L’année 1931 a commencé sous de mauvais auspices : une épidémie de grippe infectieuse règne dans la région et a fait, dans plusieurs villages, de nombreuses victimes. À la mission, elle atteint surtout les garçons parmi lesquels il y a plusieurs décès. Au même moment, une épidémie de dysenterie fait des ravages dans la région d’Idiofa. Des mesures sérieuses ont été prises par l’État pour enrayer la contagion de ces deux épidémies : la circulation est interdite dans le territoire et les nouveaux cas doivent être signalés. L’épidémie de grippe prendra fin au mois de février.
À Ipamu, on apprend la nouvelle de la cession du poste au mois de mars, comme nous l’avons déjà indiqué. Au mois de mai, le Père Allard arrive à l’improviste délégué par Van Hee pour une visite canonique du poste. Il y reste du 16 au 20. Il visite les écoles et s’entretient avec chacun des Pères et chacune des Sœurs. Il demande aux Sœurs de prendre complètement le catéchisme des filles. Le Père Supérieur conservera provisoirement le groupe qui doit être questionné pour le 15 août. Mais à partir de cette date, tout se fera chez les Sœurs et par elles. Les Sœurs expliquent cette mesure : « Le père Supérieur était par trop surchargé et puis il y a danger moral pour les filles de se trouver plus ou moins en contact avec les garçons » 1 .
Pendant ce même mois, on installe à Ipamu des décortiqueuses à riz et à maïs qui vont fonctionner au moyen d’un moteur.
Le 31 janvier 1932, Mgr Van Hee effectue un voyage à Ipamu pour conférer les confirmations. Il y reste jusqu’au 5 février et profite de son séjour pour visiter les classes des filles et des garçons. Le 13 février, le Père Hubert part pour l’Europe. Le Père Struyf, délégué par Mgr Van Hee comme visiteur des postes cédés aux Oblats, assure à nouveau la direction d’Ipamu. Hubert Eudore revient à Ipamu, le 21 octobre 1932. À la fin de 1932, il ne reste plus que deux Jésuites dans la région concédée aux Oblats : Yvon Struyf à Ipamu et Van Naemen à Mwilambongo.
Au mois de janvier 1933, la vie suit son cours normal à Ipamu. Yvon Struyf clôture la retraite annuelle des Sœurs le 3 janvier. Il dit ses adieux aux Sœurs et celles-ci commentent cet instant pathétique dans leur Journal : « Le Père Struyf a tenu à nous dire au revoir à la veille de quitter la chère Mission arrosée de ses sueurs ; plusieurs fois, une larme a trahi son émotion, mais la générosité avec laquelle il accomplit son sacrifice ne peut pas manquer de féconder sa parole et d’assurer le succès de la retraite. » 2
Le 8 janvier, le brave Père Struyf se rend à Mangaï célébrer les funérailles de monsieur Demolder, chef de Secteur de la C.K. décédé presque subitement. La messe a lieu au gîte d’étape transformé en chapelle ardente en présence d’une nombreuse assistance de Blancs et de Noirs.
Il préside, pour la dernière fois, la cérémonie du baptême, le samedi 14 janvier, suivi le lendemain de celle de la première communion. Les jours qui ont suivi, il les consacre à des « aux revoirs et des adieux » aux différentes communautés habitant le poste. Partout des larmes à l’idée que le bon « Mfumu Yvon », le « Tata » comme les filles aimaient l’appeler, allait bientôt quitter la belle mission d’Ipamu 1 . C’est le vendredi 20 janvier que Struyf part définitivement d’Ipamu pour Djuma. La Sœur Saint Paul commente ce dernier moment mémorable :
‘À 4 h ½ le Père Struyf vient dire la messe pour la dernière fois dans notre petite chapelle. À 6 h ½ , nos enfants font la haie sur la route du bois pour lui dire un dernier « au revoir ». Il vient encore nous saluer et nous bénir. L’émotion est générale. Les Pères Adam et Nizet donnent un pas de conduite à celui qui n’a rien épargné pour les initier à leur apostolat et qui leur laisse une mission florissante.’ ‘Sous un extérieur rude, cet ardent missionnaire cache un cœur généreux et un dévouement sans borne. Depuis près de cinq ans que nous sommes à Ipamu, sa bienveillante sympathie pour nous ne s’est pas démentie un instant 2 .’Le Père Van Naemen quittera, quant à lui, Mwilambongo à la fin du mois de janvier. En passant par Kilembe, avec le Père Hubert, il rejoindra Leverville où, accompagnés de Mgr Van Hee et de Struyf, ils assisteront, le 5 février, à la réception du Prince Léopold et de la Princesse Astrid. L’abandon d’Ipamu n’a pas été chose facile pour les Jésuites qui espéraient beaucoup de cette mission devenue rapidement prospère. Le Père Struyf exprime son amertume dans une note écrite en 1938 :
‘Le poste devient un beau centre d'activité spirituelle et matérielle. 600 garçons au poste, 250 ménages indigènes, 450 filles chez les sœurs. Une grande menuiserie avec moteur, une belle scierie, actionnée par une locomobile; 2 nouveaux aides-laïcs en avaient pris la direction. Une nouvelle Chevrolet faisait le transport. Mais la joie fut de courte durée. Une belle partie, la plus populeuse de la mission du Kwango, fut donnée aux Oblats. Ipamu tombait dans la région cédée. Et cela, au grand regret de la plupart des missionnaires. Mgr Van Hee, de concert avec les Supérieurs réguliers et ecclésiastiques, cédait un territoire à peu près grand comme la Belgique, avec une population de plus de 300.000 habitants, statistique donnée par les Pères Oblats eux-mêmes. Tout fut laissé aux Pères Oblats; les Jésuites partirent seulement avec leurs effets personnels » 3 ’L’histoire officielle des Jésuites à Ipamu, chez les Ding orientaux, s'achève donc en 1933.
Rapport des Sœurs de Sainte Marie de Namur, 1931. L’explication donnée par les Sœurs n’est que partiellement correcte. En réalité cette mesure a été prise à cause d’un bruit qui courrait à la mission selon lequel la Sœur Supérieure, Sœur Saint Paul serait partie en Europe parce qu’enceinte du Père Van Tilborg. Lire notre article, « Église catholique, Peuple et État dans la République Démocratique du Congo » in DELISLE, P. et SPINDLER, M. (sous la dir. de), Les relations églises-État en situation postcoloniale. Amérique, Afrique, Asie, Océanie. 19 e –20 e siècles, Karthala, Paris, 2003, p.304.
RSMN, le 3 janvier 1933.
RSMN., le 17 janvier 1933. Le mot kikongo« tata » est l’équivalent de « papa ».
Idem, le 20 janvier 1933.
STRUYF, Historique…, op. cit., p.5.