1. 2. LES CATÉCHISTES

Dans le pays des Ding Orientaux, la première génération des catéchistes se serait constituée bien avant l’implantation du poste de mission à Pangu. Il s’est probablement agi, comme l’indique Baerts, de tous ces rentrants (soldats au terme de leur service, travailleurs de l’État ou des Compagnies, jeunes gens ayant été en contact avec les chrétiens à Lubwe ou Mangaï, etc.) qui ont suivi les instructions, peut-être même avaient-ils été baptisés à Boma, à Léo ou ailleurs, et qui, de retour dans leurs hameaux, ont annoncé la Bonne Nouvelle. Il y a aussi les travailleurs venu du « haut » (Luba, Tetela, etc.) et du « bas » (Bangala, Bakongo, etc.) installés dans les factoreries de la région depuis les années 1894 ainsi que les voyageurs du Kasaï qui, connaissant quelques bribes de la doctrine des missionnaires, ont contribué à la répandre. En arrivant sur place, les Scheutistes se sont appuyés sur ces premiers évangélisateurs et sur les familles chrétiennes Luba qui les ont accompagnés. Cette première génération des catéchistes n’avait pour formation que leur propre instruction reçue pour le baptême. Les missionnaires, une fois installés, ouvrent leur école à Pangu en 1910. Ce sont les plus brillants de leurs élèves qui, après avoir été baptisés, seront envoyés comme catéchistes dans les villages et formeront ainsi une deuxième génération plus suivie et plus contrôlée par les missionnaires.

Les statistiques indiquent qu’en 1912, Pangu compte 10 catéchistes 1  ; ils sont 49 dont une femme, entre le 1er juillet 1913 et le 1er juillet 1914 2 .

À cette époque, chaque poste de mission essayait tant bien que mal, avec son école, de former ses propres catéchistes. Ainsi le niveau de ces catéchistes était-il variable selon les postes de mission et les capacités des missionnaires sur place. Cette situation aléatoire préoccupe tous les supérieurs ecclésiastiques du Congo. Aussi, lors de leur deuxième et troisième réunion tenues respectivement à Stanley Falls (Kisangani) en juillet 1910 et à Kisantu en août-septembre 1913, attachent-ils une importance primordiale aux écoles et à la formation des catéchistes : « Parmi les obligations qui incombent aux missionnaires, écrivent-ils, il n’en est peut-être pas de plus importante que celle de former de bons catéchistes. Un bon catéchiste, en effet, sera toujours le bras droit du missionnaire ; il remplacera celui-ci en bien des circonstances et lui rendra en tout temps les services les plus précieux. Toute dépense en vue de préparer de bons catéchistes doit être considérée comme un capital placé à gros intérêt » 3 .

Egide de Boeck, Pro-préfet Apostolique du Haut-Kasaï, était présent à la réunion de Kisantu. Une fois dans sa préfecture, il examine avec attention la question des catéchistes et de l’école. En 1914, il décide de créer une première vraie école des catéchistes à Luluabourg. Dans une lettre adressée à tous ses missionnaires, il écrit :

‘Le besoin extrême que nous avons de bons catéchistes m’a fait décider la création d’une école de catéchistes à la mission de Luluabourg. Avec les bénédictions du Ciel, que nous implorons tous ensemble, cette école pourrait devenir une pépinière de bons évangélisateurs, voire une institution préparatoire au futur petit séminaire. Je vous prie donc de diriger sur St Joseph, pour le premier septembre prochain, quelques enfants choisis, doués de bonnes qualités intellectuelles et surtout morales. Il faudrait qu’ils sachent au moins lire et écrire. Pour le moment, les adultes, même mariés ne sont pas exclus. Qu’on ait soin de donner sur ces sujets tous renseignements utiles au point de vue du caractère, des aptitudes, etc.. Je voudrais recevoir à bref délai, au moins approximativement, le nombre des futurs candidats, ainsi que leur état-civil (marié ou non) 4 .’

Répondant à l’appel du Pro-préfet, le Supérieur de Pangu, René Baerts, qui va à Luluabourg pour sa retraite annuelle, le 13 août 1914, amène avec lui 11 enfants pour l’école des catéchistes 5 . Qui sont ces enfants ? Nos sources actuelles ne nous livrent aucun nom. Nous ne savons même pas comment ce premier groupe a évolué et quelle était l’issue de son aventure à Luluabourg. Le Journal de la Mission nous donne une information laconique sur les élèves de Pangu en 1916 : « Le 6 juin 1916, « Antoinette » revient de Luebo. Il amène un des élèves de Mpangu à l’école des catéchistes de Luluabourg : Masokotshi, renvoyé pour inconduite » 1 . Qui est ce Masokotshi ? Était-il du premier groupe ou des autres groupes envoyés les années suivantes ? Ces catéchistes formés à Luluabourg peuvent être qualifiés de la troisième génération ; et cette génération est plus instruite.

