2. 5. À LA RECHERCHE D’UN SITE

Il existe encore quelques zones d’ombre dans l’établissement d’une chronologie de la fondation du poste d’Ipamu. Les événements qui se sont déroulés entre le départ des derniers Scheutistes et l’installation des premiers Jésuites sur le site d’Ipamu mériteraient d’être correctement situés.

Les derniers Scheutistes – les Pères Sterpin et Laemont – quittent donc Pangu, le lundi 8 décembre 1919. Les Jésuites, appelés à prendre la relève, entament quelques visites ponctuelles dans la contrée au courant de l’année 1920.

D’après le Père Yvon Struyf, l’un des premiers Jésuites à s’être installé à Ipamu, c’est le Père Brielman, venant de Wombali, qui « se rendit le premier, à Lubwe, pour y voir les chrétiens pour leur procurer les sacrements » 1 . La date exacte de ce voyage n’est pas précisée. Struyf poursuit en disant que Brielman « fit une seconde tournée, en compagnie du Révérend Père De Vos et à Lubwe et à Mangaï. C'est alors qu'ils ont inscrit un grand nombre de chrétiens qui venaient avec leur carnet de baptême. Les registres de l'état religieux n'étaient à voir. C'est plusieurs années, après le départ des Pères de Scheut, que les registres sont arrivés à Ipamu. Ils se trouvaient dans le Haut-Kasaï » 2 .

Mubesala ne fait état que d’un seul voyage de Brielman qui aurait été à Pangu, Mangaï et Eolo du 14 octobre au 8 novembre ; c’est à la suite de ce voyage qu’il aurait rapporté que Pangu ne convenait pas comme poste central 3 .

Il semble bien, en recoupant toutes les informations en notre possession, qu’il y a eu deux visites en 1920. Celle du 14 octobre au 8 novembre a été la seconde et conduite par Mgr De Vos lui-même. Il écrit, le 6 février 1921, au Père Supérieur Général :

‘Je viens de rentrer à Kisantu, après une absence de 5 mois. […] Pour la première fois, j’ai visité les chrétiens du nouveau territoire qui nous a été cédé par le vicaire apostolique du Kasaï. Depuis plus d’un an, ces chrétiens n’avaient plus l’occasion de s’approcher des sacrements, les missionnaires de Scheut, résidant à Pangu sur le Kasaï, ayant abandonné cette station. Plus de 1200 chrétiens ont profité de notre passage pour s’approcher des sacrements. Nous avons conféré le Saint Baptême à une vingtaine de petits enfants nés de parents chrétiens. Le grand travail a consisté à reconstituer la liste des chrétiens dépendant de la mission de Pangu. Cette liste, nous avons pu la rétablir, grâce aux témoignages des sacrements reçus, remis à leurs chrétiens par les Pères missionnaires de Scheut. Comme presque toutes les constructions ont été détruites par le feu et que, du reste, l’emplacement de cette mission ne pouvait nous convenir, Pangu n’étant qu’à deux heures du confluent de la Loange et, nouvelle limite de la préfecture du Kwango, nous cherchons et tâcherons de trouver un emplacement qui convienne mieux pour une nouvelle station 4 . ’

La destruction de Pangu par le feu est attestée par toute la documentation disponible. Struyf commente l’événement en ces termes :

‘« Tous les bâtiments de leur unique poste de Pangu étaient en argile couverts en paille. La grande chapelle avait des colonnes en briques; la cuisine aussi était en briques.’ ‘À leur départ, un incendie détruisit toute la mission. Il ne resta debout que la cuisine. A quoi attribuer cet incendie? mystère!! » 1 . ’

Est-ce vraiment un mystère, le fait que la mission ait pris feu ? Dans la chronique du poste, l’incendie n’est pas un phénomène exceptionnel. On se rappellera, par exemple, le début d’incendie éteint par le Père Laemont en 1919 2 . La mission abandonnée pouvait partir en fumée sans mobile criminel, mais simplement par l’effet d’un feu quelconque allumé à proximité. Les habitués de la région connaissent les histoires des cases qui s’embrasent, souvent pendant la saison sèche, à cause des feux allumés pour fumer le poisson et de la pratique des brûlis à proximité du village.

L’excentricité de Pangu et la destruction de ses bâtiments par le feu ne constituent que des raisons apparentes justifiant le refus par les Jésuites de reconstruire sur place. Les vrais mobiles sont ailleurs.

