1. CONTEXTE ANTHROPOLOGIQUE

L’ouvrage de William B. Cohen, Français et Africains. Les Noirs dans le regard des Blancs 1530-1880 2 , résume bien l’image que les occidentaux du 19e siècle et du début du 20e se faisaient de Noirs. Tout au long du 19e siècle et jusque vers les années 1945, en Belgique comme partout en occident, prédominait la croyance à l’infériorité des Noirs. Cette croyance, formée et renforcée par des siècles de contacts, s’appuie, à cette époque où le scientisme était devenu un véritable objet de culte, sur des théories pseudo-scientifiques et religieuses. Publiés dans des romans, des ouvrages « scientifiques », des revues et des magazines et vulgarisés par des kermesses et des expositions, toutes les idées et les préjugés défavorables aux Noirs étaient répandus dans toutes les couches sociales en Belgique et dans tout l’Occident chrétien. Les missionnaires eux-mêmes baignaient dans cette culture et ils partageaient, dans l’ensemble, les opinions de leurs contemporains, surtout quand celles-ci se présentaient comme les résultats des enquêtes scientifiques avérées. Les écoles qui les préparaient à la vie africaine, leur inculquaient aussi ces a-priori sous prétexte de prévenir contre d'éventuelles dérives 1 . Souvent, une fois en Afrique, ceux des missionnaires qui n’avaient pas un niveau suffisant de culture et une intelligence formée pour discerner et juger par eux-mêmes, ressassaient les mêmes lieux-communs véhiculés en Europe pour expliquer les situations inédites qu’ils rencontraient et justifier leurs écarts de conduite envers les Noirs.

Tout au long du 19e siècle et dans le premier quart du 20e siècle plusieurs écoles de pensée justifiaient la théorie raciste de l’infériorité des Noirs en évoquant pêle-mêle des raisons environnementales, biologiques et religieuses. Ces raisons, reprises explicitement ou implicitement, ont d’une façon ou d’une autre influencé la pensée et le comportement des missionnaires, même s'ils n'adhèrent pas aux postulats pseudo-scientifique du racisme biologique.

Notes
2.

COHEN, W.B. (traduit de l’Anglais par C. Garnier), Français et Africains. Les Noirs dans le regard des Blancs 1530-1880, Gallimard, Paris, 1981. Lire surtout les chapitres 7, 8, 9 et la postface.

1.

L’école coloniale d’Anvers s’était spécialisée à former les candidats à la vie sous les tropiques. À Louvain et dans les maisons de formation religieuse, l’initiation à la vie missionnaire au Congo était partout assurée par des « spécialistes », surtout les ethnologues comme le Jésuite Van Bulck.