Les études à l’école de Luluabourg durent trois ans. Au début, les Pères De Cock et Callewaert sont exclusivement affectés à cette tâche. Le programme comprend la religion, le calcul, l’anatomie, la botanique, la zoologie, la physique, l’histoire du Congo, la calligraphie, la géographie et le style, la politesse, la pédagogie, la puériculture et le français. Les cours se donnent en Ciluba. Leur formation terminée, les jeunes catéchistes réintègrent leurs régions d’origine où ils sont mis à la disposition des missions 2 .

En 1916, les Scheutistes inscrivent le cours de latin au programme de l’école des catéchistes appelée aussi école normale. Le Père De Cock est chargé de donner ce cours aux jeunes gens qui en manifestent le goût et l’aptitude en vue de la prêtrise. C’est de cette école qu’on recrutera les premiers séminaristes et l’un d’eux, Charles Mbuya, deviendra le premier prêtre du Vicariat du Haut-Kasaï 3 .

En ce qui concerne la mission de Pangu, nous ne savons pas combien de ses catéchistes ont été formés dans cette école entre 1914 et 1919. Il nous est même impossible d’affirmer que les catéchistes installés dans la région à partir de 1917 ont reçu leur formation à Luluabourg. Il y a ici tout un champ d’investigation pour le futur.

La méthode employée par les catéchistes de Pangu, consistait à faire apprendre aux catéchumènes la récitation des prières et des commandements de Dieu et de l’Église en ciluba. L’explication des mystères de la foi et des textes bibliques était réservée aux missionnaires eux-mêmes.

Dans les villages, les catéchistes faisaient prier et baptisaient les mourants en l’absence du prêtre. Les Pères les invitaient quelques fois à la mission pour une retraite et à l’occasion de grandes fêtes.

Les sources écrites nous indiquent aussi que les catéchistes recevaient un salaire. Les Instructions aux Missionnaires précisent : « Il convient que la position de catéchiste soit regardée comme une position très honorable et qu’elle soit rétribuée d’après les services que le catéchiste rend au missionnaire » 1 .

Sachant lire, écrire et calculer et connaissant les secrets de la religion des Blancs, le catéchiste avait, au village, une considération certaine. Même si dans la hiérarchie traditionnelle, il était issu d’une classe sociale inférieure, ses relations avec le « Blanc de Dieu » et sa connaissance de la « science du blanc », lui conférait un pouvoir qui le hissait en haut de la hiérarchie sociale et lui permettait de traiter avec l’aristocratie traditionnelle. C’est à lui qu’on faisait appel pour lire la convocation du Blanc de l’État ; plus tard, c’est lui qui s’érigera en scribe du village. Combien de catéchistes Ding y avait-il à l’époque des Scheutistes ? Nous ne possédons aucun chiffre. Nous savons simplement que l’un d’eux avait été assassiné en 1919 par les gens de Ngulungu. Qu’un autre, nommé Mafuta Adrien, qui a été en procès à Luebo avec un certain Bangui Ilua, était libre depuis le 25 août 1919 et en route pour Pangu 2 . Celui que les Jésuites ont trouvé à leur arrivée à Ipamu, un nommé Paul, était sûrement un Ngwi 3 .

Notes
1.

Tableau de la situation religieuse de la Préfecture du Haut-Kasaï (Congo Belge). Bilan de l’année 1912, MCCP., 1913, p.56.

2.

Minutes de Baerts, ARCCIM, P.II.b.12.4.3.

3.

Recueil d’Instructions aux Missionnaires…, p. 30.

4.

Lettres d’Egide de Boeck à ses confrères du Kasaï, Luluabourg St Joseph, le 30 mai 1914, ARCCIM,

5.

JMP., le 13 août 1914.

1.

Idem, le 6 juin 1916.

2.

ANONYME, Allocution prononcée le 6 décembre 1971 en présence du président de la République, ARCCIM, Z/III/b/1/15.

3.

ANONYME, Allocution prononcée le 6 décembre 1971 en présence du président de la République, ARCCIM, Z/III/b/1/15.

1.

Recueil d’Instruction…, p. 30.

2.

Lettre du Substitut du Procureur du Roi au Père Sterpin, Luebo, le 25 août 1919, ARCCIM, Z.III.b.3.1.21.

3.

STRUYF, Y., Historique de la Mission d’Ipamu, Kisanji, le 19 mars 1938, PBM, Boite XII. M. 47.