En effet, une observation, même rapide, de la géographie des implantations jésuites dans le Kwango, indique que ces missionnaires ne se sont installés que très rarement dans les centres européens où État et commerce se côtoient. Les missionnaires de la Compagnie de Jésus se méfient, comme nous l’avons déjà souligné, de ces « cités » naissantes où la moralité des indigènes laissait à désirer. Pangu était l’un de ces centres où se mélangeaient des populations provenant de diverses ethnies. Il y avait donc là une raison pour que les Jésuites ne s’y établissent pas.

Carte 12 Préfecture apostolique du Kwango vers 1925
Carte 12 Préfecture apostolique du Kwango vers 1925

(source : Laveille, L'Evangile au centre de l'Afrique)

L’idée de faire de leurs postes de mission des centres autosuffisants où, sur le modèle des fermes-chapelles, l’agriculture, l’élevage et les autres activités économiques serviraient d’instruments pédagogiques et satisferaient aux besoins élémentaires des résidants, hantent constamment les missionnaires de la Compagnie. Le choix d’Ipamu, aux dépens de Pangu, obéit aussi à cet impératif 1 .

En 1920, les Jésuites effectuent donc deux visites chez les Ding orientaux et décident de reconstruire ailleurs plutôt qu’à Pangu. De Vos dépêche l’abbé Hyacinthe Vanderyst et le Père Yvan de Pierpont qui, dans le cadre de la lutte contre la maladie du sommeil, fréquentaient déjà certains villages du territoire de la Kamtsha-Lubwe (notamment les régions de Yassa Lokwa et de Kanga, voisines d’Atene C.K et d’Imbongo) pour prospecter la contrée et trouver un emplacement favorable à la nouvelle mission. Nous sommes en mars 1921.

Vanderyst, un agronome, est l’artisan principal de l’expédition. Comme l’indique le manuscrit de Struyf, « le Père Van Derijst, parti de Kikwit, traversa la région inconnue et mal famée des Badinga et arriva à Ipamu, grand centre de Badinga Mukene-Mbele. Cet endroit avait été indiqué par M. Huysmans, l'administrateur territorial d'Idiofa. Ipamu se trouve vers le milieu de la région cédée, à 17 kilomètres de la rive du Kasaï, au milieu d'une magnifique galerie forestière. Les indigènes étaient favorables à l'établissement d'un poste missionnaire. Ceux-ci pourraient disposer de grandes forêts pour les plantations » 2 .

Avant de jeter leur dévolu sur Ipamu, Vanderyst et Pierpont avaient tenté de s’installer sans succès à certains endroits. Les traditions locales citent Bampum C.K. et Ngyenkong comme sites où les missionnaires auraient pu s’implanter.

Le choix d’Ipamu ne relève pas du hasard. Le lieu se situe à 17 kilomètres de Mangaï, port d’embarquement et débarquement sur le Kasaï et centre de commerce européen avec une forte population des travailleurs indigènes.

La forêt d’Ipamu 3 a aussi été un critère déterminant dans le choix du site par l’agronome Vanderyst. Cette forêt offrait non seulement la possibilité de pratiquer l’agriculture, comme l’indique Struyf, mais aussi, elle constituait un domaine de chasse et un territoire d’exploitation de bois.

Il semble, d’après une analyse attentive des sources, que, pour se fixer à Ipamu, Vanderyst n’avait pas au préalable obtenu, comme le prétend Struyf, l’autorisation de l’administrateur territorial, Huysmans. L’abbé se serait d’abord installé à la suite de ses tractations avec le chef du village d’Ipamu. C’est seulement après des pressions exercées par des agents de l’État, notamment le nouvel administrateur territorial, Deslahaut, qu’il s’engagera à suivre la procédure d’obtention d’une concession telle que définie par les lois de la colonie.

La correspondance échangée entre Vanderyst et le commissaire de district du Kasaï confirme la thèse de la postériorité de la demande d’installation.

En effet, par une dépêche n° 933 du 1er juin 1922, que Vanderyst dit avoir reçu seulement le 29 juillet 1922, le commissaire du district du Kasaï, incité par Deslahaut, enjoint les missionnaires d’Ipamu d’apporter les preuves de la légalité de leur implantation à la nouvelle mission. Vanderyst et Struyf se rendent compte qu’ils n’ont aucun document. Vanderyst s’empresse alors de répondre au commissaire de district. Il souligne dans sa note que l’implantation actuelle n’est que provisoire et que Mgr De Vos devra régulariser la situation dès que possible :

