4. 3. LES ÉTAPES DE LA SUPPRESSION

Les tractations qui conduiront à l’abandon de Pangu et de toute la région occupée par les Scheutistes à l’ouest de la Loange commencent, comme nous l’avons déjà indiqué, à partir de 1913 lorsque le Jésuite Vermeesch s’entretient au Kasaï avec Handekyne, provincial des Scheutistes. En 1914, le Père De Boeck, Pro-Préfet apostolique du Kasaï, échange plusieurs correspondances avec Mgr De Vos, Préfet du Kwango 3 . Dans ses lettres, il est question de la cession par les Scheutistes de la partie de leur préfecture à l’ouest de la Loange. Un projet de cette cession est élaboré. En 1915, la question est mise en veilleuse. Nous ne trouvons aucune lettre échangée entre les deux parties. Nous savons qu’en août 1914, les troupes allemandes envahissent la Belgique. Le 19 août, la veille de l’entrée des Allemands à Bruxelles, le Supérieur Général Florent Mortier quitte la maison mère de Scheut pour l’Angleterre ; Londres deviendra ainsi le quartier général des Scheutistes durant toute la durée de la guerre. Ce déménagement justifie peut-être le silence de 1915. Les Scheutistes reprennent leurs contacts avec les Jésuites, en 1916.

Mortier écrit au procureur de Jésuites en date du 25 mars 1916 : « J’ai donné des instructions au R. P. Missone, notre Procureur à Rome. Le jour où la Préfecture du Kwango en fera la demande à la Sacrée Congrégation de la Propagande, nous sommes disposés à céder tout ce qui est situé du côté gauche de la rivière Loange (actuellement dans la Préfecture du Kasaï)… » 1

Cette demande sera faite le 13 juin 1916, lorsque, de Kisantu, le Préfet apostolique du Kwango, Mgr De Vos, écrit au Cardinal Préfet de la Propagande :

‘Éminence,’ ‘Le Révérendissime Père De Boeck, Pro-Préfet apostolique du Kasaï (Congo belge), d’accord avec le T.R.P. Mortier, Supérieur général de la Congrégation de Scheut lez Bruxelles, actuellement à Londres, m’a proposé de céder à la Préfecture du Kwango tout le territoire compris entre la rive gauche du Kasaï jusqu’à son confluent avec la Loange qui deviendrait ainsi la limite de 2 Préfectures. Le motif de cette proposition est, je pense, la pénurie de missionnaires dans la Préfecture du Kasaï. J’ai répondu aux R.R. P.P. de Scheut qu’en principe je n’étais pas opposé à cet agrandissement de territoire, mais que c’était évidemment à son Éminence le Cardinal Préfet de la Propagande de décider cette affaire. Je m’adresse donc à vous, Éminence, afin que vous vouliez bien trancher cette question pour le plus grand bien des âmes2.’

En juin 1917, la Préfecture du Haut-Kasaï est, comme déjà indiqué, élevée au rang de Vicariat. De Boeck expédie les affaires courantes en attendant la nomination du nouveau Vicaire. La question de la cession de l’ouest de la Loange n’est pas parmi les dossiers urgents. Elle revient sur la sellette en 1918, lorsque le Secrétaire de la Propagande écrit au procureur des Jésuites pour lui demander de plus amples renseignements, non pas sur la « cession » par les Scheutistes d’une partie de leur territoire, mais sur « l’échange » des territoires entre les deux congrégations. Cette lettre jette la confusion chez les Jésuites. Mgr De Vos est appelé à expliquer les termes exacts des engagements qu’il a pris avec De Boeck. Le Préfet du Kwango se justifie brillamment en montrant que dans toute la correspondance échangée jusque-là, il n’a nulle part été question d’échange. Les Scheutistes qui sont à l’origine de la démarche ont voulu simplement céder l’ouest de la Loange parce qu’ils manquaient de personnel et d'argent pour entamer l’évangélisation des Pende, menacés par « l’hérésie protestante ».

