3. 3. TROISIÈME PÉRIODE (1917-1919)

On se rappellera que pour des raisons de santé, De Boeck est finalement contraint de rentrer en Europe ; il arrive à Londres le 25 août 1916 et il y restera jusqu’à la fin de la guerre.

Au début de 1917, la Préfecture compte 16 postes de mission (dont Pangu) regroupant environ 60.000 chrétiens et plus de 100.000 catéchumènes. Vu les progrès réalisés par les Scheutistes dans cette partie du Congo et en dépit de la guerre, le Saint-Siège élève la Préfecture du Haut-Kasaï au rang de vicariat Apostolique le 13 juin 1917, mais la nomination du premier titulaire n’aura lieu que le 24 août de l’année suivante.

La reconstitution détaillée de l’histoire de Pangu, en 1917, est rendue difficile par l’irrégularité de la documentation. Le Journal de la mission qui jusque-là nous a servi de « fil d’Ariane », n’est plus correctement tenu. Il change de langue entre novembre 1916 et décembre 1917 : du français, il passe au néerlandais (flamand). Le rédacteur ne détaille plus les événements, il note simplement les dates et les noms des bateaux qui arrivent et repartent du port de Pangu mission. À partir de janvier 1918, le journal est de nouveau écrit en français mais dans un style haché et laconique. Il ne reprend son écriture normale qu’au cours de l’année 1919.

Au début de l’année 1918, deux scheutistes se trouvent à Pangu : Van Aelst, supérieur de la mission et Sterpin. Van Aest réduit son activité surtout aux villages des environs de la mission. Les villages les plus éloignés sont laissés aux soins des catéchistes qui recrutent les candidats pour la mission. Sterpin reprend son apostolat le long du fleuve en s’appuyant sur son école-chapelle de Mangaï. Cette école a été, un moment, menacée de fermeture et monsieur Lundgreen, agent de la société suédoise s’était proposé de racheter l’unique bâtiment qui restait 1 . C’est pour parer à ces velléités d’opposition à l’évangélisation que Sterpin décide en juin 1918 de descendre en baleinière pour placer les catéchistes tout le long du Kasaï. Il a pu ainsi redynamiser l’activité missionnaire autour de Mangaï.

Le 24 août 1918, Auguste De Clerq est nommé Vicaire Apostolique. Ordonné prêtre le 26 juillet 1893, il s’embarque peu après pour le Congo. Il est envoyé au Kasaï et s’applique à l’étude de la langue, des us et coutumes des habitants. Il travaille quelque temps à Hemptinne, en compagnie du Père Seghers ; trois mois plus tard, alors qu’il n’a que 26 ans, il est nommé Provincial, fonction qu’il exerce durant deux termes ( 1896-1906).

De Clerq est rappelé en Belgique, où toute une série de hautes charges lui sont successivement confiées : Assistant du Supérieur Général, membre du Conseil colonial et professeur des « langues congolaises » à l’Université de Louvain.

Pendant les 12 ans qu’il passe en Belgique, il s’adonne non seulement à la formation des futurs missionnaires en qualité de recteur à Scheut et à Louvain, mais il collabore aussi aux deux périodiques La Revue Congolaise et Onze Kongo, fondés en 1910 puis supprimés en 1914 en raison de la guerre 2 .

Le nouveau vicaire apostolique est sacré évêque à Scheut, le 12 janvier 1919 par le Cardinal Désiré Joseph Mercier. Le 30 mai, il s’embarque pour le Kasaï où, depuis son départ, le nombre de missions a doublé tandis que celui des chrétiens est passé de 3.000 à 60.000.

Entre-temps en novembre 1918, Sterpin est nommé supérieur de Pangu en remplacement de Aelst envoyé à Luebo. Laemont, venant de Luiza, arrive à Pangu, le 16 décembre, pour seconder Sterpin.

Ce mois de décembre 1918 commence sous de mauvais auspices : une épidémie de grippe frappe la région. Le Journal de la Mission note qu’au premier décembre on comptait déjà 8 morts. À cause de la progression de cette maladie, les missionnaires décident de renvoyer chez eux tous « les Bangoli, Badinga et Bambunda bien portants » 3 .

En janvier 1919, la grippe continue à sévir dans la région, surtout à Basongo. Elle fera de nombreuses victimes dans le Kasaï jusqu’au mois de mars.

À Pangu, en dépit de l’épidémie, les deux missionnaires se mettent à la tâche. Laemont effectue sa première sortie pastorale, le 9 janvier. Il se rend à Lubwe et à Mangaï.

