chrétiens ou catéchumènes parmi les soldats et les « linguisters » 4 venus avec les Blancs. Les « va et viens » de steamers sur le Kasaï et les continuels mouvements des populations devaient aussi emmener dans les postes de bois et les factoreries, un nombre, certes limité, d’adeptes de la nouvelle religion. Il serait intéressant d’analyser, dans une étude postérieure, ce mode d’expansion du christianisme en épinglant ses protagonistes et en indiquant ses rapprochements avec les modes de diffusion des religions traditionnelles.

Baerts signale une difficulté propre à ces communautés vivant dans les factoreries : « L’inconvénient de certains postes secondaires, plantations, comptoirs, est que la population est flottante et que son séjour temporaire dans un catéchuménat n’est pas suffisant pour que la foi prenne des racines profondes » 1 La multiplication, les années suivantes, des visites pastorales dans ces communautés approfondira peu à peu leur foi.

Notes
1.

BAERTS, op.cit., 212.

2.

JANSSENS, La mission de Mpangu « St Pierre Claver », op.cit.

3.

BAERTS, op. cit., p.216.

4.

Le texte du Père Janssens ne précise pas le nom de ce missionnaire.

5.

JANSSENS, op.cit.

1.

JANSSENS, op.cit.

2.

BAERTS, « Lettre à un confrère… », op.cit., p. 213.

3.

Idem

4.

JANSSENS, op.cit.

5.

Idem.

6.

Ibidem.

7.

JANSSENS, op.cit.

1.

JANSSENS, op.cit.

2.

BAERTS, op.cit., p. 217.

3.

BAERTS, op.cit., p. 217.

4.

Négociant au service d’une factorerie.

1.

BAERTS, op.cit., p. 217.