3. 3. 1. Querelles avec les agents de l’État

Les oppositions entre les missionnaires et les agents de l’État au début des années 1920, ne sont pas spécifiques à la seule mission d’Ipamu, elles sont généralisées dans l’ensemble du pays et prononcées dans l’est de la mission jésuite du Kwango. Ces frictions sont des conséquences logiques de la polémique soulevée par la mise en application de la « politique indigène » de Louis Franck. Dans la Mission jésuite du Kwango, surtout au Kwilu où déjà les catholiques et les protestants sont en compétition, la situation avec les agents de l’État est de plus en plus délétère à partir de 1921. L’abondante correspondance de cette époque signale de nombreux incidents opposant les missionnaires aux agents de l’État. Elle montre bien la lutte insidieuse que les Blancs de Dieu livraient contre les Blancs de l’État pour imposer leur influence sur les autochtones 1 .

Dans ce combat fratricide, chaque partie prétend défendre les intérêts des indigènes et dit travailler pour faire progresser la « Civilisation ». Les deux protagonistes s’accusent l'un l'autre. Les missionnaires jésuites se plaignent des vexations que les agents de l’État font subir aux postes de mission, aux catéchistes, aux catéchumènes, aux chrétiens, aux élèves, etc. Les agents de l’État n’épargnent pas les missionnaires. Ils les accusent aussi de vexations contre les populations locales et ils leur reprochent de chercher à imposer leur religion par la force.

Dans une lettre adressée à son Supérieur général, le 29 septembre 1922, De Vos résume la situation qui prévaut dans l’ensemble du pays et dans le Kwango :

‘Vous n’ignorez pas, mon Très Révérend Père, que, depuis un an, des différends ont surgi entre l’administration coloniale et les Missions. Ces différends sont nés du fait que les documents officiels ont formulé des directives en opposition non seulement avec les principes de l’Acte de Berlin et de la Charte coloniale, mais encore avec les textes même les lois de la colonie. Ce différend est loin d’être terminé. Comme il était facile de le prévoir, ces directives ont eu de pénibles résultats. Sans chercher à grossir les faits, nous pouvons affirmer que dans la Province de l’équateur ( le Congo belge est divisé en 4 provinces ou vice-Gouvernements), les villageois ont été emprisonnés ; dans la Province du Congo-Kasaï (c’est dans celle-ci qu’est établie la Préfecture du Kwango), plusieurs postes de notre mission ont été en butte aux vexations des fonctionnaires : destruction de cases de chrétiens, menace de détruire les écoles rurales, encouragements à la désertion des écoliers, ennuis créés à des femmes catéchumènes, renvoi d’enfants et d'adultes des écoles, etc. Évidemment nous avons protesté et nous osons espérer qu’il sera mis fin à ces vexations 1 . ’

Après une tournée dans la province du Congo-Kasaï, le Gouverneur Général s’en prend aux catéchistes qui, d’après son entendement, sapent l’autorité des chefs indigènes. Il instruit ses agents : «  Les autorités territoriales devaient faire en sorte que les catéchistes qui, tout le monde le sait, abusent de leur situation et sapent l’autorité de nos chefs indigènes, ne puissent faire de la propagande religieuse en dehors des limites de leur propre village » 2 .

Dans le territoire de la Kamtsha-Lubwe où se situe la mission d’Ipamu, plusieurs incidents opposent les Jésuites Struyf et Vanderyst aux agents de l’État, notamment le commissaire de district du Kasaï à Luebo et l’administrateur du territoire, Deslahaut, à Idiofa.

Examinons en détail quelques-uns de ces incidents.

Notes
1.

On trouve plusieurs lettres relatives aux événements de cette période aussi bien dans les archives missionnaires que dans ceux de l’État.

1.

Lettre de DE VOS au Supérieur Général, Kisantu, le 29 septembre 1922, A.R.S.I., 1002-11.

2.

Lettre-circulaire du Vice-Gouverneur Général au commissaire de district de Luebo, Léopoldville, le 8 février 1922, AMBAE, M. 628, IX, b.