4. 3. SACREMENT DE PÉNITENCE

Pour les missionnaires et les théologiens de cette époque, confession et communion sont étroitement liées. Le décret de 1905 insiste sur la fréquentation régulière de la communion avec « une intention droite et pieuse » 2 . Cette intention « droite » consiste « en ce que le communiant ne soit pas conduit par l’habitude, par la vanité ou par des raisons humaines, mais qu’il communie pour plaire à Dieu, pour s’unir plus étroitement à Lui par la charité et pour opposer ce remède divin à ses infirmités et à ses défauts » 3 . Il était recommandé au communiant d’être « exempt de péchés véniels, au moins pleinement délibérés et de l’affection à ces péchés » 4 et « des fautes mortelles, avec la résolution de n’en plus commettre à l’avenir » 5 . Le communiant devait se confesser avant de communier et «  pour que la communion fréquente et quotidienne se fasse avec plus de prudence et ait plus de mérite, il ne faut la faire qu’avec l’avis du confesseur » 6 .

Mais concrètement, le missionnaire confesseur éprouve d’énormes difficultés pour accomplir sa tâche. Il lui faut comprendre ce que l’indigène lui dit dans une langue (en l’occurrence le ciluba) à peine maîtrisée. Il doit aussi, dans chaque cas, appliquer les recommandations données par les Supérieurs en matière de peine à infliger au pénitent. Il lui faut, dans ce cas précis, savoir distinguer entre péché mortel et péché véniel. Cela n’est pas facile. Pour répondre à ce genre de situation et se mettre à jour, le missionnaire de base doit continuellement s’en référer à ses supérieurs. Il leur adresse un questionnaire sur les sujets qui le préoccupent et leur indique, le cas échéant, ce qu’il fait dans la pratique. Voici l’exemple d’une question posée au Préfet Apostolique par le supérieur du poste de Luebo au sujet du vol :

‘Quelle est la materia gravis in materia furti ? Les opinions semblent bien différentes à ce sujet. Ne pourrait-on pas donner une règle générale pour toute la Préfecture ? Nous, à Luebo, nous considérons comme materia gravis (pour les indigènes) le vol de 3 frs ou objet ayant une valeur correspondante et 6 frs (pour les blancs). La materia 3 frs semble énorme si on considère le gain journalier de l’indigène d’autant plus qu’en morale d’ordinaire il y a péché mortel, si l’on prend à quelqu’un autant qu’il lui faut en un jour pour le soutien de sa famille. Ce qui fait que le vol de 0,15 cts ou objet ayant cette valeur serait péché mortel. De même 6 frs semblent peu pour avoir la materia gravis dans les vols opérés chez les blancs. Toutefois, il nous semble qu’enseigner aux noirs qu’ils peuvent prendre plus avant d’atteindre la materia gravis, est très dangereux, et cependant il faudrait le faire si l’on veut suivre les principes de la morale. D’après Monsieur le Commissaire de District, chaque blanc coûte journellement à l’état 30 frs (pour les blancs qui gagnent 7.000 frs par an), c’est-à-dire que de fait chaque blanc de cette catégorie, tout compris voyage et transport ainsi que traitement de Congé, gagne 30 frs. Je donne simplement ce renseignement pour servir de base 1 .’

Ces questions portent sur de nombreuses situations concrètes et souvent inédites non prévues par le droit canonique et les instructions des Supérieurs des Missions du Congo : l’attitude à avoir vis-à-vis d’un protestant, dispense de la proclamation des bans pour le mariage, le jeûne, assistance à la messe pour les blancs concubinaires publics, mariage des soldats, onanisme, fiançailles, etc 2 ..

Les missionnaires sont appelés à tenir aussi la comptabilité des confessions. Ainsi, par exemple, de juillet 1912 en juillet 1913, les Pères de Pangu ont entendu 4115 confessions 3 . Cette comptabilité est nécessaire parce qu’elle est associée à la communion.

René Baerts indique qu’à Pangu, il ne fait pas de la confession avant la communion, une obligation. Il laisse libre d’y venir ceux qui le désirent en « leur donnant la théorie » 4 . Il insiste cependant sur « l’obligation de se confesser quand il y a péché mortel et la faculté chaque fois qu’il y a péché véniel et même des péchés antérieurs » 5 .

Si les propos de Baerts paraissent quelque peu modérés, il n’en est pas de même dans l’ensemble de la préfecture. Dans plusieurs endroits, les missionnaires imposent la confession et veillent strictement à ce que ne puissent communier que ceux qui ont été régulièrement vus à la confession. Le supérieur de Demba écrit, par exemple : « Nous imposons la confession préalable pour plus de sûreté pour sauvegarder la dignité du sacrement et leur inspirer un plus grand respect. Ensuite, et surtout, cela empêche assez bien que le Noir ne fasse par habitude, de la communion une partie constituante de sa journée. Aller à confesse est un léger sacrifice, surtout qu’il doit y aller au moment où ses amis s’en vont chez eux ou aux jeux » 1 .

Notes
2.

Recueil d’Instructions…, p. 63.

3.

Recueil d’Instructions…, p. 63.

4.

Ibidem

5.

Ibidem

6.

Ibidem.

1.

Questionnaire adressé à CAMBIER par le Supérieur de Luebo, s.d., ARCCIM, P.II.b.2.

2.

Idem.

3.

Tableau de la situation religieuse…, op.cit.

4.

BAERTS, Réponses au questionnaire de DE BOECK…, op.cit.

5.

Idem.

1.

Réponses du Supérieur de Demba au questionnaire de DE BOECK, ARCCIM, P/II/b/3.