‘J’ai l’honneur de vous annoncer que je me suis installé provisoirement à Ipamu, après entretien à Idiofa, en janvier 1921, avec Mr Huysmans, administrateur territorial. L’intention de Mgr Devos, Préfet Apostolique du Kwango est d’y créer une mission centrale. La cession d’une partie du territoire d’Idiofa à la Préfecture Apostolique du Kwango par la Propagande, n’étant pas encore officielle, aucune demande de concession de terres n’a pu être faite jusqu’à présent. Je m’empresserai de transmettre votre dépêche à Mgr Devos, s.j., qui y donnera, le plus tôt possible, la suite qu’elle comporte 1 . ’

Vanderyst élabore une demande de concession qu’il antidate au 21 septembre 1921. La copie de ce document, soumis à De Vos, est envoyée au commissaire de district. Cette demande est ainsi formulée :

Nom du requérant – Le Père Vanderyst, Hyac., missionnaire installé provisoirement à Ipamu, immatriculé à Kikwit.

Demandeur – Mgr Devos, s.j.

A) Situation : au Nord-Ouest du village d’Ipamu à environ 700 pas du village. À la distance de 5 heures de marche de Manghaie C.K. et à 7 heures de Lubwe C.K. s/Kasaï.

B) Superficie : Bloc de 200 hectares, rectangulaire de 2000 m sur 1000 m.

C) Limites – Vers le S, Le S.O, le N et le N-E, ce terrain est limité par la forêt ; vers l’Est par le village d’Ipamu.

Destination : Création d’une mission centrale catholique pour le terrain occupé par les populations Bangoli, Badinga, Babunda, Balori, Banzali, Bashilele, entre la Kamtsha et la Loange.

Richesse naturelle – Néant, ni ressources salines, ni mines, ni marais salants, ni source d’intérêt public.

Nature du sol et formation botanique – terrains sablonneux et très faible fertilité naturelle ; formations forestières diverses.

VII. Droits des indigènes – Ces terrains sont inoccupés. Une partie a été cultivée naguère. Le choix du terrain a été fait de commun accord avec le chef du village et les indigènes 2 .

Dès la réception des preuves apportées par Vanderyst, le Commissaire de District ordonne à l’administrateur territorial d’enquêter sur la véracité de la déclaration du missionnaire. Deslahaut donne le résultat de ses recherches dans une lettre du 8 août 1922 :

‘Monsieur le Commissaire de district, ’ ‘J’ai l’honneur de vous faire savoir qu’il n’existe aucune trace de correspondances échangées entre la Mission des R.P. Jésuites et Monsieur Huysman. J’ai demandé à titre privé à M. Huysman des renseignements à ce sujet, et voici ce qu’il m’écrit : « Un jour , j’ai reçu à Mangaie, la visite des R. P. Devos et Brielman, qui avaient parcouru le territoire et qui m’ont dit vouloir installer une mission chez les Badinga derrière Mangaï (Lundgren) (signalé dans les rapports politiques). J’ai écrit au R.P. Brielman pour lui dire qu’il y avait un bon emplacement vers Tshimo. J’ai reçu la visite du R.P. Vanderyst, au mois de janvier 21 et je suis passé en février, descendant fin de terme et non de visite. Il n’y a rien eu d’officiel, si ce n’est que leur installation a été signalée dans le rapport politique ». Ces renseignements ont été fournis dans les rapports politique du 4e trimestre 1920, confirmés par les rapports du 1er, 2e et 3e trimestre 1921 3 .’

Cette discussion entre les missionnaires d’Ipamu et les agents de l’État est à situer dans le cadre de la polémique autour de la fameuse « politique indigène », elle ne remettra finalement pas en cause l’établissement des Jésuites sur ce site.

En vertu de la Convention du 26 mai 1906, signée entre l’E.I.C. et le Saint Siège 1 , les Jésuites acquièrent officiellement, le 18 septembre 1926, une concession de 200 hectares. En prévision de l’arrivée des Sœurs de Sainte Marie de Namur, les missionnaires d’Ipamu sollicitent encore 200 autres hectares qu’ils obtiennent, le 31 janvier 1928. En 1956, lorsqu’il s’agira de construire un lazaret pour les tuberculeux, les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée obtiendront 40 hectares à deux kilomètres de la mission au-delà de l’actuel village Ipamu en allant vers le nord. Au total, l’actuelle paroisse d’Ipamu possède 440 hectares de terres concédées en vertu des lois coloniales qui jusqu’à présent n’ont pas été remises en cause par l’autorité postcoloniale.

