3. 2. LA MAISON DE DIEU : UNE GRANGE !

À la fin de l’année 1922, la maison des Pères est déjà terminée et elle peut abriter les nouveaux missionnaires. Progressivement l’habitation initiale des Pères sera agrandie pour revêtir la forme qui nous est présentée par la photo de 1929.

Il y aura suffisamment de chambres pour loger les résidants et les hôtes de passage. L’ameublement intérieur de ces chambres est sommaire. Le Père Renson, un des premiers Oblats de Marie Immaculée arrivé à Ipamu, décrit une de ces chambres :

« Dans nos chambres, pas une armoire, pas une étagère; une chaise abîmée, une table grossière aux planches disjointes, un lavabo fait sur place, un lit de camp auquel sont attachés quatre piquets pour la suspension d'une moustiquaire...Du sable comme parquet, et des habitants! De grosses araignées qui vous couvriraient la paume de main, une chauve-souris, un grillon de ces pays-ci, dont les cris ont un son bizarre et une force étonnante...Tels sont les meubles et les compagnons que je retrouve le soir quand je viens prendre mon repos » 3 .

Une chapelle est aussi construite ; elle est qualifiée, en 1924, de « pauvre, misérable et obscure » 1 par le Père Libbrecht. Ce dernier Jésuite commence, en cette même année 1924, la construction d’une nouvelle chapelle qui, selon ses propres dires, « sera un monument pour Ipamu : 35 mètres de long sur 12 de large et 10 de haut, toute entière en matériaux indigènes » 2 .

En 1925, la construction de la chapelle entamée par Libbrecht est achevée : « Notre église se présente bien ; elle est en pisé, mesure à l’intérieur 32 mètres avec le chœur, et 12 mètres de largeur. La sacristie est longue de 4 mètres de sorte que l’ensemble mesure 36 mètres » 3 . Mais ce « monument » est encore trop petit le jour de grandes fêtes : « À Pâques, par exemple, les chrétiens seuls ont trouvé place à l’intérieur ; un millier de catéchumènes se trouvaient dans la grande cour, à l’entrée » 4 . Les Pères se proposent donc d’allonger l’église de 14 mètres en attendant une église en briques. Une photo de 1929 nous montre cette église surmontée d’un clocher au-dessus duquel pointe une croix. C’est de cette chapelle que l’un des premiers Oblats dira en octobre 1931 : « Plusieurs fois par jour, l’église se remplit de plus d’un millier de Noirs ; ils regorgent et débordent à l’extérieur, à tel point que cette grange est trop petite. Et c’est une grange, je vous assure ! Trois petits autels forment tout le mobilier de la maison de Dieu… » 5

Eglise d'Ipamu 1929
Eglise d'Ipamu 1929

(source : RMJB 1929 p. 434)

En 1925, les Pères se préparent activement à construire de nouvelles maisons qui doivent abriter les Sœurs de Sainte-Marie de Namur attendues pour août 1927. Il y aura une maison d’habitation pour les sœurs, une maison pour les filles et des classes. Les travaux de construction d’un dispensaire commencent en 1928.

En 1931, quand arrive le premier Oblat, toutes les constructions d’Ipamu sont en « poto-poto » (terre glaise), mais l'aspect extérieur de la mission est impressionnant : tout est rangé avec ordre. Ipamu est comme un grand village, avec, au centre, l'église. Ce grand village est divisé en quartiers. Près de l’église (à peu près 200m), du côté nord-est, le quartier des Pères où l’on trouve l’habitation des Pères avec ses dépendances : un jardin, une cuisine, un petit élevage, une menuiserie, un garage et une scierie montée par le père Jacques Delaere. L'école des garçons est à mi-chemin entre la maison des Pères et le quartier de l’internat des écoliers ("kiter") et celui des catéchumènes. La zone réservée aux écoliers et aux catéchumènes hommes se trouve au nord. Le makwela, quartier réservé aux gens mariés et aux travailleurs est un peu plus loin, à bonne distance du quartier des élèves et des catéchumènes.

De l'autre côté, au sud-est, à plus de 300 mètres de l’habitation des Pères, la maison des sœurs derrière laquelle, le quartier des filles et leur école. Le dispensaire et plus tard la petite maternité seront aussi à proximité de la maison des Sœurs. Le plan de la mission, comme on peut le constater, obéit à une double logique de ségrégation : une ségrégation raciale où les Blancs (Sœurs et Pères) vivent à l’écart des Noirs et une ségrégation sexuelle où hommes et femmes non mariés vivent dans des quartiers séparés. La maison de Dieu au centre de la mission est le principal point de ralliement. Même ici la logique de la ségrégation sexuelle était respectée : les hommes se mettaient du côté droit et les femmes du côté gauche selon les traditions des églises en Europe.

Notes
3.

Renson, E., « Mission du Congo Belge » in Mission OMI, 1932,p190.

1.

Lettre de LIBBRECHT au Père provincial, Ipamu, le 12 avril 1924, PBM, boîte XII, M.47.

2.

Idem.

3.

STRUYF, Y., « Lettre de juin 1925 » in RMJB, 1925, p. 452.

4.

STRUYF, Y., « Lettre de juin 1925 » in RMJB, 1925, p. 452.

5.

RENSON, E., « Mission du Congo Belge » in Mission OMI, 1932, p. 190.