Après son sacre en Belgique en janvier 1919, Mgr De Clerq s’embarque pour le Kasaï le 30 mai. Parmi les dossiers qu’il trouve sur son bureau, celui de la mission Pangu dont la partie méridionale (région habitée par les Pende) serait menacée par l’avance des protestants. Avant de se mettre en route pour le Congo, il est déjà sensibilisé par la question du « progrès de la propagande protestante ». Il reçoit, en Belgique, une lettre de Misonne, procureur des Scheutistes à Rome. Cette missive indique les deux points que les instances romaines aimeraient voir examinés en priorité à la prochaine réunion des Supérieurs à Kisantu. Le premier de ces points concerne « les progrès de la propagande protestante et les moyens plus aptes à les enrayer » 1 .

Auguste De Clerq
Auguste De Clerq

(source : ARCCIM, Rome)

La réunion de Kisantu a lieu au mois de juillet. De Clercq s’y rend et profite de l’occasion pour rencontrer De Vos. Ils tombent tous deux d’accord que la cession se fasse immédiatement sans attendre les décrets de Rome qui souvent tardent à venir. De Clerq retourne au Kasaï. Il s’arrête à Pangu le vendredi 15 août 1919. Peut-être est-ce à cette occasion que l’évêque annonce officieusement la suppression prochaine de la mission et sa reprise par les Jésuites.

La lettre officielle demandant au dernier supérieur, Jules Sterpin, de quitter Pangu est écrite le 31 août 1919 :

‘Mon cher Père Sterpin,
Je viens vous communiquer la décision qu’après (…) réflexion, je crois devoir prendre concernant la mission de Mpangu. Cette partie de notre territoire étant destinée à passer à une autre juridiction, et Mpangu ne constituant pas un point favorable pour l’établissement d’un centre d’évangélisation, j’estime qu’il n’y a pas lieu de nous y attarder davantage. Vous pouvez donc, dès réception de cette lettre, prendre des dispositions utiles pour l’évacuation de ce poste. A ma demande le T.R. Père Provincial veut bien se charger de vous donner des instructions concernant l’exécution de cette décision. Comme il reste des chrétiens à confirmer, je vous délègue les pouvoirs nécessaires pour administrer le sacrement de confirmation à tous ceux qui doivent le recevoir. Je vous prie de vouloir veiller à ce que la suppression de la mission ne laisse point croire aux chrétiens et aux catéchumènes que les missionnaires les abandonnent à jamais et qu’ils puissent quitter les pratiques de la vie chrétienne. Parmi eux, il y en a certainement qui peuvent facilement rejoindre la mission de Bokoro; s'il y en a qui désirent s'établir, ne fut ce que pour un temps, soit à Mushenge soit à Luluabourg, veuillez le leur accorder. Luebo, paraît-il, ne saurait en admettre. Si vous jugez utile de visiter encore une fois les chrétiens éparpillés le long du Kasaï, vous pouvez disposer de tout le temps nécessaire à cette visite, que d’ailleurs je vous exhorte à faire. Par votre rapport, je vois que vous avez appliqué à Mangaï une fondation de jeune chapelle, de la semaine Religieuse de Namur, faite en 1911. Cette fondation devra être transférée dans une autre partie du vicariat : je vous laisse le soin d’en disposer en faveur de l’endroit que vous choisirez vous-même dans la mission qui vous sera ultérieurement confiée. Ayez la bonté de m’informer de la date vers laquelle vous comptez avoir relevé le poste 1 . ’

D’après le Journal de la Mission, la lettre de « l’annonce officielle de la suppression de Pangu » arrive le dimanche 7 septembre 1919 avec le steamer le « Hemptinne » 2 .

Les derniers jours de Pangu jusqu’au départ des missionnaires, le lundi 8 décembre, ont été précédemment décrits. Les Scheutistes quittent Pangu en laissant 400 enfants à la mission et après avoir conféré 800 baptêmes.

Notes
3.

Cfr.supra.

1.

Lettre de MORTIER au Procureur des Jésuites, Londres, le 25 mars 1916, ARSI, 1002-I.

2.

Lettre de DE VOS au Cardinal Préfet de la Propagande, Kisantu, le 13 juin 1916, ARSI, 1002-I.

1.

Lettre de Misonne à De Clerq, Rome, le 10 mai 1919, ARCCIM, P.II.b.4.4.1.

1.

Lettre de De Clercq à Sterpin, le 30 août 1919, ARCCIM, P.II.b.4.4.1.

2.

Journal de la Mission de Pangu Saint Pierre Claver