Mais à lire les témoignages, depuis les années 1930, les autochtones n’ont jamais cessé de remettre continuellement en question les acquisitions foncières des missionnaires. À plusieurs reprises, nous lisons dans les manuscrits que les agents de l’État sont venus à la mission et que les chefs des villages ont été convoqués pour palabrer sur les problèmes de terrain 2 . La question foncière n’a donc jamais été définitivement réglée et, en réalité, elle ne le pourra jamais parce qu’il s’agit ici d’une bataille entre deux conceptions opposées de l’appropriation de la terre.

Les natifs ne savent pas que leurs terres leur ont été expropriées par les décrets de Léopold II et qu’en réalité, les contrats terriens entre les missions et l’État colonial, ne leurs réservent aucune place, eux, premiers occupants 1 . Le missionnaire qui négocie avec le chef indigène sait que ce dernier n’a aucun moyen de l’empêcher d’avoir les terres qu’il veut, puisque ses terres appartiennent, d’après la logique léopoldienne, à l’État. C’est l’État qui les donne à qui il veut suivant une procédure prescrite par la loi et dont l’indigène, qui ne sait ni lire ni écrire, ignore complètement les tenants et les aboutissants. Si le missionnaire sollicite le chef local et lui donne quelques cadeaux, c’est simplement pour créer un climat de confiance nécessaire à l’apostolat et à l’avancement de ses œuvres. Les autochtones négocient tout en ignorant la convention qui lie l’État au Supérieur de la mission. Ils le font en vertu de leurs principes traditionnels et non d’un droit écrit. Ils donnent leur terre, selon la règle de l’hospitalité qui veut que l’étranger ait aussi droit à la terre puisqu’il doit manger et vivre. Les autochtones se réservent, cependant, le droit de chasse, de cueillette, de pèche, d’enterrement et de culte de leurs morts. Chaque fois que le missionnaire veut les empêcher d’exploiter ce qu’il considère comme sa concession (selon la logique occidentale), les indigènes se révoltent et opposent leurs traditions.

Comme l’indiquent divers textes missionnaires, les natifs du village Ipamu et de ses environs ont continué à chasser et à collecter sur les territoires qui, en droit moderne, appartiennent exclusivement aux missionnaires. Chaque fois que les Pères ont voulu les en empêcher et leur ont opposé les conventions écrites, les autochtones ont toujours clamé qu’ils n’ont jamais vendu leurs terres aux missionnaires et que ceux-ci voulaient abuser de l’hospitalité accordée par les anciens. En matière de droit foncier le quiproquo est permanent entre mission et autochtones 1 .

Notes
1.

STRUYF, Historique de la mission d’Ipamu…, op.cit., p. 1.

2.

Ibidem.

3.

MUBESALA, Une Mission au Congo…, op.cit., p.16.

4.

DE VOS, Lettre au Supérieur général, Kisantu, le 21 février 1921, ARSI, Miss. Kwang. 1002-1, 61.

1.

STRUYF, Historique de la mission…, op.cit., p. 1.

2.

Cfr. Supra.

1.

L’installation d’un poste de mission devait répondre à certains critères de viabilité auxquels les Jésuites tenaient absolument. Parmi ces critères, la possibilité de faire l’agriculture était essentielle.

2.

STRUYF, Historique de la Mission d’Ipamu…, p. 1-2.

3.

Cette forêt a fait l’objet de très belles descriptions : Un jésuite d’Ipamu s’émerveille  : « Nous marchions dans un site enchanteur... A droite, à gauche, en haut, dans un enchevêtrement indescriptible se balançaient d’interminables lianes entortillées, et de partout, à moitié cachés par cette végétation géante, s’élevaient des troncs superbes, droits comme d’immenses cierges, à travers un fouillis de lianes et des feuilles, cherchant là-haut, tout là-haut, des bouffées de lumière et de soleil!

Ah! Ces arbres! quelle force et quelle majesté! Il y en avait des blancs, marbrés de vert et de gris;(...) et puis...et puis...Ah! quel débordement de vie de, majesté », DELAERE, J., « La forêt d’Ipamu » in MBCJ, 1928, p.218.

Très récemment, un missionnaire Oblat écrit :

« Voir, contempler la forêt vierge attirait également. Certes en bordure de route, c'est d'abord, assez longtemps, un taillis touffu coiffé de-ci de-la par quelques géants. Mais, en avançant davantage, on débouche sur un spectacle étonnant : plus de taillis ni de sous bois, mais un espace libre, ombrageux, calme, où domine, très haute, la voûte quasi continue des grandes couronnes boisées. La poussée effrénée des jeunes arbres vers la lumière les affine et les élague, et ils ne résistent au vent que grâce à la masse de leurs voisins. La marche n'écrase pas beaucoup de brindilles ni des feuilles froissées. Tous les bruits portent, résonnent, comme le cri du koro-koro, sorte de toucan au bec long et courbé. Après une longue attente, surgit parfois une troupe de singes, à la recherche d'arbres fruitiers. Malheur à ceux qui se trouveront dans la ligne de mire d'un bon tireur. Dans les forêts des villages entourant Ipamu se rencontrent parfois des chasseurs badinga, qui en grandes bandes, traquent le gibier, avec de très longs filets tressés, hauts d'environ un mètre, vers lesquels une autre équipe bruyante rabat antilopes, cochons bruns sauvages, phacochères, etc. », RIBAUCOURT, J.M., Évêque d'une transition. René Toussaint, Baobab, Kinshasa, 1997, p.81.