Le 11 février, Sterpin et Verhult ( en séjour à Pangu) font un tour chez les « Bandjari et les Badinga ». Le 24 et le 25 mars les Pères font de nombreux baptêmes à la messe du matin. Le 26, un mot du Préfet apostolique convoque Laemont à Lusambo pour le dimanche de Rameaux. Celui-ci s’y rend le 31. Ce même jour Sterpin va à Buko ( Binko ?) pour participer à une palabre. Le 22 mai, c’est la fête : les nouveaux baptisés reçoivent la communion. Dans l’après-midi Laemont part pour la région de « Bambunda ». Le 31 juillet, les Pères baptisent les catéchumènes et le lendemain, 1er août, à la messe de 6 heures du matin, les nouveaux baptisés reçoivent la première communion. Le 12 août, on organise la cérémonie d’imposition du chapelet et du scapulaire aux jeunes chrétiens ; plusieurs d’entre eux partent avec les catéchistes.

Le journal de la mission signale d’autres faits. Le 23 mars, un début d’incendie se déclare chez les boys ; il est vite maîtrisé grâce à Laemont. Le 6 avril, le chef de Buko vient pour la première fois à la mission. Le 3 juin, pour la première fois un « chef Bankutu du village Indole » fait une visite à Pangu. Le 4, Laemont revient de son voyage à Idiofa. Suite à ses contacts, une caravane de Bambunda vient, le 20, apporter « 1400 mbala ».

Le 3 août, Sterpin se rend à Lubwe en baleinière acheter quelques articles pour les gens de la mission. Le 28, on emmène à Pangu l’assassin du catéchiste de Ngulungu.

Le 1er septembre, les gens de Kabombo viennent se plaindre de ce qu’ils sont maltraités et arrêtés sans ordre par un messager de Basongo. Le Père Supérieur les envoie se plaindre à Basongo.

Le 3, les Pères renvoient trois malades en hamac à Idiofa ; ils font aussi conduire, à Idiofa, l’assassin de leur catéchiste de Ngulungu.

L’événement le plus important de l’année reste, pour l’ensemble du nouveau vicariat, l’arrivée d’Auguste De Clerq comme premier Vicaire Apostolique du Kasaï. Pour Pangu, le nouveau Vicaire sera celui qui prendra la décision de sa cession aux Jésuites de Kwango. Cette décision est annoncée aux Pères le dimanche 7 septembre 1919. Dès lors la mission vit les frémissements de ses derniers jours.

Le 9 septembre, un incendie est signalé chez les « Bakamba et à la chevrerie ». Le 16, cérémonie de confirmation et les Pères décrètent un congé à cette occasion. Vingt retardataires environ sont confirmés le jour suivant.

Le 9 octobre Sterpin se rend à Mangaï en baleinière accompagné de Huysman, l’administrateur d’Idiofa. Il partira à nouveau le 5 novembre pour revenir le 13. Avec l’autorisation de ses supérieurs, il confirme quelques chrétiens le dimanche 16 novembre.

Le 4 décembre monsieur Van der Caneyer vient de Lubwe pour récupérer quelques biens que les missionnaires doivent abandonner. Le 5, Laemont va rendre visite à Van der Caneyer et conduit en même temps à Lubwe, quatre Bambunda malades.

Le samedi, 6 décembre, le « Délivrance » arrive pour prendre les missionnaires de Pangu. On charge le bateau. Huysmans, Van der Caneyer et Lundgreen viennent à la mission pour un adieu aux partants. La fête dure jusqu’au dimanche 7.

Le lundi 8 décembre, les Pères célèbrent la Messe à 4h½. Certains travailleurs partent en baleinière. Les Pères finissent de charger, puis vers 8h½ , ils partent et « la Mission de Saint Pierre Claver à Pangu a vécu » 1 .

Notes
1.

Voir Lettre de Van AESLT à Lundgreen, le 5 février 1918, ARCCIM, P. II. b. 4.

2.

De CLERCQ est un excellent linguiste. En 1897, trois ans après son arrivée à Luluabourg, il publie une grammaire de la langue des Bena- Lulua ; celle-ci est suivie d’éléments de la langue Kanioka (1900) et d’une Grammaire de la langue Luba (1903), complétée par un Dictionnaire Luba-Français, Français-Luba, Bruxelles, 1914, 583 p., réédité à Léopoldville en 1836-1937.

3.

JMP, le 1er décembre 1918.

1.

JMP, 8 décembre 1919.