1.

VANDERYST, Lettre au commissaire de district du Kasaï à Luebo, Ipamu, le 29 juin 1922, PBS, boîte XI/1, C. IV.

2.

VANDERYST, Demande d’une concession adressée au commissaire de district du Kasaï à Luebo, Ipamu, le 21 septembre 1921, PBM, boîte XI/1, C. IV.

3.

Lettre de DESLAHAUT, administrateur du territoire au commissaire de district du Kasaï, Idiofa, le 8 août 1922, AMBAE, M. 628, D.

1.

La Convention du 26 mai 1906, signée entre l’E.I.C. et le Saint siège, apporta une solution favorable aux missionnaires :

« art.1 :L’Etat du Congo concédera aux établissements de missions catholiques au Congo les terres nécessaires à leurs œuvres religieuses dans les conditions suivantes…

art.2 : La superficie des terres à allouer à chaque mission, dont l’établissement sera décidé de commun accord, sera de 100 hectares cultivables ; elle pourra être de 200 hectares cultivables en raison des nécessités et de l’importance de la mission. Ces terres ne pourront être aliénées et devront rester affectées à leur utilisation aux œuvres de la mission. Ces terres sont données à titre gratuit et en propriété perpétuelle ; leur emplacement sera déterminé de commun accord entre le Gouvernement général et le Supérieur de la mission » in B.O., 1906, col.

2.

À titre d’exemple, on peut noter les visites répétées des agents de l’État pour régler la question de la concession. D’abord en 1928 : « Le 23 et le 24 septembre 1928, l’administrateur territorial d’Idiofa vient à la mission pour reconnaître les terrains, environ 400 hectares, demandés pour les Sœurs. Les chefs possesseurs des terrains ainsi que les notables sont invités à apposer leur empreinte digitale sur le procès verbal pour attester qu’ils consentent à donner le terrain aux Sœurs ». Ensuite en 1933: « Le 5 mai, M. GEEVERS, administrateur territorial, et madame arrivent à Ipamu. Le 6, Madame visite les classes des Sœurs pendant que Monsieur délimite, pour les Sœurs, une concession de 100 hectares. On interroge les chefs et les notables des villages voisins au sujet de cette concession. Tous accèdent à la demande de terrains et, en signe d’adhésion, chacun donne 15 fois son empreinte digitale sur les différentes feuilles du dossier tandis que la Supérieure y appose le même nombre de fois sa signature ». (Rapport des Sœurs de Sainte Marie de Namur )

1.

La procédure légale d’acquisition d’un terrain par les missionnaires était à peu près celle-ci : le Supérieur de la mission (Préfet ou Vicaire apostolique) choisissait le terrain qui lui convenait, théoriquement en concertation avec les autochtones ; il adressait une lettre de demande de concession au Gouverneur général. Celui-ci, par l’entremise de ses services, ordonnait une enquête de vacance. Une fois l’enquête réalisée et la vacance prouvée, le géomètre descendait sur le terrain avec ses aides pour procéder au mesurage. C’est seulement après cette dernière opération que le contrat de cession gratuit était signé entre le Supérieur de la Mission et le Gouverneur général. Les frais de mesurage et de l’entretien du géomètre et de ses aides étaient à charge de la Mission. (Voir Dossier foncier, archives de l’évêché d’Idiofa) La venue du géomètre intriguait souvent les autochtones qui sentaient confusément que leurs terres leur étaient expropriées. D’ailleurs toute cette procédure que nous venons d’expliquer était complètement ignorée des natifs. Comme ils ne savaient ni lire ni écrire, on leur ordonnait d’apposer leur empreinte digitale sous les textes dont seuls les missionnaires et les agents de l’état connaissaient la teneur.

1.

Lire NKAY, M. F., Terre de Dieu, Terre des hommes. Pour une éthique de l’appropriation et de l’usage de la terre en Afrique, Université Catholique de Lyon, 2002, 124 p.